Résumé:

Cette génération est celle des années 350 avant JC à 330 avant JC.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 30 associée au psaume 30. C’est dans ce psaume 30 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Les relations tumultueuses de Jérusalem avec la Perse, son ancien protecteur, se détériorent. Le temps de Cyrus comparé au Messie est maintenant bien loin. Le déclin de l’empire Perse est annoncé. Dans le même temps, Alexandre Le Grand, le successeur de Philippe de Macédoine, inflige une première défaite aux Perses.

Alexandre le Grand cumulent les conquêtes. Ceux qui lui résistent paie le prix fort, à l’image de Tyr: la ville est rasée, les populations sont massacrées ou réduites en esclavage.

Jérusalem, depuis l’époque de Darius, pouvait être considérée comme alliée des Perses. Les Perses étant ennemis des grecs, Jérusalem s’attend au pire lorsque les troupes d’Alexandre sont à proximité de la ville. Aux Juifs ne reste que la prière. Ces prières ne sont pas vaines, car le désastre annoncé n’a pas lieu.

Suivant une légende rapportée par Flavius Josèphe: Alexandre aurait vu, avant sa venue à Jérusalem, dans un songe, Dieu s’adresser à lui pour lui promettre la victoire dans le même habit que celui des prêtres du Temple. Par suite, Alexandre aurait fait offrir des sacrifices au Temple.

Ces récits de Flavius Josèphe concernant la venue « miraculeuse » d’Alexandre à Jérusalem sont mis en doute par certains historiens. Toutefois le caractère miraculeux de la préservation de Jérusalem, sous le giron Perse, vis-à-vis de la menace grecque, est bien réelle: Jérusalem n’a pas suivi le sort de Tyr et Gaza.

Développement:

Dédicace

Avant de s’attarder sur le psaume proprement dit, il faut tout d’abord s’intéresser à son introduction. En effet, depuis Ezra, on peut considérer que le Temple de Jérusalem fonctionne à nouveau de façon normale. Pourquoi alors parler de dédicace ou d’inauguration pour la génération qui nous intéresse ?

Pour cela il faut s’intéresser aux événements majeurs qui interviennent pour cette génération. En effet cette génération voit la confrontation entre les Juifs de Jérusalem et Alexandre le Grand, représentant du monde occidental auquel n’a pas encore été confronté le peuple juif.

Monde occidental souvent assimilé à Esaü qui sera fatal au royaume d’Israël naissant, puisque les romains successeurs des Grecs détruiront le deuxième Temple et entraîneront un nouvel exil du peuple Juif qui durera cette fois bien plus que soixante-dix ans.

En ce qui concerne notre génération, la confrontation avec Alexandre finalement se déroule mieux que prévu en tout cas sans la destruction redoutée.

Le Temple souillé

Un premier événement est raconté par Flavius Josèphe. Il le situe à la même époque que la mort[1] de Philippe de Macédoine (Philippe de Macédoine est assassiné en 336 avant JC) :

  • Après[2] la mort d’Éliasib, grand sacrificateur, Judas, son fils lui succéda. Et Judas étant mort, Jean, son fils lui succéda, et fut cause que Bagose, général de l’armée d’Artaxerxés, profana le Temple et imposa aux juifs un tribut de cinquante drachmes payable aux dépens du public pour chaque agneau qu’ils offriraient en sacrifice ; ce qui arriva par la cause que je (c’est Flavius Josèphe qui s’exprime) vais dire. Bagose aimait fort Jésus, frère de Jean, et lui avait promis de lui faire obtenir la charge de grand sacrificateur. Un jour que les deux frères étaient dans le Temple, ils entrèrent sur ce sujet dans une telle contestation que Jean, transporté de colère, tua son frère dans ce lieu saint, et commit ainsi un crime si abominable qu’il n’y a point d’exemple d’une semblable impiété ni parmi les Grecs, ni parmi les peuples même les plus barbares. Dieu ne laissa pas ce sacrilège impuni ; il fut cause que les Juifs perdirent leur liberté, et que le Temple fut profané par les Perses ; car aussitôt que Bagose, en eut avis, il vint en criant avec fureur : « Quoi ! Misérables que vous êtes, vous n’avez point craint de commettre dans votre propre Temple un crime si épouvantable. » Il voulut ensuite y entrer, et sur ce qu’on se mettait en devoir de l’en empêcher, il dit d’une voix encore plus forte : « Me croyez-vous donc plus impur que ce corps mort que je vois ici étendu ? » En achevant ces paroles, il entra dans le Temple, et se servit de cette occasion pour persécuter les Juifs pendant sept ans.

