(La Déflagration[1].)

Résumé:

Cette génération est celle des années 1910 à 1930.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 142 associée au psaume 142. C’est dans ce psaume 142 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Les alliances entre les pays européens sont les ingrédients idéals de la déflagration: « la première guerre mondiale » qui éclate au début de cette génération.

Cette guerre sonne le glas de différents empires. Avant même la fin de la guerre, c’est « la chute de la Russie Tsariste ».

« Les retombées de la révolution russe sur la population juive » sont terribles, elle est la cible de chacun des acteurs de cette révolution, que ce soient les troupes favorables au tsar ou celles qui le combattent. Le bilan est catastrophique pour les communautés juives au cœur des combats.

Le deuxième empire qui disparaît est l’empire Ottoman. « La fin de l’empire ottoman » est marquée par des actions des ottomans envers la population juive du Yishouv (futur Israël), aggravées par l’action du mufti de Jérusalem.

Le troisième empire à disparaître est l’empire austro-hongrois. Il a pour conséquence « une nouvelle carte européenne ». Cela favorise la montée des nationalismes pour lesquels les Juifs européens n’ont pas leur place.

Au moyen-orient, la dislocation de l’empire Ottoman favorise également la « montée des nationalismes arabes ».

Le tableau n’est pas suffisamment noir. En présage de la prochaine génération, la fin de cette génération voit « l’émergence des dictatures fascistes » en Europe.

« Les pressentiments de Theodor Lessing » sur la situation en Allemagne vont malheureusement se révéler justes et cela est perceptible dès la fin de cette génération.

Alors que le tableau se noircit pour les Juifs d’Europe. Toutes les portes se ferment, il ne peuvent fuir, pas de refuge. « Le piège se renferme sur les Juifs d’Europe » qui ne pourront éviter le sort qui les attends à la prochaine génération.

« La gestation d’Israël » qui se confirme est la seule note positive de cette génération pour les Juifs .

Développement:

La première guerre mondiale.

Avant cette génération, les états européens en complément de la course aux armements, accroissent les effectifs des armées.

Ceci ajouté au jeu des alliances présage du pire : La France est alliée à l’Angleterre la Russie et l’Italie. L’Allemagne est alliée à l’empire Austro-hongrois et à l’empire ottoman, deux empires en sursis.

Bien avant 1914, les tensions sont vives entre les deux blocs.

Ainsi un étudiant isolé, Gavrilo Princip, arrive à tuer l’archiduc François-Ferdinand avec un revolver le 28 juin 1914 à Sarajevo. L’Autriche-Hongrie, malgré les réticences de l’Allemagne cherche l’affrontement avec la Serbie.

Alors que cet assassinat passe pour un fait divers un peu partout en Europe, la guerre se dessine petit à petit. L’Autriche-Hongrie finit par déclarer la guerre à la Serbie le 29 juillet 1914. La Russie, alliée de la Serbie se prépare à la Guerre, Guillaume II prend les devants et l’Allemagne déclare la guerre à la Russie le 1er Août 1914 puis à la France, alliée de la Russie, le 3 août.

L’Allemagne pensant venir à bout rapidement de l’armée française pour après se concentrer sur le front russe (elle réussira ce plan en 39/40 mais sans venir à bout des Russes) pénètre en Belgique, pays neutre, entraînant l’entrée de l’Angleterre et de la Belgique qui ne se considère plus neutre du fait de l’action allemande.

L’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet fait perdre l’espoir qu’un rassemblement des « prolétaires » de tous pays empêche la guerre.

Tous les belligérants sont confiants sur l’issue rapide et favorable du conflit. Le 12 août, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Autriche-Hongrie. Le Japon déclare la guerre à l’Allemagne, les États Unis le feront en avril 1917.

La Première Guerre mondiale vient de commencer.

La guerre durera quatre ans et fera des millions de morts et blessés dans tous les camps et aura pour conséquence immédiate la fin de trois empires ; l’empire Ottoman, l’empire Austro-hongrois et la Russie tsariste.

Ces trois dislocations auront chacune des conséquences graves sur les Juifs de ces empires indépendamment bien sûr des effets de la Seconde Guerre mondiale qu’on peut considérer engendrée par la première.

La chute de la Russie Tsariste.

Avant même la fin de la guerre, la Russie est le Premier Empire à tomber.

En février 1917, le cumul des revers militaires russes et le rationnement entraînent un mécontentement populaire auquel se rallient les troupes chargées de les contrôler.

Cette première révolte populaire pousse Le tsar à abdiquer sans succession alternative.

Après plusieurs mois d’instabilité, Lénine et les Bolchéviks prennent le pouvoir en Octobre en promettant entre autres la fin de la guerre. Celle-ci est obtenue auprès des Allemands, qui avaient largement aidé le retour de Lénine en Russie, en mars 1918 au prix de lourdes concessions (traité de Brest-Litvosk). La Russie abandonne toute prétention sur la Finlande, les pays Baltes, l’Ukraine ; elle doit céder des territoires à la Turquie et verser une importante indemnité de guerre.

Cette paix extérieure qui permet aux Allemands de se concentrer sur le front occidental en France n’est pas complète car une grave guerre civile a lieu entre les Russes « blancs », associés aux conservateurs, et les « rouges » associés au pouvoir bolchevique qui a entre-temps fait de Moscou sa capitale au détriment de Petrograd.

Pour les Juifs russes, la guerre était un espoir d’émancipation. Les déboires de l’armée russe, l’avènement du régime bolchevique et la guerre civile qui en résulte sont la source de massacres sans précédents au sein des communautés juives.

