Résumé:
Cette génération est celle des années 1210 à 1230.
Suivant notre comptage, cette génération est la génération 108 associée au psaume 108. C’est dans ce psaume 108 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.
Comme indiqué pour la génération précédente, la reprise de Jérusalem par Saladin associée à une politique de ce dernier beaucoup plus conciliante envers les Juifs que celle des croisés donne le signal de retour vers Sion à de nombreux Juifs en exil.
Effrayés par les souffrances qui les menaçaient de toutes parts et poussés en même temps par le désir de voir la Terre Sainte, que le poète Juda Halevi avait réveillé dans tant de cœurs, trois cents rabbins de France et d’Angleterre émigrent à Jérusalem (1211), où ils sont accueillis avec bienveillance par le sultan Aladil, frère de Saladin. Les plus connus d’entre eux étaient Jonathan Kohen, de Lunel, partisan de Maïmonide, et Simson ben Abraham, qui avait, au contraire, attaqué avec vivacité l’auteur du Guide. Ces émigrés élèvent à Jérusalem des synagogues et des écoles et implantent en Orient l’enseignement remarquable de l’école des tossaphistes.
Le psaume associé à cette génération reprend une partie du psaume 60 associé à la génération 60. Cela n’est pas fortuit. Dans la génération 60 correspondant au psaume 60, l’académie de Nehardea disparaissait faisant les frais de la lutte entre Rome et la Perse mettant en danger le judaïsme Babylonien et à travers lui le judaïsme tout court au regard de la place prépondérante qu’occupaient les académies Babyloniennes dans la survie de l’ensemble du judaïsme mondial (limité approximativement aux pourtours de la Méditerranée) suscitant l’inquiétude du psalmiste.
Or entre la génération 60 et la présente génération 108, il y a une période de quarante-neuf générations soit l’équivalent d’une garde de la nuit entière, un quasi millénaire. À l’inquiétude alors exprimée dans les sept premiers versets du psaume 60, une réponse d’espoir est donnée par les sept premiers versets du psaume de cette génération où le retour en terre d’Israël est amorcé. L’inquiétude exprimée suite à la disparition de l’académie de Nehardea quand à la survie intellectuelle du peuple Juif n’a pas été justifiée. Non seulement, le judaïsme a survécu en dehors de la Babylonie, mais de nombreuses personnalités Juives que ce soit en Espagne musulmane ou en Europe chrétienne ont permis un essor intellectuel sans précédent du judaïsme qui est d’une part un gage de survie pour les générations restantes de l’exil mais également un espoir de renaissance en terre d’Israël, véritable berceau du judaïsme.
Pour faire écho à la génération qui voit la fin d’une époque dans le judaïsme Babylonien avec la disparition de l’académie de Nehardea, cette fois ce sont les Mongols qui prennent le pouvoir à Babylone après avoir construit le plus grand empire sur terre de tous les temps. L’invasion Mongol est le symbole de cette longue période d’exil où le peuple Juif se doit de survivre à travers les différents Empires qui se forment et qui sont successivement détruits par de nouveaux empires émergents. Ainsi Babylone, symbole de l’exil d’Israël, est définitivement absorbée par un nouvel empire naissant : l’empire Mongol. Les empires qui ont successivement soumis le peuple d’Israël finissent tous par disparaître alors que le peuple d’Israël contraint à vivre au sein des peuples qui se créent et qui meurent, traverse le temps sans disparaître.
Développement:
Retour à Sion
Avant de faire le parallèle entre le psaume de cette génération et les événements marquant de la génération correspondante, il faut remarquer qu’une grande partie de ce psaume reprend un long passage du psaume 60.
Ainsi tout le passage suivant (versets 8 à 14 du psaume 108) correspond exactement aux versets 8 à 14 du psaume 60 (qui est associé à la génération des années 250-270) :
- L’Éternel l’a annoncé en son sanctuaire : « Je triompherai, Je veux m’adjuger Sichem, mesurer au cordeau la vallée de Souccoth.
- À moi Galaad ! À moi Manassé ! Ephraïm est la puissante sauvegarde de Ma tête. Juda est Mon sceptre.
- Moab est le bassin où Je me lave, sur Edom, Je jette ma sandale, Je triomphe du pays des Philistins ».
- Qui me conduira à la ville forte ? Qui saura me mener jusqu’à Edom ?
- Ne sera-ce pas toi, ô Dieu, Toi qui nous avais délaissés, qui ne faisais plus campagne avec nos armées ?
