Résumé:

Cette génération est celle des années 1890 à 1910.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 141 associée au psaume 141. C’est dans ce psaume 141 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Cette génération commence par « Les pogroms de la Russie tsariste », qui sont un signe de l’avenir sombre des juifs en Europe.

La France est le pays des droits de l’homme. Les juifs depuis y vivent avec une citoyenneté entière. Cette génération marque « La fin de l’exception française » pour les Juifs. C’est en effet à cette génération que survint « l’affaire Dreyfus ».

La guerre de 1870 avait permit la naissance du IIème Reich allemand en garantissant une certaine paix par l’isolement de la France. Cette génération démontre « les limites du système Bysmarkien », ce qui annonce les conflits du 19ème siècle.

A cela s’ajoute pour les Juifs les menaces que sont le développement des « Théories raciales et de l’antisémitisme » à cette génération.

Toutes ces orientations néfastes pour le judaïsme européen sont contrebalancée partiellement par la naissance du « sionisme » à cette génération.

Développement:

Les pogroms de la Russie tsariste

Le capitalisme triomphe aux États Unis, la réussite extraordinaire de quelques-uns, théoriquement accessible à chacun fait accepter la pauvreté, voire la pauvreté extrême à la plupart. Le rêve américain continue toutefois à cette génération a attiré les déshérités d’Europe dont de nombreux Juifs fuyant l’antisémitisme en Europe.

Le capitalisme triomphe aux États Unis, la réussite extraordinaire de quelques-uns, théoriquement accessible à chacun fait accepter la pauvreté, voire la pauvreté extrême à la plupart. Le rêve américain continue toutefois à cette génération a attiré les déshérités d’Europe dont de nombreux Juifs fuyant l’antisémitisme en Europe.

En réaction au capitalisme triomphant, le socialisme a ses adeptes surtout en Europe. La 1re internationale, ou association internationale des travailleurs, n’a pas survécu à la répression de la Commune de Paris (en 1871) ni aux divergences entre partisans de Marx et partisans de Bakounine. Dissoute en 1876, elle est remplacée par la IIe internationale fondée en juillet 1889 lors du congrès de Paris.

En Russie, la fuite en avant du gouvernement Tsariste impose un antisémitisme d’état qui culmine à travers les pogroms de cette génération.

L’aggravation des troubles en Russie et la montée des nationalismes en Europe qui aura pour conséquence la mise en péril des Juifs d’Europe justifient la prière de David au début de ce psaume :

  1. Psaume de David. Éternel, je T’invoque, hâte-toi de me porter secours, prête l’oreille à ma voix, lorsque je T’invoque.
  2. Que ma prière soit considérée à tes yeux comme de l’encens, mes mains tendues – comme l’offrande du soir.

La prière de David sera partiellement entendue puisqu’une forte immigration se produit à cette génération mettant une partie des Juifs d’Europe à l’abri des catastrophes du vingtième siècle. Les pogroms en Russie et la montée de l’antisémitisme lié à la montée des nationalismes en Europe amplifient l’exode des juifs d’Europe initialisé à la génération précédente provoquant la tristesse de ceux qui restent. Ces derniers pourtant pour beaucoup auront leur descendance décimée lors de la Shoah alors que les exilés pour ceux qui auront décidé de quitter l’Europe mettront à l’abri leur descendance.

La population[1] juive de New York estimée a 60000 en 1870 passe à 1 100 000 en 1910. En 1906 (pogrom russe), 153 748 Juifs arrivèrent en Amérique, et plus d’un million entre 1900 et 1910.

La fin de l’exception française

La France faisait figure jusqu’à présent d’exception en Europe dans la politique envers les Juifs, pays des droits de l’homme depuis la révolution. Malgré cela contrairement à l’Allemagne où la conversion pouvait paraître comme un passage obligé vers la citoyenneté, les Juifs français qui ont tout loisir d’exercer librement leur culte l’abandonne de plus en plus comme le constate un grand rabbin de l’époque au début de cette génération. Pourtant moins sujet à l’antisémitisme qu’en terre allemande, les Juifs français avaient misé tout au long du XIXe siècle à un abandon complet de leurs racines pour une meilleure intégration.