Les retombées de la révolution russe sur la population juive

Cela aurait pu avoir pour résultat de faire de cette génération la plus noire de l’exil, mais malheureusement ce titre sera à réserver à la prochaine génération :

  • Pour les nécessités[2] de la guerre, près de 700 000 Juifs, sont enrôlés dans l’armée russe. Ils espèrent en tirer avantage la paix venue pour hâter leur émancipation, espoir que les autorités ne démentent pas. On veut faire sentir aux Alliés que la politique anti-juive des tsars, contre laquelle tant de protestations ont été jadis élevées dans le monde, pourrait être transformée. Un même espoir naît du décret du 4 août 1915 autorisant les Juifs victimes de la guerre à résider, à titre temporaire, en dehors de la zone de résidence, dans n’importe quelle zone de la Russie. Mais tout cela n’est qu’une façade destinée à donner le change. En fait, les persécutions anti-juives ne cessent pas, bien au contraire.
  • Pendant les trois ans et demi où la guerre fait rage sur le front oriental (août 1914 – février 1918), les régions martyres où se déroulent les combats se trouvent être celles où la population juive est particulièrement dense. […] Les provinces qui constituent la zone de résidence autorisée aux Juifs sont en plein cœur des combats. La population juive y représente environ un cinquième de l’ensemble. C’est une population non paysanne, composée de petits artisans ou commerçants, les premières victimes de tout pays envahi par la guerre.
  • Le nombre des réfugiés juifs démunis de ressources et cherchant à fuir vers l’intérieur de la Russie est très élevé : 600 000 en 1915. En plus du malheur commun à tous, les réfugiés juifs vivent une tragédie supplémentaire.
  • Car les Juifs, avec leur parler yiddish apparenté à l’allemand, sont d’emblée accusés par les Russes d’espionnage au profit des puissances centrales. Lorsque les troupes du tsar pénètrent en Galicie, en septembre 1914, des Juifs sont immédiatement fusillés, d’autres sont arrêtés et déportés à l’autre bout de la Russie. Quelques mois plus tard, quand les Russes reculent, les Juifs sont les boucs émissaires de la défaite. Les soldats pillent leurs maisons et commettent d’horribles tueries sur leur passage. (les juifs déplacés sont victimes de la famine et des maladies) à Vilna, par exemple, où 100 000 Juifs se sont réfugiés, 10 000 y meurent de faim ou de maladie au cours de l’hiver 1915-1916. […]
  • (après l’abdication du tsar Nicolas II) Un gouvernement provisoire est formé, qui, dès le 2 avril 1917, abroge toutes les lois antijuives en vigueur en Russie. Ainsi, avec plus de cinquante années de retard sur l’ensemble des autres pays d’Europe, la citoyenneté à part entière est donnée aux Juifs de Russie.
  • C’est un immense espoir pour les communautés juives russes, qui croient voir se lever l’aube de la liberté. […]
  • Mais l’euphorie est de courte durée. […] Les années de l’immédiat après-guerre, qui sont celles de la guerre civile en Russie, seront pour les Juifs une période de grandes souffrances. […]
  • La révolution d’Octobre à Moscou, le départ des troupes allemandes et la fin de la guerre provoquent, dans la partie ouest de la Russie et surtout en Ukraine, uns situation chaotique, où les vieux instincts sanguinaires se déchaînent. Pendant vingt mois, l’Ukraine est le théâtre de luttes violentes, où le seul dénominateur commun entre les diverses armées qui s’affrontent est la haine des Juifs et le mot d’ordre de les massacrer.
  • Or l’Ukraine, à cette époque, compte 1,5 million de Juifs. Les pogroms qui s’y déroulent dépassent en horreur tout ce que l’histoire juive – avant Hitler – n’a jamais connu. (après des premiers pogroms en janvier 1919) A lieu le pogrom de Proskourov (perpétré par les armées Ukrainiennes dirigées par Petlioura qui rejette à la fois le tsar et Lénine) qui atteint le comble de l’horreur. Les soldats vont d’une maison à l’autre dans Proskourov, massacrant à coups de sabre dans les conditions les plus atroces comme le montrent ces témoignages :
    • Kibrik fait mieux que parler… Il précise tout… On sent chez lui… qu’une passion douloureuse le brûle, le dessèche. Il me dit tout net :
    • Le monde entier doit savoir.
    • Quoi ? […] Par exemple, ce qu’il a souffert, lui, Chalom Kibrik, 60 ans, devant qui les quatre soldats survenus tuèrent le père, le frère, deux filles.
    • Qui est chrétien ? Qui est juif ? Demandèrent en passant les soldats.
    • Chez Kibrik, on est juif de père en fils.
    • Deux coups de sabre sur la tête du père, qui meurt. Un coup sur la tête de la femme, qui parant avec sa main, a deux doigts coupés et la tête fendue. Le même coup à la fille de 10 ans, qui est tuée. Le même coup à la fille de 18 ans, qui mourra six mois après. Le même coup à la mère, qui est à demi-folle aujourd’hui. Pour le frère tuberculeux et couché dans son lit, la décapitation complète.
    • […]
  • Au tour de Jacob Aïzmann (de témoigner). Il amène avec lui l’horreur inoubliable:
    • Tout de suite, mon père a été tué. Ma mère était au lit avec un enfant de 3 mois. Le protégeant, elle a eu les mains et les seins coupés, et l’enfant, embroché par une baïonnette, est tombé sur le sol. […]
  • (Beirers témoigne à son tour) Les atrocités s’accumulent, forment une avalanche:
    • Le petit Boris Barane, 4 ans. On s’est passé son corps de baïonnette en baïonnette, comme une balle… Née depuis un mois, Siona Tepenbaum fut tirée du berceau, perforée par une baïonnette.

