Résumé:

Cette génération est celle des années 1050 à 1070.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 100 associée au psaume 100. C’est dans ce psaume 100 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Au début du Xe siècle, la religion catholique présentait un visage peu édifiant on Occident. Les invasions ont poussé moines, reliques et manuscrits hors des monastères, pour plusieurs décennies parfois. Le christianisme latin sort de sa torpeur grâce à l’impulsion des nouvelles communautés telle l’emblématique Cluny. Retrouvant le chemin de la liberté et de l’action, la rénovation de l’édifice est possible, d’autant que le contexte s’y prête, puisque la période qui court du milieu du XIe siècle à la fin du XIIIe siècle se caractérise par un essor général (économique, démographique, urbain, commercial) de l’occident. En parallèle du mouvement Clunisien, d’autres mouvements vont dans le sens du renouveau, en particulier Jean de Gorze initialise un mouvement similaire au nord de l’Europe. Après avoir forgé ses propres forces religieuses, l’Europe est prête à se libérer de la tutelle byzantine.

L’Europe est en pleine gestation, les Juifs d’Europe ignorent encore la nature de la bête qui est en train de naître, même si certains signes devraient les inquiéter. Ainsi déjà en 1065 une expédition contre les musulmans entraîne des exactions contre les Juifs, signe avant coureur des prochaines croisades. En attendant les Juifs font plutôt l’objet de mesures pouvant être interprétées comme favorables.

Pendant ce moment de répit relatif, émerge la personnalité vraisemblablement la plus influente de l’exil dans la sauvegarde spirituelle du peuple Juif. Il est difficile en effet d’imaginer quel aurait été le destin du peuple Juif, ashkénaze et sépharade confondus, à travers les générations à venir sans l’énorme travail de Rachi.

Rabbi Salomon ben Isaac, connu sous le nom de Rashi, né en 1040 dans une famille d’érudits, il grandit à Troyes. Il voyagea jusqu’à Worms (communauté qui sera bientôt anéantie), et devint élève dans la yeshiva de Rabbi Jacob ben Yakar, disciple lui-même de Rabbenu Gershom, puis revint à Troyes. Il avait pour dessein d’établir, en la transcrivant, la tradition orale ainsi que les explications sur le texte apprises auparavant et de les enrichir des pensées de son cru. Il est resté le plus grand commentateur du Talmud, celui vers lequel on se tourne en premier lieu lorsque le texte présente une difficulté : un mot étrange, un passage dont le raisonnement tortueux est à peine perceptible en raison de phrases elliptiques qui le composent, un jeu de références complexe, des principes légaux obscurs et des contradictions apparentes.

Le travail de Rashi, réellement commencé lors de cette génération, permettra au peuple Juif de survivre dans un monde nouveau qui rapidement dévoilera son hostilité. Il permettra de renforcer, la foi des Juifs de par le rôle que Dieu leur a donné auprès des nations.

Développement:

Cluny

Ce nouveau millénaire qui s’ouvre pendant lequel, l’Occident, principalement l’Europe, marquera sa suprématie s’initialise sur une émancipation religieuse par rapport aux restes de l’ancien empire de la deuxième garde de la nuit : Byzance, successeur de Rome.

Les bases de cette évolution ont commencé au siècle précédent :

  • Au début[1] du Xe siècle, la religion catholique présente un visage peu édifiant on Occident. Les invasions ont poussé moines, reliques et manuscrits hors des monastères, pour plusieurs décennies parfois. En sens inverse, la confusion des charges spirituelles et temporelles, les pratiques simoniaques ou le droit de gîte ont introduit dans les monastères des abbés laïques et des guerriers accompagnés de leur famille. Pourtant le redressement commence grâce à des laïcs soucieux de rétablir une Église digne à partir de fondations monastiques. […]
  • (en 909), soucieux d’assurer le salut de son âme, Guillaume d’Aquitaine donne son domaine de Cluny « aux saints apôtres Pierre et Paul » afin qu’il soit établi un monastère bénédictin. […] Par ce privilège d’exemption (la formulation le fait dépendre du Siège apostolique), le monastère échappe aux ingérences laïques ou ecclésiastiques pour ne relever que de Rome. Ainsi se met en place l’un des plus puissants leviers de la rénovation du monachisme occidental. […] Les ferments d’un renouveau naissent à Cluny. […] L’indépendance de Cluny est confirmée en 932. […]. Au cours de la première moitié du XIe siècle, sous la longue direction de son abbé Odilon (994-1049), l’ordre de Cluny devient un organisme riche et puissant, étendu jusqu’à l’Angleterre et à la Germanie.