Le retour à Sion comme seul issue pour le peuple Juif est évoqué par un sioniste américain en 1902 en réponse à une critique du sionisme par un rabbin américain :

  • Nous[2] sommes (les juifs) aujourd’hui 10 500 000 âmes, dispersées à travers l’univers entier […] Il y a en réalité, moins de 50 000 juifs dans le monde entier qui ne sont pas touchés par l’antisémitisme sous une forme ou sous une autre. […] Ce remède, ce ne peut être que d’un côté l’assimilation, de l’autre le sionisme.
  • Essayons de comprendre ce que l’assimilation signifie. Cela veut dire qu’un jour quelqu’un puisse écrire cette épitaphe : « A la mémoire d’une race dont la plus grande réalisation a été de mettre fin à son existence ». Après tout, nous ne croyons pas en cette ironie que deux mille ans de maintien de notre destinée puissent se résorber dans cette formule usée : « Rien dans sa vie n’a été plus beau que sa mort. » J’y insiste : si l’assimilation a un sens, c’est celui-là, sinon elle ne veut rien dire.
  • J’en arrive maintenant à l’idéologie sioniste si souvent mal comprise […] C’est le judaïsme de l’avenir […] Nous sommes comme un ballon de boomerang lancé par les mains de l’histoire, et en dépit de nos tournoiements nous revenons d’où nous sommes partis. Les larmes amères que nous avons versées lors de la destruction de Jérusalem il y a mille huit cent trente-deux ans brûlent encore le sang et la moelle du peuple juif.
Alfred_Dreyfus_(1859-1935)_-_photo_originale

C’est dans ce contexte que survient l’affaire Dreyfus.

À la veille de l’affaire Dreyfus, la France pays des droits de l’homme voit émerger un nouvel antisémitisme alimenté en particulier par Drumont, qui, surfant entre autres sur les rancœurs du scandale de Panama, profite de la liberté d’expression pour distiller un venin qui fera basculer la France dans la haine. Ce qui aura vraisemblablement une incidence sur l’arrivée des catastrophes du vingtième siècle en Europe.

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Bien que l’injustice envers Dreyfus sera corrigée en 1906, la France affaiblie ne pourra pas empêcher les événements de se précipiter tragiquement quelques années plus tard. Il est étonnant qu’aujourd’hui, sous couvert à nouveau de liberté d’expression, on laisse certains pseudos artistes prendre la relève de Drumont.

Les conditions de l’embrasement s’établissent donc avant qu’émerge l’affaire Dreyfus :

Il peut sembler[3] aujourd’hui étrange que l’affaire Dreyfus, qui met en cause l’honneur d’un seul homme, ait plus de retentissements dans le monde que tous les procès pour « meurtre rituel » en Allemagne ou en Autriche-Hongrie à la même époque. […] L’affaire Dreyfus, presque ignorée au début, devient très vite le centre d’une véritable guerre idéologique qui déchire non seulement la France entière, mais encore le reste du monde. Pendant dix ans les Juifs de tous les pays, et avec eux les démocrates, ont les yeux tournés vers la France. La grâce de Dreyfus, mais surtout sa réhabilitation (12 juillet 1906) spectaculaire, accompagnée de celle de Zola, font une nouvelle fois de la France, comme en 1791, une sorte de seconde patrie pour tous les Juifs de ce temps. […]

DREYFUS_réhab
  • Les causes générales de l’antisémitisme – xénophobie, jalousie professionnelle, etc. – sont également valables pour la France, et l’influence de l’antisémitisme allemand y est évidente. […]
  • Après 1870, la France, profondément meurtrie par la défaite, est animée d’un esprit chauvin et revanchard. Tout ce qui a trait au prestige de l’armée est intouchable. […]
  • Des implications financières jouent aussi un rôle important dans l’antisémitisme français à la fin du siècle. Grâce à la Banque Rothschild, la France a pu se libérer plus tôt que prévu du lourd tribut que l’Allemagne victorieuse lui a imposé. Mais les Rothschild rencontrent plus souvent l’envie que la reconnaissance. Leur fortune devient à la fois légendaire et détestable. […] Comme ailleurs en Europe, la place que prennent les Juifs dans le monde économique et culturel entraîne jalousie et hostilité. […]
  • En 1886, le journaliste Édouard Drumont publie « La France Juive » dont le slogan est : « Le Juif, voilà l’ennemi ». […] En 1892, dans son journal « La Libre Parole », il publie plusieurs articles insinuant que les officiers juifs sont capables de toutes les trahisons. Un officier juif, Arthur Mayer, relève la calomnie : il s’ensuit un duel entre Mayer et un ami de Drumont, au cours duquel Mayer est tué. Une grande indignation se manifeste dans le pays et la Chambre des députés est amenée à proclamer publiquement que l’antisémitisme est un crime contre la patrie. Qu’une pareille déclaration soit nécessaire cent ans après l’émancipation des Juifs prouve assez à quel point la propagande de Drumont a réussi à contaminer les esprits. C’est à ce moment précis qu’éclate une affaire d’espionnage.