Éliasib correspond vraisemblablement à Elyachib que l’on trouve dans le livre d’Ezra[3]. Par contre le fils Johanan correspond plus vraisemblablement à Jean (Jean est la véritable correspondance grecque de Johanan) le petit-fils de Éliasib qu’à Judas son fils. De vingt à quarante années séparent la génération d’Ezra à celle qui nous intéresse. La probabilité, qu’Élyachib soit le père de Johanan à celle qu’il soit le grand-père, est égale mais ne change rien à l’événement qui nous intéresse.

D’autre part dans Néhémie, la filiation d’Élyachib est indiquée.

Rappelons que le livre de Néhémie n’est vraisemblablement pas limité à l’épisode proprement dit de Néhémie, puisque Ezra y est cité alors qu’il n’a vraisemblablement pas vécu à la même époque que Néhémie, d’autre part la filiation que nous citons s’inscrit sur plusieurs générations et est donc définie bien postérieurement à l’époque même de Néhémie :

  • Les Lévites[4] étaient : Yêchoua, Binnoui, Kadmiël, Chèrèbia, Juda, Matania, préposé aux cantiques, lui et ses frères ; Bakboukia et Ounni, leurs frères, les assistaient selon l’ordre des sections. Yêchoua engendra Joïakim, Joïakim engendra Elyachib, Elyachib engendra Joïada ; Joïada engendra Jonathan, Jonathan engendra Yaddoua.

Là encore si Joïada (le passage de l’hébreu au grec ne garantit pas une correspondance parfaite) peut être associé au Juda du récit de Flavius Josèphe, nous retrouvons ainsi le personnage de Jean.

La profanation du Temple par le meurtre perpétré et l’intrusion de Bagose ont vraisemblablement interrompu le service normal du Temple. Celui-ci a vraisemblablement pu reprendre après les sept années mentionnées par Flavius Josèphe sous la direction de Jaddus[5] le fils de Jean qui lui succède comme grand sacrificateur (grand prêtre). Nous retrouvons ce même Jaddus dans une nouvelle confrontation avec les Perses là encore justifiée par des tensions internes dans le peuple Juif de Jérusalem.

Détérioration des relations avec la Perse

Ces relations tumultueuses de Jérusalem avec la Perse, son ancien protecteur se détériorent.

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Le temps de Cyrus comparé au Messie est maintenant bien loin. Le déclin de l’empire Perse est annoncé.

Dans le même temps, Alexandre Le Grand, le successeur de Philippe de Macédoine inflige une première défaite aux Perses :

  • Alexandre[6] Le Grand son fils, qui lui (à Philippe de Macédoine) succéda, passa le détroit de l’Hellespont, entra dans l’Asie, et vainquit dans une grande bataille, auprès du fleuve Granique, ceux qui commandaient l’armée de Darius (Darius III Codoman). Il conquit ensuite la Lydie et l’Ionie, traversa la Carie, et entra dans la Pamphylie.

C’est alors que Sanabaleth le Perse entreprend de faire établir en Samarie un temple concurrent au Temple de Jérusalem où Manassé son gendre doit devenir le Grand Prêtre en compensation de la perte de la prêtrise à Jérusalem:

  • Cependant[7] les principaux de Jérusalem ne pouvaient souffrir que Manassé, frère de Jaddus, grand sacrificateur, eût pris pour femme une étrangère, parce que c’était violer les lois touchant les mariages et établir un mélange profane avec les nations idolâtres ; ce qui avait été la cause de leur captivité et de tant de maux qu’ils avaient soufferts. Ainsi ils insistaient pour que Manassé renvoyât sa femme ou ne s’approchât plus de l’autel, et Jaddus, pressé de ces plaintes, lui défendit de s’en approcher. Manassé se retira vers Sanabaleth, son beau-père, et lui dit encore qu’il aimât extrêmement sa femme, la sacrificature était un grand honneur parmi ceux de sa nation qu’il ne pouvait se résoudre à en être privé. Sanabaleth lui répondit que pourvu qu’il voulût garder sa fille, non seulement il lui conserverait cet honneur mais le ferait établir grand sacrificateur et prince de la Judée et lui obtiendrait le consentement du roi Darius pour faire bâtir un temple semblable à celui de Jérusalem sur la montagne de Garizim, qui est la plus haute de toutes celles de ce pays et qui commande Samarie. Sanabaleth était alors fort âgé, mais Manassé ne laissa pas de recevoir l’effet de ses promesses par la faveur de Darius. Ainsi s’étaient engagés dans de semblables mariages que le sien, ils se retirèrent tous avec lui, Sanabaleth, secondant l’ambition de son gendre, leur donna en sa considération de l’argent, des maisons et des terres, ce qui apporta un très grand trouble dans Jérusalem.

La menace grecque

Alors que le pouvoir Perse s’immisce de façon dangereuse dans les affaires de Jérusalem, la menace grecque se confirme :

  • Darius[8], ayant appris l’avantage remporté par Alexandre sur ses généraux, rassembla toutes ses forces pour marcher contre lui avant qu’il pût se rendre maître de l’Asie ; et après avoir passé l’Euphrate et le mont Taurus, qui était en Cilicie, il résolut de le combattre. Lorsque Sanabaleth vit qu’il s’approchait de la Judée, il dit à Manassé qu’il accomplirait sa promesse aussitôt que Darius aurait vaincu Alexandre ; car ni lui, ni tous les peuples de l’Asie ne mettaient point en doute que les Macédoniens, étant en si petit nombre, n’oseraient pas en venir aux mains avec cette formidable armée des Perses. Mais l’événement fit venir le contraire. La bataille se donna : Darius fut vaincu avec grande perte ; sa mère, sa femme et ses enfants demeurèrent prisonniers ; et il fut contraint de s’enfuir pour chercher sa sûreté dans la Perse. Alexandre, après sa victoire, vint en Syrie, prit Damas, se rendit maître de Sidon et assiégea Tyr. Durant qu’il était attaché à cette entreprise, il écrivit à Jaddus, grand sacrificateur des Juifs, qu’il lui demandait trois choses : du secours, un commerce libre avec son armée, et les mêmes assistances qu’il donnait à Darius, l’assurant que, s’il le faisait, il n’aurait point de regret d’avoir préféré son amitié à la sienne. Ce sacrificateur lui répondit que les Juifs avaient promis à Darius avec serment de ne porter jamais les armes contre lui et qu’ils ne pouvaient y manquer tandis qu’il serait en vie. Alexandre fut si irrité de cette réponse qu’il lui manda qu’aussitôt qu’il aurait pris Tyr il marcherait contre lui avec armée pour lui apprendre ainsi qu’à tout le monde à qui il fallait garder le serment.
  • Mais, pour revenir à Sanabaleth, pendant qu’Alexandre était encore occupé au siège de Tyr, il crut que le temps était propre pour venir à bout de son dessein. Ainsi il abandonna le parti de Darius et mena huit mille hommes à Alexandre. Ce grand prince l’ayant très bien reçu, il lui dit qu’il avait un gendre Manassé, frère du grand sacrificateur des Juifs ; que plusieurs de cette nation s’étaient attachés à lui par l’affection qu’ils lui portaient, et qu’il désirait de bâtir un temple près de Samarie ; que Sa Majesté en pourrait tirer un grand avantage, parce que cela diviserait les forces des Juifs, et empêcherait que cette nation ne se pût révolter tout entière et lui donner de la peine, comme leurs ancêtres en avaient donné aux rois de Syrie.