En parallèle[2] du mouvement Clunisien, d’autres mouvements vont dans le sens du renouveau, en particulier Jean de Gorze initialise un mouvement similaire au nord de l’Europe. Après avoir forgé ses propres forces religieuses, l’Europe est prête à se libérer de la tutelle byzantine.

Le christianisme[3] latin sort de sa torpeur grâce à l’impulsion des nouvelles communautés telle l’emblématique Cluny. Retrouvant le chemin de la liberté et de l’action, la rénovation de l’édifice est possible, d’autant que le contexte s’y prête, puisque la période qui court du milieu du XIe siècle à la fin du XIIIe siècle se caractérise par un essor général (économique, démographique, urbain, commercial) de l’occident.

Cette génération confirme que nous sommes bien entrés dans la troisième garde de la nuit, celle de la domination du monde par l’Europe.

L’Europe est en pleine gestation, les Juifs d’Europe ignorent encore la nature de la bête qui est en train de naître, même si certains signes devraient les inquiéter. Ainsi déjà en 1065 une expédition contre les musulmans entraîne des exactions contre les Juifs, signe avant coureur des prochaines croisades.

Déjà opposé au baptême forcé des Juifs (il s’oppose en ce sens en 1065 au prince de Bénévent en Italie), Alexandre II, pape élu en 1061, qui transforme la reconquête en guerre sainte, essaie encore de la limiter aux seuls musulmans :

  • Quand[4] les croisés d’Espagne exercent, en route, leurs talents guerriers en s’attaquant aux Juifs, Alexandre II leur rappelle, en 1063, la distinction à observer entre Musulmans et Juifs : ceux-là, il faut les combattre parce qu’ils s’attaquent aux chrétiens et les chassent des cités, non pas ceux-ci, les Juifs, qui partout sont prêts à servir.

Il est écouté en Espagne, les Juifs ne subiront pas de réelles attaques chrétiennes dans les prochaines générations. Cela ne sera pas le cas ailleurs en Europe, lorsque la première vraie croisade se constituera. En attendant celle-ci, les Juifs du reste de l’Europe font plutôt l’objet de mesures pouvant être interprétées comme favorables.

Worms et l’héritage de Rabbenu Gershom

Pendant ce moment de répit relatif, émerge la personnalité vraisemblablement la plus influente de l’exil dans la sauvegarde spirituelle du peuple Juif. Il est difficile en effet d’imaginer quel aurait été le destin du peuple Juif, ashkénaze et sépharade confondus, à travers les générations à venir sans l’énorme travail de Rachi :

  • Parmi[5] les disciples de Rabbenu Gershom se trouvait Rabbi Jacob ben Yakar. Celui-ci devint à son tour le maître de Rabbi Salomon ben Isaac, connu sous le nom de Rashi, formé à partir des premières lettres de son nom hébreu. Rashi fut à la fois le reflet et le créateur du style de vie des Juifs ashkénazes. Né en 1040 dans une famille d’érudits, il grandit à Troyes. […]
  • Il voyagea jusqu’à Worms, au sud de Mayence, et devint élève dans la yeshiva de Rabbi Jacob ben Yakar. […]
  • Rashi passa de nombreuses années dans cette yeshiva de Worms puis revint à Troyes. […]
  • Il avait pour dessein d’établir, en la transcrivant, la tradition orale ainsi que les explications sur le texte apprises auparavant et de les enrichir des pensées de son cru. Il est resté le plus grand commentateur du Talmud, celui vers lequel on se tourne en premier lieu lorsque le texte présente une difficulté : un mot étrange, un passage dont le raisonnement tortueux est à peine perceptible en raison de phrases elliptiques qui le composent, un jeu de références complexe, des principes légaux obscurs et des contradictions apparentes.
  • Dans son commentaire de la Bible, on découvre le même désir de clarté. Mais il prend une autre forme et semble destiné à un autre public ; il s’adresse non plus à ces érudits penchés sur une page du Talmud pendant de longues heures, mais à l’homme du commun, cultivé, dont l’esprit est cependant moins discipliné dans l’étude, à l’artisan pressé par son travail, au marchand, tous plus intéressés, même s’ils sont des étudiants de Loi, par la vie des hommes de la Bible que par une explication des termes et préférant une leçon de morale à une étude de la structure du texte. […] Les commentaires de Rashi doivent leur originalité en grande partie aux explications philologiques. On y trouve moins souvent un commentaire original qu’une sélection méticuleuse des enseignements prodigués par les anthologies éditées par les soins des rabbins palestiniens de l’époque de Rabbi Judah le Prince. Cette sélection est faite judicieusement, elle a été dotée d’un style travaillé. Rashi choisit, dans la vaste littérature de la Midrash, ces histoires, ces valeurs, ces tournures de phrases qui, d’après lui, réfléchissent et renforcent à la fois les sentiments les plus profonds des Juifs de son temps.