L’affaire Dreyfus

Un[4] « bordereau » est retrouvé par des agents français à l’ambassade d’Allemagne à Paris. L’histoire démontrera que ce bordereau est l’œuvre du commandant Ferdinand Esterhazy qui a pour grand ami le lieutenant-colonel Henry.

Ce dernier, dans le sillage de la campagne de Drumont, estime à juste raison qu’un Juif serait le coupable idéal pour endosser la trahison de son ami.

C’est Alfred Dreyfus qui tombera dans le piège, le premier officier juif à avoir été nommé à l’État-major des armées. Lorsque les premières expertises peinent à démontrer la culpabilité de Dreyfus, il suscite une violente campagne de presse dans la « Libre Parole » de Drumont.

L’affaire Dreyfus débute.

Partout en France des manifestations violentes antisémites ont lieu, de nombreux mouvements et journaux à fort tirage antisémites se créent.

L’affaire Dreyfus put se résumer à :

  • L’essentiel[5] a été dit en deux mots pat Théodore Herzl, qui, en sa qualité de journaliste, avait assisté au procès et à la dégradation : « Ils ne hurlaient pas « A bas Dreyfus ! » mais « A bas les Juifs ! » »
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C’est bien l’affaire Dreyfus que le psalmiste évoque dans la suite du psaume de cette génération :

  1. Exerce, ô Éternel, Ta surveillance sur ma bouche, garde avec soin la porte de mes lèvres.
  2. Ne laisse mon cœur tendre à rien de mauvais, se livrer à des actes criminels, de concert avec des gens pratiquant l’iniquité. Puissé-je ne jamais goûter à leurs plats fins !
    • Dans l’affaire Dreyfus les actes criminels ont été pratiqués par d’autres aussi bien Dreyfus que les autres Juifs français ont toujours été fidèles à leur patrie d’adoption.
  3. Que le juste m’assène des coups, c’est une preuve d’amour ; qu’il me châtie, c’est comme de l’huile sur la tête, à laquelle ma tête ne se soustrait point : mais certes de façon constante ma prière s’élèvera contre leurs méchancetés.
    • Si Dreyfus avait été condamné injustement mais suite à des présomptions étayées, cela aurait pu être admis.
  4. Que leurs magistrats glissent sur les arêtes du rocher, on entendra alors combien douces sont mes paroles.
    • Mais dans le cas présent les juges avaient tous les éléments leur permettant d’innocenter Dreyfus et de condamner les vrais coupables. Mais afin d’éviter de ternir le prestige de l’armée ceux-ci ont préféré condamner Dreyfus et le colonel Picquart bien que ce dernier eût fait toute la lumière sur l’affaire. Or un juge doit juger en fonction des faits et non d’éventuelles conséquences que pourrait avoir le jugement.

C’est pourquoi le psalmiste est sévère envers les magistrats (« glissent sur l’arête du rocher ») car la responsabilité d’un magistrat est grande lorsqu’il condamne sciemment un innocent même si c’est pour un prétendu maintien de l’ordre établi.

D’ailleurs les précautions des juges ne permettront pas à la France d’éviter de rentrer dans la guerre de 14 avec le coût en vies humaines que l’on connaît. Voire, ils auront une responsabilité dans l’avènement des événements du vingtième siècle en favorisant les vielles forces rétrogrades de piloter l’armée et d’en interdire les forces vives nouvelles représentées par Dreyfus.

C’était d’ailleurs la mise en garde de Albert Clémenceau (avocat et frère de Georges Clémenceau), non entendue, envers les juges  au procès de Zola en 1898 :

  • Quoi[6] que vous décidiez, il n’en peut résulter de danger que si vous abandonnez vous-mêmes la cause de la loi de justice que vous représentez.
Clemenceau,_Albert

En Europe, après la guerre de 1870, cette génération semble être une génération de paix, en fait déjà se prépare les guerres mondiales du XXe siècle.