Les massacres se poursuivent même après que les troupes ukrainiennes soient défaites :

  • Quelques[3] jours plus tard, dans une bourgade voisine, Felstine, 500 Juifs sont exterminés en un seul jour de la même manière. Dans toute la région, les Juifs sont massacrés et les survivants vivent un effroyable cauchemar. Les orphelins ne se comptent plus. Battu par l’Armée rouge, Petlioura recule pour faire place au général Anton Denikine, qui marche sur Moscou pour y ramener le tsar. Soutenu par ses alliés occidentaux, Denikine essaie de s’emparer de l’Ukraine. Il s’appuie sur les cosaques du Don et du Kouban ; il reçoit de France et d’Angleterre ses armes et ses munitions. […] Les troupes de Denikine se montrent tout aussi avides de sang et de pogroms. Sur leur passage, elles assassinent sauvagement les Juifs, les femmes sont considérées comme butin de guerre et livrées à la bestialité des cosaques déchaînés. […]
  • Au début de 1920, l’Armée rouge fait reculer l’Armée blanche de Denikine et les pogroms cessent. Mais au printemps 1921, les bandes de Petlioura passent de nouveau à l’attaque et, avant d’être définitivement mises en fuite par l’Armée rouge, elles se livrent encore à de terribles massacres contre les Juifs dans la banlieue de Kiev. L’Armée rouge finit par être elle-même gagnée par cette fureur des pogroms et, à leur tour, les troupes de Boudienni, l’adversaire de Denikine, assassinent sur leurs passages des centaines de Juifs.

Les Rouges finissent par l’emporter et les pogroms cessent, le bilan des massacres pendant les trois ans de guerre civile est d’au moins 100 000 juifs tués, certaines estimations vont jusqu’à 300 000, le nombre de veuves et d’orphelins est innombrable. Plus[4] de 60 % des enfants juifs de Pologne et de Russie sont devenus orphelins entre 1916 et 1920, l’historien Yéhouda Bauer évalue leur nombre à 275 000.

Les pogroms à cette génération ne sont pas l’exclusivité des terres russes. La création de la Pologne se fait au détriment des communautés juives :

  • L’entrée[5] des troupes polonaises à Lvov/Lemberg en novembre 1918, en Galicie anciennement autrichienne, les officiers autorisent les soldats à célébrer l’indépendance de la Pologne en pillant les maisons juives pendant quarante-huit heures. Le bilan de ces journées d’horreur : 73 Juifs assassinés et des centaines de blessés.
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Les pogroms recommencent au début du printemps 1919, quand, après l’avance russe, les troupes polonaises prennent la contre-offensive et pourchassent l’Armée rouge. Leur entrée victorieuse à Pinsk, puis à Vilna (19 avril 1919) est marquée par des massacres où les victimes juives se chiffrent par dizaines de mort et centaines de blessés. La guerre de 1920-1921, contre les bolcheviks, où les Polonais sont soutenus par les Alliés, marque l’apogée de ces tueries. Les troupes du général Haller se distinguent particulièrement et, dans des accès de véritable sauvagerie, pillent, maltraitent et massacrent les Juifs dans plus de 130 localités. Le Premier ministre Paderewski laisse faire, malgré les protestations à la Diète des députés juifs. Lorsque la stabilité polonaise est enfin établie, la population juive, décimée et meurtrie, se trouve dans un état lamentable, matériellement et moralement. […]

  • Le seul remède radical apparaît être l’émigration.

La fin de l’empire ottoman.

Si la fin de la guerre de 14-18 a des conséquences sur l’avenir de l’Europe et en particulier sur le judaïsme européen, la participation de l’empire ottoman aux côtés de l’Allemagne dans la guerre et son éclatement suite à la défaite aura également de grandes conséquences sur la vie et l’avenir des Juifs implantés en terre d’Israël et sur l’avenir de cette terre.

Ainsi déjà l’entrée en guerre de l’empire ottoman aux côtés de l’Allemagne bouleverse l’installation des Juifs en Eretz-Israël qui craignent de subir le même sort que les Arméniens.

Cette[6] crainte poussera Aaronsohn et d’autres à s’allier aux Anglais pour supprimer le joug des Turcs. Les Anglais alliés également à Hussein du Hedjab, gardien des lieux saints de La Mecque et de Médine, sur lequel Lawrence d’Arabie a fait pression organisent une première offensive en mars 1917. Avec celle-ci, les exactions contre les Juifs, quelque peu en régression en 1915 et 1916, reprennent de plus belle.

Djemel Pacha ordonne l’évacuation de Tel Aviv et de Jaffa uniquement pour la population juive, Les Juifs se replient d’abord sur Petah-Tikva mais sont évacués à nouveau et doivent se réfugier plus loin encore.

Après avoir découvert le réseau Nili de renseignement juif au service des Anglais en septembre 1917, la colère des Turcs se déchaîne ; ils soumettent tout le Yishouv au règne de la terreur : villages encerclés, arrestations soudaines de nombreux Juifs accusés de connivence avec les Anglais.

Après un premier échec à Gaza, les Anglais prennent Beer-Shev’a, alors simple oasis, puis au prix de durs combats de Jaffa, Lod et Ramlé. Le 9 décembre 1917, les Anglais reçoivent la réédition de Jérusalem mettant fin à quatre siècles de domination ottomane (1517-1917).