Rashi

Le travail de Rashi, réellement commencé lors de cette génération, permettra au peuple Juif de survivre dans un monde nouveau qui rapidement dévoilera son hostilité. Il permettra de renforcer, la foi des Juifs de par le rôle que Dieu leur a donné auprès des nations :

  • Le travail[6] de Rachi n’avait par pour ambition de servir aux masses ignorantes ; une certaine familiarité avec le texte biblique et quelques-unes de ses difficultés sont nécessaires pour aborder son œuvre. Mais la communauté juive qui l’entourait n’était pas sophistiquée et elle se consacrait moins à l’interrogation et à la recherche philosophique que les communautés séfarades. Leur foi était simple et Rashi chercha à la renforcer par ses commentaires de la Bible. Israël est l’élu de Dieu car seule Israël a accepté le joug de la Torah. Les autres nations, elles, l’ont refusé. Rashi répète trois fois au cours de son commentaire ce point de vue talmudique sur l’élection. Israël est différent des autres nations, seul Israël étudie la Torah, préoccupation considérée comme la plus haute vertu. Israël est par conséquent la nation la plus proche de Dieu et celle qui Lui est la plus chère. La présence divine est au sein d’Israël même dans les pays de l’exil, et toutes seront rachetées au moment voulu, quand les Justes seront récompensés et les pécheurs punis. Dieu et Israël sont intimement liés par l’amour et la dépendance mutuelle ; il s’agit d’une union éternelle et mystique.

En l’absence d’événement politique majeur, il est naturel que le psaume de cette génération rende hommage à la contribution de Rashi largement initialisée lors de cette génération en en résumant le message :

  1. Psaume pour (sacrifice de) reconnaissance, Acclamez l’Éternel, toute la terre !
  2. Adorez l’Éternel avec joie, présentez-vous devant lui avec des chants d’allégresse.
  3. Reconnaissez que l’Éternel est Dieu : c’est Lui qui nous a créés ; nous sommes à Lui, son peuple, le troupeau dont II est le pasteur
  4. Entrez dans ses portes avec des actions de grâce, dans ses parvis, avec des louanges. Rendez-lui honneur, bénissez son nom.
  5. Car l’Éternel est bon, sa grâce est éternelle, sa bienveillance s’étend de génération en génération.
  • Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Ce passage du psaume de cette génération est ainsi illustré par l’activité de Rachi dans le monde ashkénaze. Il se trouve confirmé par l’activité dans le monde sépharade où la mention « chants d’allégresse » est encore plus justifiée par l’activité de poètes tel Ibn Gabirol qui composa de nombreux chants qui furent insérés dans la liturgie juive.

Ainsi, si dans la nouvelle Europe l’activité intellectuelle juive est en pleine effervescence, le monde sépharade, en l’occurrence l’Espagne musulmane, n’est pas en reste.

Une grande effervescence culturelle est à constater pendant cette période où en particulier deux grands penseurs vont largement contribuer à influencer la pensée juive des futures générations, y compris celle de ses futurs grands penseurs.

Pendant cette génération cohabitent en effet Bahya ibn Paquda, qui a écrit en 1040 « Les devoirs du cœur » et Salomon ibn Gabirol (1020-1058 voire 1070 pour certaines sources). Ce dernier bénéficie dans un premier temps de la protection de Yekoutiel ibn Hassan ou Al-Hassan, qui, à Saragosse, occupait un rôle prépondérant auprès du roi de Saragosse (Yahya ibn Mundhir). Après la chute de celui-ci en 1039 et quelques années d’errance, il quitte Saragosse pour trouver refuge à Grenade auprès de Samuel ibn Nagrela.

Dans l’Espagne musulmane, en attendant que la Reconquista chrétienne en vienne à bout, les communautés juives continuent de se développer avec succès. De nombreux Juifs réussissent à occuper des postes de première importance pouvant penser quelques fois que l’Espagne peut être une nouvelle terre promise.