Les limites du système Bysmarkien

Les[7] victoires militaires de 1866 et 1870-1871 et la création d’un État unitaire hissèrent l’Allemagne au rang des grandes puissances. Celle-ci désormais, prit la place occupée jusque-là par la France en Europe Occidentale. En trois décennies, l’Allemagne parvient à devenir la deuxième puissance économique du monde et la première d’Europe.

Les conceptions de Bismarck en politique extérieure furent celles d’un conservateur de son temps, défenseur de l’ordre établi et méfiant à l’égard des mouvements révolutionnaires. Ce furent aussi celles d’un Européen qui ne s’intéressa qu’aux problèmes de l’Europe et qui se montra sceptique à l’égard des aventures coloniales ; ce furent celles, enfin, d’un pragmatique soucieux de maintenir la paix, une paix qui, à ses yeux, passait par l’isolement de la France afin d’éviter tout risque de revanche venant d’elle. […]

Dans l’ensemble, malgré des crises passagères et localisées, le système bismarckien permit à l’Europe de connaître vingt années de paix. Dès son avènement Guillaume II (1888-1918) se heurte à Bismarck, son chancelier, qui démissionne en 1890. Sa démission remet en cause l’équilibre des alliances en Europe ce qui aura pour conséquence la Première Guerre mondiale.

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Une des causes probables est le refus par Guillaume II de renouveler l’alliance avec les Russes ce qui poussa ces derniers à établir une alliance avec les Français. Une politique coloniale fut alors établie poussée entre autres par la ligue pangermaniste elle-même pilotée par la direction des entreprises Krupp. La nouvelle politique allemande post bismarckienne allait pousser également l’Angleterre à s’allier à la France préparant ainsi les conditions suffisantes au déclenchement de la Première Guerre mondiale.

C’est à Jérusalem que l’Allemagne scelle son destin :

  • La weltpolitik[8] (politique mondiale) de Guillaume II suscita peu à peu les craintes de l’Angleterre, surtout en 1898, lorsque l’empereur de passage à Jérusalem, alors possession ottomane, se déclara « l’ami du sultan et des cent millions de mahométans dispersés à travers le monde ».
Konia, Kleinasien.- Empfang des deutschen Botschafters Marschall von Bieberstein Der Botschafter u[nd] s[eine] Begleitung kamen, um die fertiggestellte erste Teilstrecke der Bagdadbahn, Konia-Karaman zu bestätigen. [Sommer 1904]
  • Ce voyage resserra les liens entre l’Allemagne et l’Empire ottoman. Il fut suivi de longues négociations qui, en 1903, aboutirent à la conclusion d’un accord de concession pour la construction d’une liaison ferroviaire reliant Constantinople à Bagdad, une voie ferrée de quatre mille kilomètres de longueur desservant la zone pétrolière de Mossoul, avec le droit d’exploiter les richesses minières sur vingt kilomètres de profondeur de part et d’autre du tracé de la ligne. L’affaire du Bagdad-Bahn, qui s’ajoutait au dynamisme des commerçants allemands dans tout l’Empire britannique, contribua largement à la dégradation des relations entre Londres et Berlin. […]
  • La dégradation des rapports anglo-allemands qui suivit l’affaire du Bagdad-Bahn facilita la réconciliation entre la France et le Royaume Uni et permit la réalisation de l’entente cordiale par l’accord du 8 avril 1904, qui s’ajoutait à la réconciliation franco-italienne de 1896. La France, alliée de la Russie depuis 1892 n’était plus isolée. Une Europe divisée en systèmes d’alliance rivaux se mettait en place, avec d’un côté les Empires centraux étroitement soudés, et ce qui devenait l’Entente avec la France et la Russie, l’une et l’autre réconciliées avec le Royaume-Uni.

Théories raciales et antisémitisme

L’antisémitisme se libère à cette génération :

  • Apparu[9] dans les années 1850-1870, l’antisémitisme moderne trouve son outil de propagande le plus efficace en 1903. Cette année-là, une série d’articles de presse rend compte de la découverte d’un étonnant procès-verbal. Lors d’une réunion secrète à Bâle, en 1897, les « Sages de Sion » ont décidé de passer à la phase finale de la domination juive sur le monde et à la destruction des fondements de la chrétienté.
  • De la finance internationale à la propagande socialiste, tous les modes d’action se valent pour ruiner la civilisation occidentale. La police russe a depuis longtemps fait de l’antisémitisme l’un des piliers du pouvoir tsariste ; ce texte est, en réalité, un faux rédigé par ses soins, reprenant de façon si grossière et si ridicule le mythe du complot juif qu’on a peine à croire que des chefs d’État et des intellectuels aient pu le prendre au sérieux. Il n’a pourtant jamais manqué d’éditeurs…