Le sort de Tyr

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Alexandre vainquit Tyr (en 332 avant JC), et naturellement, conformément à la promesse qu’il leur avait faite au préalable, le pire attendait les Juifs de Jérusalem. Comme pour Thèbes elle aussi vaincue plus tôt et Gaza qui sera vaincue quelques mois après Tyr, Alexandre n’est pas clément avec les vaincus :

  • Avant[9] d’atteindre les rives du Nil, il (Alexandre) doit s’emparer de Tyr, réputé inexpugnable pour avoir résisté pendant treize ans à Nabuchodonosor, entre 585 et 572 avant JC. Pendant sept mois, la cité phénicienne refuse de se rendre. Lors de sa reddition, la vengeance d’Alexandre est terrible : deux mille hommes sont pendus et trente mille survivants, selon les historiens classiques, vendus comme esclaves.

La ville est rasée, les populations sont massacrées ou réduites en esclavage. C’est visiblement le sort auquel peut s’attendre Jérusalem. C’est pourquoi les Juifs de Jérusalem s’en remettent à Dieu :

  • Lorsque[10] cet illustre conquérant (Alexandre) eut pris de force cette dernière place (Gaza, dernier point de résistance sur la cote), il s’avança vers Jérusalem ; et le grand sacrificateur prit Jaddus, qui savait quelle était la colère contre lui, se voyant avec tout le peuple dans un péril inévitable, eut recours à Dieu, ordonna des prières publiques pour implorer son assistance et lui offrit des sacrifices.

Jérusalem épargnée

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Ces prières ne furent pas vaines, car le désastre annoncé n’eut pas lieu :

  • Dieu[10] lui (Jaddus) apparut en songe la nuit suivante, et lui dit de faire répandre des fleurs dans la ville, de faire ouvrir toutes les portes et d’aller revêtu de ses habits pontificaux avec tous les sacrificateurs aussi revêtus des leurs et tous les autres vêtus de blanc au-devant d’Alexandre, sans rien appréhender de ce prince, parce qu’il les protégerait. Jaddus fit savoir avec grande joie à tout le peuple la révélation qu’il avait eue ; et tous se préparèrent à attendre en cet état la venue du roi. Lorsqu’on sut qu’il était proche, le grand sacrificateur accompagné des autres sacrificateurs et de tout le peuple, alla au-devant de lui dans cette grande pompe, si sainte et si différente des autres nations, jusqu’au lieu nommé Sopha, qui signifie en grec Guérite, parce que l’on peut de là voir la ville de Jérusalem et le Temple. Les Phéniciens et les Chaldéens qui étaient dans l’armée d’Alexandre ne doutaient point que, dans la colère où il était contre les Juifs, il ne leur permit de saccager Jérusalem et qu’il ne fit une punition exemplaire du grand Sacrificateur. Mais il arriva tout le contraire : car ce prince n’eut pas plus tôt aperçu cette grande multitude d’hommes vêtus de blanc, cette troupe de sacrificateurs vêtus de lin, tiare sur la tête ; avec une lame d’or sur laquelle le nom de Dieu était écrit, qu’il s’approcha seul de lui, adora ce Nom si auguste et salua le grand sacrificateur que nul autre n’avait encore salué. Alors les Juifs s’assemblèrent autour d’Alexandre, et élevèrent leur voix pour lui souhaiter toutes sortes de prospérités.

Par la suite, Flavius Josèphe explique qu’Alexandre avait vu auparavant dans un songe, Dieu s’adresser à lui pour lui promettre la victoire dans le même habit que celui des prêtres. Par suite, Alexandre fait offrir des sacrifices au Temple. Ces récits de Flavius Josèphe concernant la venue « miraculeuse » d’Alexandre à Jérusalem sont mis en doute par certains historiens.

Toutefois le caractère miraculeux de la préservation de Jérusalem, sous le giron Perse, vis-à-vis de la menace grecque est bien réelle: Jérusalem n’a pas suivi le sort de Tyr et Gaza.