- Prêtes-nous secours contre l’adversaire, puisque trompeuse est l’aide de l’homme.
- Avec Dieu, nous ferons des prouesses : c’est Lui qui écrasera nos ennemis.
C’est-à-dire que le passage correspondant du psaume (versets 8 à 14) a été « copié/collé » (si on utilise un vocabulaire moderne) au même emplacement du psaume de cette génération, seul le début du psaume est modifié et la conclusion du psaume 60 n’est pas reprise.
Avant de faire le parallèle entre les deux générations, il faut tout d’abord comprendre ce qu’exprime le début du psaume de cette génération (versets 1 à 7).
Si pendant le règne de Youssuff Yaakoub (1184-1199) s’accroît la pression de la conversion sur les Juifs sous domination Almohade, celui-ci marque l’apogée des Almohades d’Espagne, après son règne le déclin de la présence musulmane en Espagne s’amorce en même temps que la Reconquista chrétienne marque des points.
Maïmonide qui a marqué les générations précédentes meurt à la génération précédente en 1204 à Fostat.
Condamné à l’exil de son vivant, ne réussissant pas à s’implanter en terre promise, il est enterré en Terre promise à Tibériade aux côtés de son père marquant ainsi le retour de la terre d’Israël dans la réalité des Juifs.
En effet, comme indiqué pour la génération précédente, la reprise de Jérusalem par Saladin associé à une politique de ce dernier beaucoup plus conciliante envers les Juifs que celle des croisés donne le signal de retour vers Sion à de nombreux Juifs en exil.
Ce retour est surtout significatif à partir de la présente génération marquée par de réel mouvement d’aliyah présageant d’une envie qui sera de plus en plus marquée dans un exil ou les Juifs ont de moins en moins leur place :
- Les juifs[1] d’Ascalon furent les premiers à profiter de cette ouverture (due à la reprise de la Terre sainte par Saladin), contribuant ainsi à la renaissance d’une communauté dans cette ville. Des Juifs originaires des pays du Maghreb, mais vivant pour la plupart en Égypte depuis un certain temps, se joignirent à eux. L’origine de la troisième composante de la nouvelle communauté est plus surprenante : c’étaient, pour reprendre les termes d’al-Harizi, « les justes du Très Haut, qui viennent du pays de Tsarfat pour résider à Sion », Tsarfat, il faut le rappeler, désignait alors la partie septentrionale de la France. Il faut donc comprendre que l’immigration en Terre sainte avait repris grâce à la tolérance accordée à la création de nouveaux établissements juifs dans les terres reconquises sur les Croisés. Une brève note du XVIe siècle confirme l’existence de ce mouvement migratoire :
- En l’an 171 (du petit comput, soit 1210-1211) Dieu incita les rabbins de Tsarfat et les rabbins d’Angleterre à se rendre à Jérusalem. Ils furent plus de trois cents. Le roi les a grandement honorés et il leur a construit des synagogues et des maisons d’études. Notre grand maître, le grand prêtre Rabbenu Jonathan Ha Cohen, s’y est également rendu. Un miracle s’est produit pour eux : ils ont prié pour la pluie et ils ont été exaucés. Le nom du ciel a été sanctifié par eux.
- […] Il semble que ce mouvement d’immigration ait connu deux phases : la première, que l’on peut dater des années 1209-1210, fut sans doute conduite par Rabbenu Jonathan qui venait de Lunel, et qui est sans doute le seul provençal déclaré mentionné dans ce contexte ; quant à la seconde, les départs eurent lieu par petits groupes au cours de l’été 1211. Un premier groupe, auquel s’étaient joints l’éminent tossaphiste Joseph fils de Baruch de Clisson et son frère Mair, était passé par Le Caire où ils furent reçus par Abraham, le propre fils de Maïmonide.
Innocent III
En fait, cette aliyah avant l’heure est due à un durcissement des autorités chrétiennes en Europe, et plus particulièrement en France ou la bataille menée contre les Albigeois englobe la lutte contre les Juifs souvent alliés de ces derniers :
- Et cependant[2], plus que jamais (Graetz déplore qu’à la mort de Maïmonide, il n’y ait point de relève de même niveau), les Juifs auraient eu besoin d’un guide ferme et vaillant. Car, au commencement du XIIIe siècle, ils eurent à subir l’hostilité d’un adversaire aussi puissant que malveillant.