La population de Jérusalem est en liesse mais décimée : en 1914, Jérusalem comptait 70000 habitants dont 45000 juifs, en 1917, il n’y a plus que 60000 habitants dont seulement 33000 juifs.

À la fin de cette génération, les tensions entre Arabes et juifs en terre d’Israël s’accroissent.

En 1929[7], des incidents graves se produisirent au mur de Jérusalem, excités par le mufti, des milliers de fidèles en sortant de la mosquée Al-Aqsa le 23 août fondirent sur les quartiers Juifs, les incidents se propagèrent à Hébron où 59 juifs furent assassinés, au total il y eut 131 juifs tués par des Arabes et 116 victimes arabes pour la plupart tombés sous les balles de l’armée britannique.

Les massacres perpétrés suite à la révolution russe ainsi que ceux perpétrés dans la Pologne nouvelle et les événements touchant les Juifs en terre d’Israël justifient le début du psaume de cette génération :

  1. Maskil de David, lorsqu’il se tint dans la caverne. Prière.
  2. À pleine voix je crie vers l’Éternel, à pleine voix je supplie le Seigneur :
  3. je répands devant lui ma plainte, je lui fais part de ma détresse.

La nouvelle carte européenne

La fin de l’empire ottoman et de l’empire austro-hongrois avec la redéfinition de la carte européenne sont autant de sources de mauvaises nouvelles pour les Juifs de cette génération.

En Europe Centrale et Orientale, la défaite de l’Allemagne et de ses alliés ainsi que la révolution russe entraînent une nouvelle définition de la carte européenne dans cette région, surtout au détriment de l’ex empire austro-hongrois, ce qui aura des conséquences dramatiques sur les communautés juives comme les pogroms de Pologne qui ont déjà endeuillé cette génération.

C’est surtout le développement des nationalismes xénophobes qui superposé à la Seconde Guerre mondiale qui aura des conséquences désastreuses.

La paix signée à Versailles n’est pas garante d’un avenir radieux pour l’Europe et le monde, les intérêts divergents des pays vainqueurs contribuent à conclure un traité ne satisfaisant personne.

Cette paix n’est en effet pas la meilleure et la guerre de 14-18 ne sera pas la der des ders. Déjà la suivante se prépare. Si la Première Guerre mondiale avait à peu près épargné les populations civiles, ce ne sera pas le cas de la seconde et parmi ses populations, les Juifs seront des victimes toutes désignées.

Les Juifs d’Europe seront être pris au piège, piège dont on peut déjà discerner les filets.

Hors de l’Europe, le nationalisme arabe va de pair avec des mesures discriminatoires pour les Juifs. En apparence, la situation des Juifs a tendance à se normaliser dans la Turquie républicaine née de la révolution kémaliste de 1923 ainsi que dans l’Iran après la prise de pouvoir de Reza Pahlavi en 1925 ainsi que dans l’Égypte du roi Fouad indépendante en 1922, c’est aussi le cas en Irak et en Transjordanie avec les monarques installés par les Anglais ou au Liban contrôlé par les Français.

La montée des nationalismes arabes

Mais la montée des nationalismes arabes laisse présager une cohabitation moins sereine pour les Juifs dans les pays arabes :

  • La tourmente[8] de la Première Guerre mondiale achève d’emporter l’Empire ottoman et précipite la cristallisation d’États issus de son démembrement. L’échec de la révolte arabe et l’abolition du califat par le parlement turc en 1924 renvoient chacun à la construction de sa propre légitimité et à la définition du périmètre de sa nation. De façon significative, c’est autour du débat sur « l’Islam et les fondements du pouvoir » lancé au Caire par Ali Abdel Raziq qu’apparaît sous la plume Rashid Reda le néologisme d’État islamique. Si la Turquie tourne le dos au passé, le référent religieux est en revanche au cœur de la construction des États de la péninsule arabe, que ce soit l’Arabie d’Ibn Séoud, marquée par le Wahhabisme, ou le Yémen zaydite de l’imam Yahya. Dès 1911, pour marquer symboliquement son retour au pouvoir après le départ des Ottomans, celui-ci réactualise les mesures discriminatoires à l’égard des Juifs et rétablit la jizya. Le décret « des couronnes » confie à nouveau le ramassage des ordures aux juifs de Sanaa ; celui des « orphelins » prévoit la conversion à l’islam des enfants juifs orphelins de père et âgés de moins de treize ans.

La participation des Juifs et des troupes de Faycal à la lutte des Anglais contre l’Empire Ottoman pouvait présager d’un avenir serein à la fois pour les Arabes et les Juifs, les Anglais avait fait des promesses à chacun mais une fois les ottomans vaincus, les intérêts européens priment.

En plus de la réaction arabe à la création d’un état juif, le monde chrétien commence à y réagir, les deux religions monothéistes issues du judaïsme voient d’un mauvais œil que le judaïsme puisse ne pas être la religion déchue qu’ils décrivent.