Mais ces réussites ne font pas oublier que les Juifs sont encore en exil, et qu’ils restent des parias, que ce soit sous influence chrétienne ou sous influence musulmane.

Lorsqu’ils ont tendance à l’oublier, les événements le leur rappellent cruellement. C’est le cas en particulier pour le royaume de Grenade, où avec les Ibn Nagrela, les Juifs de ce royaume purent croire qu’ils pouvaient échapper à leur statut :

  • Le califat[7] umayyade s’éteignit en 1027 […]. Cordoue devint une république et elle perdit sa position centrale dans l’Espagne musulmane. Le pays fut, à nouveau, une mosaïque de petits royaumes. La culture et le commerce se déplacèrent vers les principautés berbères et arabes. On vit des courtisans juifs apparaître dans plusieurs de ces royaumes ; le plus célèbre d’entre eux fut Samuel ha-Nagid, rabbin spécialiste en matière de loi juive, qui s’enfuit de Cordoue pour entrer au service du petit royaume de Grenade comme vizir et commandant de l’armée, de 1030 jusqu’à sa mort en 1056 (1058 d’après Léon Poliakov). Les chercheurs contemporains le considèrent comme le premier grand poète juif espagnol. Sa poésie abonde en intrigues, trahisons, meurtres, guerres, rébellions. Il fut remplacé par son fils Joseph, homme ambitieux et vantard, qui fit les plans et dirigea la construction de l’Alhambra, il fut assassiné en 1066 […] par des musulmans jaloux.
  • […] À la suite de son assassinat, la communauté juive de Grenade fut massacrée. Les survivants se dispersèrent dans les autres villes. Ce fut la première persécution dont les Juifs eurent à souffrir dans l’Espagne musulmane.

La réussite des Juifs ne pouvait être acceptée par la réelle classe dirigeante :

  • La fortune[8] de cette famille juive (les Ibn Nagrela, véritable nom d’ha-Naguid et de son fils) suscita depuis longtemps le mécontentement des envieux, émule d’Ibn Hazm, le poète Abu Ishak d’Elvire s’exclamait :
    • « Le chef de ces singes a enrichi son hôtel d’incrustations de marbre ; il y a fait construire des fontaines d’où coule l’eau la plus pure, et pendant qu’il nous fait attendre à sa porte, il se moque de nous et de notre religion. Si je disais qu’il est aussi riche que vous, ô mon roi, je dirais la vérité. Ah hâtez-vous de l’égorger et de l’offrir en holocauste, sacrifiez-le, c’est un bélier gras ! N’épargnez pas d’avantage ses parents et ses alliés ; eux aussi ont amassé des trésors immenses… »
  • En 1066, au cours d’une brève insurrection populaire, Joseph ibn Nagrela fut crucifié par la foule déchaînée, et un grand nombre de Juifs furent assassinés ; il semble que les survivants durent quitter pour quelque temps Grenade.

La fin de Joseph est aussi évoquée par Graetz qui évoque également le ressentiment provoqué par la mort de Joseph au sein du monde arabe, qui montre bien que les pogroms en terre musulmane ne sont pas le fruit de la même haine que ceux qui animent ceux en terre chrétienne :