- Le pape Innocent III (1198-1216), qui courba peuples et souverains sous le joug de l’Église, asservit les esprits, persécuta les penseurs indépendants, créa l’Inquisition et fit monter sur des bûchers tous ceux qui lui semblaient hérétiques, ce pape fut aussi un ennemi implacable des Juifs et du judaïsme. Lui, le puissant prince de l’Église, qui pouvait distribuer couronnes et pays et était parvenu, à l’aide de sa légion de légats et de moines dominicains et franciscains, à soumettre à sa domination toute l’Europe, depuis l’océan Atlantique jusqu’à Constantinople et depuis la Méditerranée jusqu’aux régions arctiques, il supportait avec peine l’existence du petit peuple juif.
- Au début de son règne, cependant, il se montra assez favorable aux Juifs, et quand, à la mort de Saladin, le sultan d’Égypte qui possédait Jérusalem, une nouvelle croisade s’organisa et que, selon leur habitude, les croisés se mirent à piller et à tuer les Juifs, il intervint en leur faveur (sept. 1109). Il interdit également aux chrétiens de les baptiser de force, de leur ravir leurs biens sans une autorisation légale, de les massacrer, de les attaquer à coups de fouet ou de pierres pendant leurs fêtes ou de profaner leurs cimetières. Chose étrange, ce n’est pas un sentiment d’humanité et de justice qui provoquait l’intervention du pape, mais cette pensée singulière que les Juifs doivent vivre, et vivre dans l’abjection et la misère, pour la plus grande gloire du christianisme. Mais si Innocent III voulait qu’on laissât la vie sauve aux Juifs, il ne les en détestait pas moins. Ainsi, il reprocha (1205) sa bienveillance pour les Juifs au roi de France Philippe-Auguste, qui, cependant, les avait pillés, emprisonnés, expulsés, et ne les avait rappelés dans son pays que pressé par des besoins d’argent !
- Innocent III fut le premier pape qui traita les Juifs avec une dureté inhumaine, et si, dans son esprit, leur existence avilie n’avait pas dû contribuer à la glorification du christianisme, il aurait prêché contre eux, comme il le fit contre les Albigeois, une vraie guerre d’extermination. Innocent III éprouvait peut-être pour les Juifs une haine si violente, parce qu’il sentait que leurs doctrines religieuses étaient une protestation contre les mœurs relâchées des prélats chrétiens du temps et semblaient, par conséquent, encourager les hérétiques dans leur opposition à l’Église.
L’émigration des Juifs de France
- Effrayés par les souffrances qui les menaçaient de toutes parts et poussés en même temps par le désir de voir la Terre Sainte, que le poète Juda Halevi avait réveillé dans tant de cœurs, trois cents rabbins de France et d’Angleterre émigrèrent à Jérusalem (1211), où ils furent accueillis avec bienveillance par le sultan Aladil, frère de Saladin. Les plus connus d’entre eux étaient Jonathan Kohen, de Lunel, partisan de Maïmonide, et Simson ben Abraham, qui avait, au contraire, attaqué avec vivacité l’auteur du Guide. Ces émigrés élevèrent à Jérusalem des synagogues et des écoles et implantèrent en Orient l’enseignement remarquable de l’école des tossaphistes.
- Effrayés par les souffrances qui les menaçaient de toutes parts et poussés en même temps par le désir de voir la Terre Sainte, que le poète Juda Halevi avait réveillé dans tant de cœurs, trois cents rabbins de France et d’Angleterre émigrèrent à Jérusalem (1211), où ils furent accueillis avec bienveillance par le sultan Aladil, frère de Saladin. Les plus connus d’entre eux étaient Jonathan Kohen, de Lunel, partisan de Maïmonide, et Simson ben Abraham, qui avait, au contraire, attaqué avec vivacité l’auteur du Guide. Ces émigrés élevèrent à Jérusalem des synagogues et des écoles et implantèrent en Orient l’enseignement remarquable de l’école des tossaphistes.
C’est cette renaissance, forcée, de la présence Juive en terre d’Israël, consécutif à l’essor culturel juif en Europe, que le début du psaume de cette génération honore :
- Cantique, Psaume de David :
- Mon cœur reste ferme, ô Dieu ! Je puis chanter, célébrer Tes louanges, c’est là mon honneur.
- De retour en Terre sainte, les Juifs peuvent de nouveau honorer Dieu sur leur terre ancestrale
- Réveillez-vous, ô luth et harpe ! Je veux réveiller l’aurore.