Ainsi avant même la création effective de l’État d’Israël, les chrétiens perçoivent le danger idéologique que représenterait un retour effectif des Juifs sur leur terre et décide d’une union sacrée entre Christianisme et Islam pour combattre la renaissance du peuple théoriquement déchu et déjà bien avant notre époque antisémitisme et antisionisme se mêlent dangereusement :

  • La jeune[9] « Documentation catholique », spécialisée dans une agitation anti-juive à la fois antisioniste et anti-bolchévique, publiait un nouveau dossier sur « Le sionisme » dans lequel, sous la signature « Christianus » étaient énumérés les remèdes :
  • « Il faut créer une « opinion publique » dans les pays chrétiens […] il faudrait faire écho à l’émouvante plainte du souverain pontife, il faudrait parler à ces nations chrétiennes de l’idéal chrétien, de la honte qu’il y aurait à laisser tomber sous la domination politique, déguisée ou non, du judaïsme le berceau de leur religion…
  • « Un second remède… persuader aux paysans de ne pas vendre leurs terres aux Juifs, en faisant valoir que plus tard ces terrains auront acquis une valeur bien supérieure. Une banque qui avancerait sur hypothèques… rendrait de précieux services».
  • « Enfin (je devrais dire par-dessus tout) l’union entre Chrétiens et entre Chrétiens et Musulmans s’impose comme une nécessité de salut ».
  • On reconnaît les principaux ingrédients, qu’on peut dire intemporels, d’une idéologie antisioniste, qu’une erreur tenace fait naître en 1948-1949, et encore plus souvent en 1967.

L’émergence des dictatures fascistes

L’estimation[10] des réparations de guerre en 1921 à 132 milliards de RM-or (Reichsmark) et la définition des modalités de remboursement entraîne une dévaluation rapide de la devise allemande.

Si la monnaie allemande avait bien résisté à la guerre (en 1913 il fallait 4,25 DM avant guerre pour un dollar et 8,9 juste après) elle s’effondre rapidement à 76 RM pour un dollar en juillet 1921 pour atteindre 9000 RM pour un dollar en novembre. La société allemande, en plein désarroi depuis la défaite est ébranlée par l’inflation, tous ceux qui en sont victimes sont des recrues faciles pour les partis extrémistes. L’état de l’économie allemande l’obligeant à différer le paiement des réparations, les troupes franco-belges occupent la Ruhr le 11 janvier 1923 ce qui fragilisa la République de Weimar et qui indirectement accru l’inflation : en août 1923 il fallait 4 600 000 DM pour un dollar. Cela donne du poids aux mouvements nationalistes. La crise monétaire toucha à sa fin en 1923.

Entre-temps dans l’Italie voisine, le fascisme triomphe. L’accession au pouvoir du Duce Mussolini est un exemple précieux pour Hitler qui écrivait déjà dans une lettre datée du 5 février 1915:

  • (nous espérons) que ceux[11] d’entre nous qui auront le bonheur de revoir la mère patrie, la retrouveront épurée des métèques (Fremdländerei), et que grâce à nos sacrifices et à nos souffrances, grâce aux flots de sang que nous versons quotidiennement face à un monde international d’ennemis, non seulement les ennemis extérieurs de l’Allemagne seront taillés en pièces, mais notre internationalisme interne sera écrasé lui aussi. Cela serait plus important que toutes les annexions.
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Les déceptions engendrées par la République de Weimar et les rancœurs faciliteront l’ascension d’Hitler qui crée un parti fort consolidé par des organisations paramilitaires. Après une première tentative de prise du pouvoir en 1923 en Bavière, Hitler choisit la voie démocratique pour se hisser au pouvoir en consignant assez tôt ses intentions dans Mein Kampf.

La catastrophe est en train de se construire, Theodor Lessing visionnaire la voit arriver de même qu’il dresse un tableau sombre du judaïsme européen et particulièrement allemand.

Les pressentiments de Theodor Lessing

Theodor[12] Lessing (1872-1933), mena une existence mouvementée dans un univers instable. Ses grands-parents, comme tant d’autres familles juives (qui empruntaient des noms de célébrités supposées philosémites), avaient volontairement pris le nom de Lessing, celui du célèbre ami, non juif, de Moïse Mendelssohn.

C’est toute la problématique de l’Émancipation, avec ses promesses et ses déceptions, qui se profilait derrière ce changement de nom. Cet érudit n’hésitait pas à prendre parti, à s’immiscer dans les affaires publiques, voulant instruire le procès de la République de Weimar, ce qui provoqua sa vie d’errance et, plus tard, sa disparition brutale.

À propos des Juifs, il déclarait :

  • Mais qui dirige aujourd’hui la communauté (juive) ? Ce ne sont plus les Sages de la tradition, mais les juristes ! Depuis la fin du XIXe siècle, les juifs tirent une grande fierté du fait que tant des leurs sont devenus ministres, chanceliers, généraux, hauts fonctionnaires, éminents chercheurs, professeurs, directeurs de théâtre, écrivains, etc. Nous devrions avoir honte de ceux qui ont dilapidé la grande richesse de notre peuple. Car ils n’ont été que la lueur agonisante d’un organe en proie au déclin. « Ils ne furent qu’un bref laps de temps au soleil de l’Europe où notre noblesse s’est brûlée. » Et Lessing de conclure ainsi :
  • « Honte à tous ces fils qui préférèrent embrasser cette carrière académique ou entrer en littérature pour le luxe et le confort des grandes villes de l’Occident, au lieu de porter les pierres de la grande route de Yéroushalayim. »

Les conclusions de Theodor Lessing sont un bilan dramatique des inquiétudes de Heinrich Heine sur les risques de l’émancipation qui se réalisèrent tout au long du dix neuvième siècle pour aboutir à ce début du vingtième siècle a des Juifs complètement détachés de leurs origines ou plutôt essayant de s’en détacher et donc éprouvant une « haine de soi » assez caractéristique ce qui est d’ailleurs un des ouvrages de Lessing qui décrit les efforts démesurés et vains des Juifs allemands pour effacer leur judaïté et devenir de vrais allemands.