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Ainsi, après bien des péripéties dues à l’assassinat fratricide à l’intérieur du Temple et à la position pour le moins ambiguë du pouvoir Perse à l’égard des Juifs de Jérusalem, l’arrivée d’Alexandre promet un renouveau de Jérusalem et du culte du Temple, comme s’il était inauguré une nouvelle fois ce qui justifie le titre du psaume de cette génération : « Cantique de la dédicace du Temple».

Le début du psaume de cette génération illustre bien les événements liés à la percée d’Alexandre :

  1. Psaume. Cantique de la dédicace du Temple ; par David.
  2. Je t’exalterai, Seigneur, car tu m’as révélé ; tu n’as point réjoui mes ennemis à mes dépens.
    • Les alliés des Perses n’eurent pas gain de cause. Alexandre, et surtout les différents peuples qui constituaient ses armées n’ont pas mis à sac Jérusalem.
  3. Éternel, mon Dieu, je T’ai invoqué, et Tu m’as guéri :
  4. Seigneur, Tu as fait remonter mon âme du Cheol, Tu m’as permis de vivre, de ne pas descendre au tombeau.
    • Face à l’arrivée d’Alexandre, Jérusalem aurait dû comme Tyr ou Gaza être rayé de la carte et sa population aurait définitivement péri. Cela aurait été la fin de la descendance de David comparable à sa descente aux enfers (le Cheol).
  5. Chantez l’Éternel, vous ses fidèles, rendez grâce à son saint nom ;
  6. car sa colère ne dure qu’un instant, mais sa bienveillance est pour la vie ; le soir domine les pleurs, le matin, c’est l’allégresse.
    • Le crime fratricide n’aura eu que des effets limités, car au bout de sept ans la domination Perse qui a suivi s’est arrêtée, sept ans par rapport à la durée de la nuit ce n’est en effet qu’un instant. Toutefois, David continue d’évoquer la nuit que continuent à parcourir les générations d’Israël avant enfin de pouvoir atteindre l’aurore, la résurrection finale marquant la fin des malédictions que doit subir le peuple d’Israël. Cela est d’autant plus important à cette génération ou Esaü (les Grecs puis l’occident) entre en scène.
  7. J’avais dit en ma quiétude : « Jamais je ne chancellerai ».
  8. Seigneur, dans Ta bonté, Tu avais puissamment fortifié ma montagne. Mais Tu as caché ta face : j’ai été consterné !
    • La supplique de David envers l’Éternel, évoque les quelques années sous domination Perse pendant lesquelles, le Temple n’était pas « habité » faute d’offrandes légales. Période qui a en même temps vu poindre le danger que représente Alexandre dans la survie d’Israël. David évoque cette issue peu favorable et la conséquence qu’elle aurait sur son peuple qui ne pourrait alors plus honorer Dieu. Ce plaidoyer est évidemment dans l’esprit de la conclusion du livre de Jonas que nous avons évoqué pour la génération précédente.

Le livre de Joël

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Le livre de Joël est difficile à dater, toutefois son contenu semble être également adapté à la génération que nous évoquons. Ce livre évoque d’ailleurs un sort funeste pour Tyr et Sidon ainsi que les districts des Philistins. Rappelons que Tyr et Sidon évoqués ensemble représentent la région de Tyr et que Gaza était la ville la plus importante des Philistins. Tyr et Gaza ont été rasés par Alexandre et ses habitants tués ou vendus comme esclave, comme l’indique Joël :

  • Et[11] de fait, que réclamez-vous de moi, Tyr et Sidon, et vous tous, districts des Philistins ? Prétendez-vous me rendre la pareille ? Essayez donc de m’infliger quelque mauvais traitement : rapidement, sur le champ, je ferai retomber votre manière d’agir sur vos têtes. […] À votre tour, je vendrai vos fils et vos filles par l’entremise des fils de Juda ; ceux-ci les vendront aux Sabéens, à une nation lointaine, car c’est l’Éternel qui le déclare.