Aussi dans les théories raciales :

  • En 1898[10], Houston Stewart Chamberlain pose déjà les fondements pseudo-scientifiques du racisme dans un volumineux ouvrage, bientôt traduit en français sous le titre « La Genèse du XIXe siècle ». Il y expose que deux races se partagent l’histoire du monde depuis les origines de la civilisation : les « Aryens », qui détiennent toutes les vertus, et les « Sémites », qui ont tous les vices. Ceux-ci s’efforcent de lutter contre ceux-là. Leur influence dissolvante et perverse sape les fondements mêmes de la civilisation européenne.

Le piège se resserre autour des juifs d’Europe, malgré la paix apparente, ce sont bien les guerres du vingtième siècle qui s’annoncent avec pour les Juifs la Shoah lors de la Seconde Guerre mondiale elle-même conséquence de la Première Guerre mondiale.

C’est ce qu’exprime le psalmiste dans la suite du psaume de cette génération :

  1. De même que le laboureur creuse et entrouvre le sol, ainsi nos ossements gisent épars au bord de la tombe.
  2. Certes, vers toi, ô Dieu, mon Maître, se tournent mes yeux, en toi je mets mon attente, ne laisse pas s’écouler ma vie.

Sionisme

C’est à cette génération que naît le sionisme qui ne permettra pas de sauver la majorité des Juifs d’Europe mais permettrait de sauver le peuple Juif en tant que nation.

Les théories de Herzl ne faisaient pas l’unanimité parmi les communautés juives en particulier à Vienne, sa communauté d’origine.

Les exactions en Russie eurent pour conséquence une nouvelle vague d’immigration en Palestine :

  • Après la première aliyah (« montée ») vers la Palestine, la seconde vague se développa entre 1904 et 1914 : les conditions de vies insupportables en Russie y poussaient de nombreux Juifs, d’autres désiraient y jeter les bases d’une société idéale et utopique, d’autres encore étaient poussés par le désir de conjuguer principes socialistes et sionistes ou de vivre une vie juive sans contraintes.

Ainsi alors que le piège est en train de se mettre en place pour les Juifs d’Europe, le retour à Sion déjà largement initialisé avant le sionisme mais qui va s’amplifier avec celui-ci apporte les germes de la survie future du peuple juif.

C’est ce que conclut le psalmiste dans le psaume de cette génération :

  1. Protège-moi contre le piège qu’ils m’ont dressé, contre les embûches des artisans d’iniquité.
  2. Que les impies tombent dans leurs propres filets, tandis que moi je passe outre, demeurant sain et sauf.
  • Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

La malaria ne décourage pas les Juifs à transformer leur terre ancestrale en verger. Le remède est trouvé à cette génération :

  • Moïse Smilansky[11], venue de Russie a seize ans en 1890, dépeint les jeunes idéalistes qui tombent comme des mouches :
  • Il y a une catégorie spéciale d’immigrants. […] (ils sont attirés vers Israël) peut-être par quelque chose de grand, quelque chose de doux, qui n’a de doux, qui n’as pas de nom… Idéalistes, c’est ainsi que dans le pays, on les appelait avec un sourire. Je les reconnaissais à la pureté, à la douceur de leur visage ; à l’éclat et à la chaleur de leurs yeux brillants ; et à l’expression de foi sur leur visage, dans leurs yeux, dans tous leurs gestes. C’étaient en général presque des enfants, des adolescents. D’habitude, ils ne s’attardaient pas à Jaffa. Ils allaient simplement au bureau du comité pour voir Tiomkin, pour le voir. Puis, cela fait, ils s’en allaient vers les villages. Ils n’en partaient que pour être amenés en voiture à l’hôpital ou au cimetière.
  • […]
  • Le docteur Hillel Yaffé (1864-1936) va être un lutteur acharné contre le fléau (la malaria). Né en Ukraine, où il se rapproche des cercles de Hovevé Tsion (« Les amants de Sion »), il part en Palestine en 1891, après avoir terminé ses études de médecine à Genève. À Haïfa d’abord, puis à Tibériade, il découvre tous les méfaits de la malaria. […] C’est à ses conseils qu’on doit les plantations d’eucalyptus. Leurs racines pompent l’eau des marais et contribuent à leur assèchement, tandis que leurs feuilles dégagent des odeurs salutaires.