Effort vain comme l’indique Lessing à propos de lui-même, quelques jours avant sa mort en 1933 :

  • J’étais[13] un jeune homme sage et pimpant. Mais j’avais constaté très tôt que même si j’avais été mille fois plus sage et plus pimpant, c’est-à-dire une véritable merveille sur le plan du caractère et du travail, tout, oui, tout, eût été vain. À leurs yeux, j’étais un étranger, j’étais Juif. Aucune œuvre n’aurait pu me servir. Si je m’étais nommé Christian Stoffel, si j’avais été le rejeton d’un paysan allemand de Basse-Saxe et d’une femme blonde, j’eusse été de la race des seigneurs. C’est ainsi que je devins un paria.

Dans la génération d’Heinrich Heine, le psalmiste avait indiqué « Si je t’oublie jamais, Jérusalem, que ma droite refuse son service ! ». Or comme le constate Lessing, les Juifs d’Allemagne et d’une bonne partie de l’Europe occidentale préfèrent le confort apparent et trompeur des rives du Rhin (les rives des fleuves de Babylone) à Jérusalem et globalement à l’alliance avec le Dieu d’Israël.

Lessing en parfait visionnaire va prédire la catastrophe à venir (« que ma droite refuse mon service ») sur le judaïsme européen :

  • Le 26 avril 1925[14], le maréchal à la retraite, citoyen de Hanovre (la ville de Lessing) et doctor honoris causa de l’Université technique, avait été élu président du Reich lors d’un scrutin populaire […]. Un jour avant l’élection présidentielle, le 25 avril, Lessing avait fait allusion, encore dans le « Prager Tagblatt », aux conséquences du choix de Hindenburg.
  • Cet article lui fut fatal. Il enflamma ses persécuteurs. Quand on lit ce texte, on est surpris par le jugement tout à fait amical qu’il porte sur le vieil officier. Paul von Hindenburg, né à Posen en 1874, allait sur ses quatre – vingt ans quand il fut élu président. Il fut par la suite réélu le 10 avril 1932, après l’expiration du premier mandat de sept ans. Hindenburg mourut dans l’exercice de ses fonctions. Le 30 janvier 1933, il appela Hitler à devenir chancelier. […]
Paul von Hindenburg
  • Sept ans exactement auparavant, le Professeur Lessing, complètement isolé, entouré du discrédit et de l’indignation de tous (avait prédit cette issue). […]
  • Ce n’est pas sans un frisson qu’on lit les mots de la conclusion de l’article aussi fatidique que prophétique : « Selon Platon, les philosophes doivent être les guides du peuple. Avec Hindenburg, ce n’est pas vraiment un philosophe qui monterait sur le trône. Seulement un symbole représentatif, un point d’interrogation, un zéro. Mieux vaux un zéro qu’un Néron, dira-t-on ? L’histoire montre hélas que derrière un zéro se cache toujours un futur Néron. » Et c’est bien Néron qui succédera à ce zéro. L’Électeur de Hindenburg vota Hitler.

Par ironie de l’histoire, Lessing fut une des premières victimes du mal qu’il a désespérément essayé d’éviter et qui va quasiment emporter l’ensemble du judaïsme européen : Lessing est assassiné d’un coup de revolver le soir du 30 août 1933, le jour du défilé militaire national-socialiste triomphant à Nuremberg dénommé « victoire de la foi » où défilent devant Hitler 12 000 SS.

Lessing ne sera pas la seule victime du nazisme qui émerge à cette génération et qui a pour but d’effacer sur tous les plans le judaïsme et les juifs européens.

C’est cet avenir sombre qui menace l’existence même du judaïsme et des Juifs voire de leur mémoire qu’évoque la suite du psaume de cette génération :

  1. Quand je sens mon âme défaillir en moi, tu connais bien, toi, mon chemin ; la route où je m’avance, on l’a semée d’embûches contre moi.

Le piège se renferme sur les Juifs d’Europe

Mais alors que l’avenir s’assombrit pour les Juifs d’Europe, toutes les portes se ferment, le piège se referme.

C’est le cas pour les pays nés sur les décombres de la guerre de 14-18:

  • La situation[15] des Juifs dans les nouveaux États accédant à l’indépendance a largement besoin d’être clarifiée. La guerre a partout exacerbé les sentiments nationalistes et xénophobes. Chaque nationalité à laquelle le traité de Versailles va accorder l’indépendance a tendance à rejeter les Juifs de son sein. Les Tchèques prétendent que les Juifs sont allemands, les Slovaques les affirment magyars, les Polonais ne les reconnaissent pas comme les leurs, etc.
  • D’autres minorités ont des problèmes analogues, mais elles ont toujours un État protecteur pour les défendre : les Allemands de Pologne ont l’Allemagne, les Magyars de Slovaquie la Hongrie, etc. Seuls les Juifs ne peuvent avoir recours à une métropole tutélaire.