- L’aurore représente la fin de l’exil (la nuit), le psalmiste a hâte que celle-ci arrive, le présent retour des Juifs sur leur terre n’étant qu’un signe du futur retour définitif du peuple d’Israël sur sa terre.
- Je Te louerai parmi les nations, ô Seigneur, je Te chanterai parmi les peuples.
- Mais bien sûr l’exil n’est pas terminé, le peuple Juif au sein des nations continuera à rester fidèle à l’alliance divine et à le proclamer aux autres peuples.
- Car la grâce s’élève par-dessus les cieux, et Ta bonté atteint jusqu’au firmament.
- Montre Ta grandeur, ô Dieu, qui dépasse les cieux, que Ta gloire brille sur toute la terre !
- Afin que les bien-aimés échappent au danger, secours-nous avec Ta droite, et exauce-moi !
- Si le psalmiste exprime sa confiance en Dieu dans ces versets, il n’ignore pas que de nombreuses épreuves attendent encore le peuple Juif pendant le reste de la nuit avant que l’aurore finisse par pointer. Afin d’atteindre le bout de la nuit, le peuple d’Israël aura bien besoin du secours divin.
Bilan après un millénaire
La suite du psaume qui est commune avec le passage correspondant du psaume 60 évoque un épisode de Samuel (Samuel I, Chapitre 7 versets 15-16 et Samuel II, Chapitre 8, versets 1 à 14 ; également relaté dans Chronique I, Chapitre 18). Dans la génération correspondant au psaume 60, l’académie de Nehardea disparaissait faisant les frais de la lutte entre Rome et la Perse mettant en danger le judaïsme Babylonien et à travers lui le judaïsme tout court au regard de la place prépondérante qu’occupaient les académies Babyloniennes dans la survie de l’ensemble du judaïsme mondial (limité approximativement aux pourtours de la Méditerranée).
Cet événement avait suscité du psalmiste les versets suivants (début du psaume 60) :
- Ô Dieu[3], Tu nous as délaissés, tu as fait une brèche parmi nous, Tu T’es irrité : puisses-Tu réparer nos pertes ! Tu as fait trembler le pays, Tu y as ouvert des crevasses ; restaure ses ruines, car il vacille. Tu en as fait voir de dures à Ton peuple, Tu nous as forcés de boire un vin de vertige : puisses-tu donner à tes adorateurs une bannière, pour s’y rallier au nom de la vérité.
- Or entre le psaume 60 et le psaume 108 (le présent psaume), il y a une période de quarante-neuf générations soit l’équivalent d’une garde de la nuit entière. À l’inquiétude exprimée dans les sept premiers versets du psaume, une réponse d’espoir est donnée par les sept premiers versets du psaume de cette génération où le retour en terre d’Israël est amorcé.
S’il reste encore de nombreuses générations d’exil, générations de la nuit, une toute petite lueur de l’aurore à venir est perceptible. L’inquiétude exprimée suite à la disparition de l’académie de Nehardea quand à la survie intellectuelle du peuple Juif n’a pas été justifiée. Non seulement, le judaïsme a survécu en dehors de la Babylonie, mais de nombreuses personnalités Juives que ce soit en Espagne musulmane ou en Europe chrétienne ont permis un essor intellectuel sans précédent du judaïsme qui est d’une part un gage de survie pour les générations restantes de l’exil mais également un espoir de renaissance en terre d’Israël, véritable berceau du judaïsme.
Avant la génération du psaume 60, l’essentiel de la culture juive se limitait aux livres de la Bible. Dans le millénaire qui s’est écoulée depuis cette génération, les Juifs ont su se créer tout un ensemble de nouveaux textes qui leur permettent d’assurer leur survie en exil, que ce soit le Talmud ou tout l’héritage laissés par les hauts personnages qui se sont succédé dans les dernières générations, en particulier de Rachi à Maïmonide. Si le psalmiste fait en quelque sorte un inventaire à cette génération, cela n’est pas un hasard, car dès la génération prochaine, cet héritage de l’exil sera combattu par les nouveaux maîtres de l’Europe.
Les Mongols
Pour faire écho à la génération qui voit la fin d’une époque dans le judaïsme Babylonien avec la disparition de l’académie de Nehardea, cette fois ce sont les Mongols qui prennent le pouvoir à Babylone après avoir construit le plus grand empire sur terre de tous les temps.