Joël évoque une famine qui prive le Temple d’offrandes. Il est vraisemblable que celle-ci a vraisemblablement également suffi pour que les Perses abandonnent Jérusalem à son sort au bout de sept ans :

  • Parole[12] de l’Éternel, qui fut adressée à Joël, fils de Petouël : « Écoutez ceci, vieillards ! Prêtez l’oreille, vous tous, habitants de ce pays ! Est-il arrivé quelque chose de semblable de votre temps ou du temps de vos pères ? Faites en le récit à vos enfants ; que vos fils le racontent à leurs enfants, et ceux-ci à la génération suivante ! Ce qu’a épargné le grillon a été dévoré par la sauterelle, ce qui a échappé à la sauterelle est devenu la proie du hanneton, et ce qu’a laissé le hanneton, la locuste l’a mangé ».

Le deuil des prêtres est alors évoqué, provoqué par le manque d’offrandes mais également par les événements cités par Flavius Josèphe :

  • Prêtres[13], ceignez-vous d’habits de deuil et exhalez des plaintes ; lamentez-vous, serviteurs de l’autel, allez passer la nuit, revêtus de cilices, ministres de mon Dieu, car offrandes et libations font défaut dans la maison de votre Dieu ! Ordonnez un jeûne, convoquez une assemblée solennelle. Réunissez les vieillards, tous les habitants du pays dans la maison de l’Éternel, votre Dieu, et criez vers l’Éternel ! Ô jour de malheur ! Car il est proche, le jour du Seigneur, il arrive comme la tempête de par le Tout-Puissant. Là, sous nos yeux, la nourriture est enlevée, de la maison de l’Éternel ont disparu joie et allégresse.

Les suppliques que réclame Dieu, évoquées par Flavius Josèphe, afin d’apaiser sa colère, illustrent la suite du psaume :

  1. C’est vers Toi que je crie, c’est à mon Seigneur que vont mes supplications :
  2. « Que gagnes-tu à ce que mon sang coule ? À ce que je descende au tombeau ? La poussière Te rend-elle hommage ? Proclame-t-elle ta persistante bonté ?
  3. Écoute, ô Seigneur, et prends-moi en pitié ! Éternel, soit mon sauveur ! »

Le pardon divin déjà évoqué dans le début du psaume est rappelé dans la suite de Joël :

  • Et[14] maintenant – il est temps encore – revenez à moi de tout votre cœur, avec des jeûnes, de pleurs et des plaintes funèbres. Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et retournez à l’Éternel, votre Dieu, car il est clément, miséricordieux, lent à la colère et abondant en grâce, enclin à revenir sur le mal. Qui sait ? Peut-être se ravisant, regrettera-t-il le mal qu’il vous a fait et laissera-t-il quelque bénédiction à sa suite : des offrandes et des libations pour l’Éternel, votre Dieu.

Le repentir ne sera pas vain, car Dieu redirige alors sa face vers son peuple :

  • Et[15] vous fils de Sion, réjouissez-vous, délectez-vous en l’Éternel, votre Dieu, car Il vous donne la pluie d’automne d’une manière bienfaisante, il fait tomber pour vous en premier les pluies d’automne et du printemps. Et les granges regorgeront de blé, les cuves déborderont de vin et d’huile. Je vous ferai récupérer ainsi les années (doit correspondre à la période de sept années de domination perse) qu’ont dévorées la sauterelle, la locuste, le hanneton et la chenille, ma grande armée que J’avais lancée contre vous. Vous mangerez une nourriture abondante et serez rassasiés, vous glorifierez le nom de l’Éternel, votre Dieu, qui aura fait pour vous tant de prodiges et plus jamais mon peuple n’aura à rougir.

Le changement du deuil annoncé en action de grâce pour la clémence divine illustre la fin du psaume de cette génération :

  1. Tu as changé mon deuil en danses joyeuses, Tu as dénoué mon cilice, et de la joie Tu as fait une ceinture.
  2. De la sorte mon âme te chantera sans relâche ; Éternel, mon Dieu, à tout jamais je Te célébrerai.

Cette génération fait partie de la 1ère garde de la nuit (générations 1 à 49).
Elle est donc associée à une malédiction du Lévitique (malédictions 1 à 49).

Cette miséricorde divine qui préfère la récompense du repentir à la punition aveugle de la faute, et la façon dont elle est exprimée dans ce psaume n’est pas également sans rappeler les conclusions du livre de Jonas.