C’est aussi le cas en terre d’Israël :

  • À partir de 1920[16], les incidents se multiplient entre Juifs et Arabes, et deviennent de plus en plus violents. Des émeutes particulièrement graves éclatent ainsi à Jaffa en 1921. […] De Jaffa, les émeutes s’étendent à Petah-Tikva, Rehovot, Hébron, Hedera, et menacent de se généraliser à la Galilée, Jérusalem et même Naplouse où l’antique communauté samaritaine a failli être expulsée de la ville si les Anglais n’étaient pas intervenus à temps. Réagissant à ces troubles, Herbert Samuel interdit immédiatement l’entrée en rade de Jaffa de bateaux chargés d’émigrés juifs, obligés de rebrousser chemin vers Istanbul : « Nous ne voulons pas d’une nouvelle affaire irlandaise en Palestine », a-t-il expliqué à ses interlocuteurs sionistes, abasourdis, « Non, ce n’est pas l’Irlande, c’est Kichinev, c’est un pogrom », lui ont répondu ces derniers qu’une manifestation à caractère antisémite. […]
  • Le gouvernement britannique était arrivé à la conclusion que la paix en Palestine passait par la limitation de la portée de la déclaration Balfour et le contingentement de l’immigration juive. Deux idées nouvelles que le secrétaire aux Colonies Winston Churchill est venu en personne expliquer aux deux camps au lendemain des émeutes de 1921.

C’est le cas aussi pour les États-Unis, la révolution russe a des conséquences sur les Juifs d’Amérique. Les Américains qui la positivaient n’y voyaient aucune influence juive, ce qui n’était pas le cas de ceux qui la considéreraient comme dangereuse :

  • Les séquelles de la guerre, des problèmes économiques angoissants, ainsi qu’une propagande antisémite bien orchestrée aboutissent à une législation restrictive concernant l’immigration, qui, après la guerre, atteint de nouveau les chiffres massifs de jadis. Une première loi, en 1921, est renforcée en mai 1924. On l’appelle couramment « loi des quotas ». Désormais, pour chaque groupe ethnique l’immigration reste autorisée seulement dans la limite de 2 % de la population que ce groupe comptait aux États-Unis en 1890. Or le flot de l’immigration juive s’intensifie surtout après 1890. La « loi des quotas » réduit ainsi l’immigration annuelle au chiffre annuel de 10 000 ou 11 000 par an contre 50 000 en 1923. L’entrée en vigueur rapide de la loi, le 1er juillet 1924, crée des situations tragiques pour des milliers d’immigrants qui attendaient leur départ dans des ports de transit et se voient subitement contraints de patienter longtemps.

Ainsi suite[17] aux nouvelles règles de l’immigration aux États-Unis, les Juifs d’Europe ne peuvent y trouver refuge à la fin des années 1920, ainsi en 1921, 119 036 juifs émigrèrent aux États-Unis, 53 524 en 1922, 49 989 en 1923 et suite aux restrictions, ils ne sont plus que 10 292 en 1924, oscillant aux alentours des 11 000 jusqu’en 1930, elle chutera encore plus entre 1931 et 1936 (de 2 372 à 6251 par an), 11 352 en 1937, reprenant ensuite de 1938 à 1941 et très faible lors de la solution finale (environ 10 000 en 1942 puis environ 22 000 de 1943 à la fin de la guerre).

Le piège qui se referme sur les Juifs d’Europe avec toutes les portes qui se ferment fait l’objet de la suite du psaume de cette génération :

  1. Regarde à droite et vois, personne ne veut me connaître, tout refuge me fait défaut, nul ne se soucie de ma personne.

La gestation d’Israël

Malgré ce sombre bilan, cette génération voit le retour des Juifs en Israël reconnu par les nations. Les Anglais lorsqu’ils avaient besoin de combattre les Ottomans avaient fait de nombreuses promesses à la fois aux Juifs de Palestine et aux Arabes des troupes de Faycal, ce dernier secondé par Lawrence d’Arabie.

Une fois les Ottomans battus, les Occidentaux se rendirent compte de la valeur des terres de la péninsule arabe après la découverte des gisements de pétrole, les Anglais oublièrent vite les promesses effectuées aux alliés d’hier. Toutefois, pour les Juifs de Palestine, les Anglais maintinrent la volonté de leur retour en Palestine via la déclaration Balfour.

Il est vraisemblable que celle-ci avait surtout pour but d’amputer la zone d’influence française en orient puisque le partage des territoires ottomans en Orient prévoyait l’attribution du Liban et de la Syrie aux Français, or la Palestine faisait partie de la province de Syrie du temps des ottomans.

L’entente cordiale a ses limites : les Anglais après avoir empêché lors du traité de Versailles aux Français de devenir la première puissance européenne s’efforce de réduire son influence en orient. Pour les Juifs de Palestine, c’est malgré tout la première pierre pour la création d’un état juif dont la gestation ne pourra plus s’interrompre malgré le revirement des Anglais et la publication de nombreux livres blancs réduisant l’immigration juive en Palestine y compris dans les pires périodes de la prochaine génération.

Au moment[18] de la conquête britannique, en 1917, il n’y a que trois cents familles arabes hors les murs de Jérusalem. Un recensement de 1905 n’en relevait que cent soixante. En 1912, La population totale de Jérusalem comporte 45 000 juifs pour 12 000 musulmans. Le projet n’est pas en contradiction avec les intérêts arabes, d’ailleurs les sionistes de cette génération, Ben Gourion inclus, rêvent d’une cohabitation réussie entre Arabes et juifs sans qu’aucun ne soit lésé. Faycal, celui qui devait gouverner le grand état arabe issu de la chute de l’empire Ottoman et Weismann s’étaient accordés sur cette coexistence. L’histoire de la création de l’état d’Israël se fera avec une hostilité arabe quasi générale.