Les Mongols, peuple animiste, qui s’étaient établis sur les terres Kirghiz en haute Asie sont obligés au XIIe siècle, suite à la pression d’autres peuples, d’abandonner l’Asie Centrale et de se réfugier dans le Turkestan. C’est alors qu’intervient dans l’histoire, Genghis Khan, personnage qui changera le monde et à terme les communications entre l’Occident et l’Asie (le voyage de Marco Polo entre autres en est une des conséquences).
Comme évoqué dans le psaume 60, la fin du psaume évoque un épisode d’histoire d’Israël du temps du roi David. Comme nous l’avions vu pour le psaume 60, l’accord avec le roi de Hamat est le signe des exils futurs du peuple d’Israël, puisque Hamat, dont le roi pactise avec David, sera le symbole de l’exil des deux futurs royaumes d’Israël. Lors de l’exil de Samarie, ce sont les habitants de Hamat qui viendront remplacer les Juifs de ce royaume. Après la chute de Jérusalem, une partie des Juifs du royaume de Juda sera déportée à Hamat. Dans la victoire de David, il y a déjà les signes des exils futurs du peuple d’Israël condamné à chercher à chaque fois une terre nouvelle où s’établir jusqu’à que l’histoire les oblige à un nouvel exil.
L’invasion Mongol est le symbole de cette longue période d’exil où le peuple Juif se doit de survivre à travers les différents Empires qui se forment et qui sont successivement détruits par de nouveaux empires émergents. Ainsi Babylone, symbole de l’exil d’Israël, est définitivement absorbée par un nouvel empire naissant : l’empire Mongol. Les empires qui ont successivement soumis le peuple d’Israël finissent tous par disparaître alors que le peuple d’Israël contraint à vivre au sein des peuples qui se créent et qui meurent, traverse le temps sans disparaître.
Si la conquête ne fut sûrement pas rose pour les Juifs des pays conquis par les Mongols, la cohabitation avec ces derniers, une fois que les affres de l’installation de ces derniers soient absorbées, se passe plutôt bien. C’est le cas pour la communauté de Babylone qui s’accommode du nouveau maître des lieux sans pour autant retrouver sa gloire passée.
Le passage commun avec le psaume soixante évoque de « mesurer au cordeau la vallée de Souccoth » qui en référence à l’épisode de la Bible correspondant évoque le sort réservé par David aux Moabites vaincus, à savoir que parmi ceux-ci on en « mesurait » deux lots sur trois qui étaient destinés à la mort (exécutés). Le sort réservé par les Mongols aux vaincus est bien comparable à cela :
- Gengis Khan a laissé le souvenir d’innombrables atrocités et l’image justifiée d’un nomade farouche et cruel. La liste des exactions mongoles est impressionnante, Pékin est pillé pendant un mois, ses maisons brûlées et ses habitants massacrés. Lors de la prise de Merv, à l’exception de 400 artisans, tous les habitants sont décapités et leurs têtes empilées en pyramide pour orner les murs de la cité en ruine. Pour prendre une ville, il arrive que les Mongols réquisitionnent les paysans des environs et que, avant d’approcher les défenses adverses, ils les envoient se faire tuer en premières lignes. Détruisant les monuments, faisant paître leurs chevaux dans les champs cultivés, massacrant tous les êtres vivants « y compris les chiens et les chats », les cavaliers de Gengis Khan sont précédés d’une réputation terrifiante. Celle-ci sert évidemment les desseins mongols ; d’avance, leurs ennemis sont anéantis par la peur.
- Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
- Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
- En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.
La conquête de Gengis Khan et la terreur associée à celle-ci illustre bien la malédiction 121.
La génération 108 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 121 du Deutéronome:
- L’Éternel portera contre toi un peuple venu de loin, du bout de la terre, comme un aigle s’abat, un peuple dont tu ne comprendras pas la langue, un peuple effronté qui n’a pas de respect pour le vieillard et n’a pas de pitié pour l’enfant.
Paul David
[1] Simon Schwarzfuchs : « Les Juifs au temps des Croisades ». Chapitre : «Dans le deuxième royaume de Jérusalem » (p.161 à 163)
[2] Henri Graetz : « HISTOIRE DES JUIFS / TROISIÈME PÉRIODE — LA DISPERSION ». Deuxième époque — La science et la poésie juive à leur apogée Chapitre VIII — Dissensions dans le judaïsme. Obligation de porter la rouelle — (1205-1236). (Extrait du site web : «histoiredesjuifs.com »)
[3] Psaume 60, versets 1 à 7