  • Ce prétexte[9] (pour se débarrasser de Joseph) fut fourni par l’incursion des soldats d’un souverain voisin, Almotassem, prince d’Almeria, qui venaient envahir Grenade. On répandit aussitôt le bruit que Joseph était vendu à Almotassem et qu’il avait promis à ce monarque de lui livrer le pays. Des Berbères, suivis de la plus vile populace, se précipitent un samedi soir vers le palais de Joseph, en forcent l’entrée, tuent le ministre juif et mettent le cadavre en croix hors de la porte de Grenade. C’est ainsi que mourut l’infortuné ministre, à l’âge de trente-cinq ans (9 Tebet = 30 décembre 1066). Ce premier crime surexcita la fureur de la populace, qui résolut d’exterminer tous les Juifs de Grenade. Plus de quinze cents familles trouvèrent ainsi la mort, et leurs maisons furent détruites. Parmi les quelques Juifs qui purent échapper au massacre et se réfugier à Lucena, se trouvaient la femme et le fils de Joseph. La bibliothèque de ce dernier fut en partie détruite, en partie vendue. La mort des martyrs de Grenade et du ministre juif produisit dans toute l’Espagne juive, une profonde et douloureuse impression. Même un poète arabe, Ibn Alfara, consacra une élégie à la malheureuse fin de Joseph. Dénoncé à la cour d’Almeria, où il vivait, pour les regrets qu’il avait exprimés sur la mort de Joseph, il fut hautement approuvé par le roi d’avoir eu la noblesse de pleurer un Juif mort, à une époque où tant de musulmans dénigrent leurs coreligionnaires vivants.
  • Les troubles de Grenade étaient le premier mouvement dirigé contre les Juifs, depuis que les musulmans dominaient en Espagne. Cette persécution semble avoir duré un certain temps, car les Juifs de tout le royaume furent contraints de vendre leurs immeubles et de s’expatrier. Heureusement, les souverains des divers royaumes de l’Espagne étaient jaloux les uns des autres, et quand les Juifs étaient persécutés par un de ces princes, ils recevaient un accueil bienveillant de l’autre. C’est ainsi que Joseph ibn Migasch Ier, expulsé de Grenade, fut nommé à un poste élevé par Almouthadid, roi de Séville, et qu’un autre prince, le roi Almouktadir Billah, de Saragosse, avait comme vizir un autre Juif, Abou Fadhl Hasdaï. Ce ministre (né vers 1040) était le fils du poète Joseph ibn Hasdaï, le rival d’Ibn Gabirol. Lui-même était également poète, mais il était aussi versé dans les sciences et s’occupait de musique et surtout de philosophie.
  • Peu de temps après la persécution de Grenade, mourut Ibn Gabirol. Dans ses dernières années, il s’était renfermé de plus en plus dans ses tristes pensées et sa sombre mélancolie. Ses dernières compositions sont des élégies sur la destinée cruelle des Juifs : Hélas ! S’écrie-t-il, l’esclave gouverne les fils de rois ! Depuis mille ans, Israël est exilé et ressemble à l’oiseau qui gémit dans le désert. Où est le grand-prêtre qui lui annonce enfin la délivrance ? — Nos années, dit-il encore, passent dans la misère et dans l’affliction nous attendons la lumière et nous sommes plongés dans les ténèbres et l’avilissement. Des esclaves sont nos maîtres. Après avoir erré dans bien des villes, il mourut à Valence en 1069 ou 1070, à peine âgé de cinquante ans. À en croire une légende, un poète arabe, jaloux de son talent, l’aurait tué et enterré sous un figuier. Cet arbre aurait alors produit des fruits en si grande abondance qu’il aurait attiré l’attention sur lui. C’est ainsi que le crime aurait été découvert.

Pendant cette génération, à Grenade, les Juifs furent victimes de la première tentative d’extermination. Cette tentative n’est malheureusement que la première de la troisième garde de la nuit.

La génération 100 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 133 du Deutéronome:

  1. Ce sera de même que l’Éternel s’est réjoui de vous prodiguer des bienfaits et vous multiplier, de même l’Éternel se réjouira contre vous pour vous faire périr et vous exterminer.

Paul David

[1] Jean Pierre Moisset : « Histoire du catholicisme ». Chapitre : « Une Église, deux cultures : Orient et Occident ». (p. 178-179)

[2] Suivant Jean Pierre Moisset : « Histoire du catholicisme ». Chapitre : « Une Église, deux cultures : Orient et Occident ». (p. 179-180)

[3] Suivant Jean Pierre Moisset : « Histoire du catholicisme ». Chapitre : « L’affirmation de la chrétienté latine». (p. 185)

[4] Bernhard Blumenkranz : « Juifs et Chrétiens dans le monde occidental, 430-1096 ». Chapitre : « Les Juifs dans la cité ». (p. 35)

[5] Chaïm Potok : « Une histoire du peuple Juif ». Chapitre : « Le Christianisme : perdus dans le pays enchanté ». (p. 474-476) (extraits)

[6] Chaïm Potok : « Une histoire du peuple Juif ». Chapitre : « Le Christianisme : perdus dans le pays enchanté ». (p. 478)

[7] Chaïm Potok : « Une histoire du peuple Juif ». Chapitre : « L’Islam : les rossignols dans la tempête de sable ». (p. 420-421)

[8] Léon Poliakov : « Histoire de l’antisémitisme : l’âge de la foi ». (p., 104)

[9] Henri Graetz : « HISTOIRE DES JUIFS / TROISIÈME PÉRIODE — LA DISPERSION ». Deuxième époque — La science et la poésie juive à leur apogée. Chapitre II – Fin du gaonat en Babylonie, aurore de la civilisation juive en Espagne (970-1070)