La gestation de l’État d’Israël qui prend forme avec la déclaration Balfour permet au psalmiste de conclure ce psaume sur une note d’espoir :

  1. Ainsi je crie vers toi, ô Éternel, je dis : « C’est toi qui es mon abri, mon lot sur la terre des vivants ! »
    • En face des dangers qui se concrétisent envers les Juifs, David se tourne vers l’Éternel qui seul pourra faire que les Juifs ne soient pas effacés sur terre et fasse encore partie des vivants.
  2. Sois attentif à ma supplication, car je suis extrêmement abaissé ; sauve-moi de mes persécuteurs, car ils sont plus puissants que moi.
    • Si le peuple Juif a affronté des peuples puissants tout au long de la nuit depuis la mort de Salomon, l’ennemi qui est en train de se former est à la fois le plus puissant et le plus inhumain de tous les temps. Contre lui, sans une aide divine, les Juifs ne peuvent que disparaître.
  3. Fais-moi sortir de ma geôle, pour que je puisse rendre hommage à ton nom. Les justes feront cercle autour de moi, si tu daignes me combler de tes bienfaits.
    • L’Europe est devenue un véritable piège pour les Juifs. Ils sont pris dans les filets de « l’oiseleur ». La création de la terre d’Israël où les Juifs qui survivront pourront se retrouver est le seul espoir. Cette terre est la terre des Juifs et celle où la présence divine doit se manifester, celle où les Juifs peuvent rendre hommage à leur Dieu. Lorsque les Juifs reprendront possession de leur terre et auront reconstruit Jérusalem pour sanctifier le nom de Dieu, les nations, ou tout du moins les justes des nations ne pourront que rendre hommage à cette œuvre.
  • Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Nous avons déjà reporté quelques témoignages sur les pogroms en Russie de cette génération. Ce sont les témoignages de survivants, il est vraisemblable que ceux qui sont morts et qui ne peuvent témoigner auraient rapporté des exactions encore plus insoutenables.

Nous pouvons compléter ceux-ci par le bilan fait à la Société des Nations en 1927 sur les exactions de 1917-1920 par les représentants du Comité des délégations juives (Léo Motzkin et Nahoum Sokolov) :

  • On compte[19] des centaines de milliers de Juifs blessés, maltraités, roués de coups ; on sait, dès à présent, que plus d’un million de Juifs ont été pillés et qu’à beaucoup d’entre eux on a enlevé littéralement jusqu’à la dernière chemise. On a imaginé les tortures les plus raffinées. Des vieillards et des enfants ont été découpés en morceaux. Des milliers de femmes et de jeunes filles ont été violées, même des petites filles et des femmes âgées. On a mutilé les victimes de façon atroce : on leur coupait le bras droit et la jambe gauche, ou, à l’inverse, le bras gauche et la jambe droite ; on leur crevait un œil et on leur coupait le nez. Les maisons où se réfugiaient les Juifs étaient incendiées et ceux qui s’y trouvaient périssaient dans les flammes. Les cas ne se comptent plus où l’on faisait mourir les malheureuses victimes d’une mort lente dans des tortures indescriptibles. Le supplice du feu était de pratique courante.
  • À côté des tortures physiques on a créé des tortures morales, telles que l’histoire n’en a jamais enregistré de pareilles. On a contraint des Juifs à chanter et à danser en présence de leurs tortionnaires, à s’insulter eux-mêmes et à louer leurs bourreaux, à creuser leur propre tombe et à commettre des actes indignes pour l’amusement de leurs assassins. On est allé jusqu’à obliger des malheureux à assister au déshonneur de leurs filles et de leurs femmes, et on a forcé des enfants à pendre leur père.

La génération 142 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 140 du Deutéronome:

  1. (L’Éternel te dispersera parmi tous les peuples de la terre d’un bout de la terre à l’autre bout de la terre, parmi ces peuples / l’Éternel te donnera là-bas) un désespoir des yeux,

Paul David

[1] D’après : Léon Poliakov : « Histoire de l’antisémitisme, 2 – L’âge de la science ». « La déflagration » est le titre donné par Léon Poliakov à la période 1914-1933.

[2] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 690 à 740). Inclus un témoignage dans le même ouvrage extrait de « Au pays des Pogroms. Quand Israël meurt … » de Bernard Lecache. (p. 766 à 768 du même ouvrage)

[3] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 740,741)

[4] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 742)

[5] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 738,739)

[6] D’après : Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 660 à 667)

[7] D’après : Simon Sebag Montefiore : « Jérusalem, Biographie ». Chapitre : « Le mandat britannique». (p. 521,522)

[8] (Sous la direction de) Antoine Germa, Benjamin Lellouch, Evelyne Patlagean : « Les Juifs dans l’histoire ». Chapitre de Frédéric Abécassis et Jean-François Faü : « Les Juifs dans le monde musulman ». (p. 563).

[9] Léon Poliakov : « Histoire de l’antisémitisme, 2 – L’âge de la science ». (p. 453,454).

[10] D’après : Henry Bogdan : « Histoire de l’Allemagne ». (p. 353 à 364)

[11] Léon Poliakov : « Histoire de l’antisémitisme, 2 – L’âge de la science ». (p. 363)

[12] Maurice Ruben Hayoun : « Les lumières de Cordoue à Berlin (2) ». (p. 568 à 574).

[13] Maurice Ruben Hayoun : « Les lumières de Cordoue à Berlin (2) ». (p. 578).

[14] Hans Mayer : « Allemands et Juifs : la révocation ». (p. 121,122)

[15] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’Etat d’Israël ». (p. 735)

[16] Michel Abitbol : « Histoire des Juifs ». Chapitre : « La fin d’un monde ». (p. 519,520).

[17] D’après : Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 859)

[18] Renée Neher-Bernheim : « Jérusalem, trois millénaires d’histoire ». (p. 156 et 168).

[19] D’après : Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 769)