Rappelons que ce livre a été évoqué dans le psaume de la génération précédente et que son contexte est justement l’annonce du châtiment divin que Jonas est contraint de véhiculer à Ninive.

Toutefois, l’annonce de Jonas entraîne le repentir de Ninive et en conséquence l’absolution de la faute par Dieu, ce qui a pour conséquence la colère de Jonas qui reproche à Dieu « d’avoir été dérangé inutilement ». Dieu argumente alors que chaque être de la création lui est aussi cher et que le pardon consécutif au repentir est préférable à la sanction de la faute. Ce qui va évidemment dans le sens de notre psaume. Lorsque le roi de Ninive ordonne le jeûne pour ses administrés et le bétail, il espère alors:

  • « Qui sait[16] ? Peut-être Dieu, se ravisant, révoquera-t-il son arrêt et se départira de son courroux, pour que nous ne périssions pas. » Dieu, en effet, considérant leur conduite, voyant qu’ils avaient abandonné leur mauvaise voie, revint sur la calamité qu’il leur avait annoncée et n’accomplit pas sa menace.

Ainsi lorsque Jonas exprime sa rancœur, Dieu de lui expliquer:

  • Et[17] Dieu dit à Jonas : « Est-ce à bon droit que tu te chagrines de ce ricin (Dieu avait fait pousse un ricin pour abriter Jonas puis l’avait fait dépérir) ? » Il répondit : « Je m’en chagrine à bon droit, au point de désirer la mort. » L’Éternel répliqua : « Quoi ! Tu as souci de ce ricin qui ne t’a coûté aucune peine, que tu n’as point fait pousser, qu’une nuit a vu naître, qu’une nuit a vu périr : et Moi Je n’épargnerai pas Ninive, cette grande ville, qui renferme plus de douze myriades d’êtres humains, incapables de distinguer leur main droite de leur main gauche, et un bétail considérable ! »

Suite à l’assassinat dans le Temple, pendant les sept ans de domination perse, la terre d’Israël a été envahie par les insectes afin d’empêcher toute offrande au Temple pendant cette période. En particulier les arbres fruitiers furent dévastés et ne donnèrent pas de fruits :

  • C’est[18] que mon pays a été envahi par un peuple puissant (les insectes déjà cités) et sans nombre, dont les dents sont des dents de lion et les crocs des crocs de lionnes. Il a fait de mon vignoble une ruine, de mes figuiers une chose décharnée ; il les a dénudés, dépouillés de verdure, leurs branches ont blanchi.

Et aussi :

  • La vigne[19] est desséchée, le figuier est flétri, le grenadier, de même que le palmier et le pommier, tous les arbres des champs sont étiolés. Oui, toute joie est éteinte parmi les fils de l’homme.

La génération 30 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 13 du Lévitique :

  1. L’arbre de la terre ne donnera pas son fruit.

Paul David


[1] Voir Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Onzième/Début du chapitre 8

[2] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Onzième/Chapitre 7

[3] Voir EZRA Chapitre 10, verset 6

[4] NEHEMIE Chapitre 12, versets 8 à 11

[5] Voir la suite de la citation précédente.

[6] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Onzième/Chapitre 8

[7] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Onzième/Suite du Chapitre 8

[8] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Onzième/Suite du Chapitre 8

[9] Extrait de « Une histoire des Hébreux » de Richard Lebeau, Chapitre « Israël face à l’Hellénisme »

[10] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Onzième/Suite du Chapitre 8

[11] JOEL Chapitre 4, versets 4 et 6

[12] JOEL Chapitre 1, versets 1 à 4

[13] JOEL Chapitre 1, verset 13 à 16

[14] JOEL Chapitre 2, versets 12 à 14

[15] JOEL Chapitre 2, versets 23 à 26

[16] JONAS Chapitre 3, verset 10

[17] JONAS Chapitre 4, versets 9 à 11

[18] JOEL Chapitre 1, versets 6 et 7

[19] JOEL Chapitre 1, verset 12