Pendant cette génération, la fondation du KKL permet aux Juifs d’acquérir de nombreuses terres en terre d’Israël aux Arabes qui leur vendent à prix d’or des terres en apparence inutilisables :

  • Fondé[12] au congrès sioniste de 1901, d’après les projets du docteur Herman Schapira, le Fonds national juif, ou Keren Kayemet le-Israël (par abréviation KKL), devient un instrument de plus en plus efficace pour centraliser toute la politique agricole, ou plus exactement la politique du sol en Palestine.
  • Son premier objectif est d’acquérir des terres, […] à discuter avec les Arabes pour obtenir d’eux, arpent par arpent, qu’ils acceptent de vendre aux Juifs certaines terres, absolument inexploitées et, à leurs yeux, inexploitables.

Avant[13] le KKL, les juifs ont acquis ainsi de nombreux terrains considérés comme incultes aux Arabes. Ainsi des Juifs Russes, en 1882, choisissent un terrain au sud-est de Jaffa, qu’ils achètent via un prête-nom, notable et sujet ottoman, afin de contourner les interdictions turques. Le nom de Rishon – le-Tsion est choisi pour ce nouveau village fondé par une dizaine de pionniers, car c’est le premier, « rishon », à être fondé en Erets Israël par des Juifs venus d’Europe. Ils essaient en vain de cultiver cette terre. Edmond de Rothschild qui essaie d’aider financièrement les pionniers, leur envoie deux experts agricoles venant de France. Leur première visite les consterne : le sol paraît impropre à toute culture. Puis ils découvrent par hasard un plant de vigne que les pionniers avaient planté par jeu ; celui-ci est épanoui et prospère. Pour ces experts, la vigne est une richesse familière, ils affirment aux pionniers et au baron Edmond que la vigne peut les sauver. Et, en effet, Rishon-le-Tsion se monte peu à peu en station vinicole importante. De grandes caves sont aménagées, d’autres experts sont envoyés de France et améliorent les crus par des boutures et des replants de vignobles français du Bordelais. L’avenir de Rishon-le-Tsion est assuré.

Ainsi en 1887[14], les célèbres cépages bordelais comme le Cabernet Sauvignon, Malbec et Cabernet Franc sont implantés à Rishon-le-Tsion. Parmi les experts envoyés par le Baron Edmond de Rothschild, figurait celui du vignoble Château Laffitte. Cependant la nature avait d’autres vues. Au milieu des années 1890 les nouveaux vignobles israéliens ont été touchés, comme les vignobles français, par le phylloxéra, un puceron ravageur de la vigne qui dévastât les vignobles du monde à cette époque dont les nouveaux vignobles de Rishon-le-Tsion et ceux de Zichron Yaacov. Toutes les vignes ont été arrachées et remplacées par la suite par des boutures résistantes en provenance d’Inde et par des variétés de vignes du sud de la France considérées comme plus appropriées au climat de la terre d’Israël.

La génération 141 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 111 du Deutéronome:

  1. Tu planteras des vignes et tu y travailleras mais tu ne boiras pas de vin, et tu n’amasseras pas car la vermine les mangera.

Paul David

[1] Voir : Riccardo Calimani : « L’Errance juive ». (p. 493 et 495)

[2] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 600 à 602). Citation d’un article de Jacob de Haas publié en 1902.

[3] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 457,459)

[4] D’après Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 459,460)

[5] Léon Poliakov : « Histoire de l’antisémitisme : 2 – l’âge de la science ». (p. 299)

[6] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». Extrait de la plaidoirie de Georges 1898. (p. 473).

[7] D’après : Henry Bogdan : « Histoire de l’Allemagne, de la Germanie à nos jours ». (p. 325, 327 à 331)

[8] Henry Bogdan : « Histoire de l’Allemagne, de la Germanie à nos jours ». (p. 331, 332)

[9] (Sous la direction scientifique de) Théodore Zeldin : « L’histoire du monde, de 1789 à 1918 ». Chapitre : « La naissance du sionisme ». (p. 403)

[10] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 431,432)

[11] Renée Neher-Bernheim : « La vie juive en Terre sainte , 1517-1918 ». (p. 238-239).

[12] Renée Neher-Bernheim : « La vie juive en Terre sainte, 1517-1918 ». (p. 260-261).

[13] D’après : Renée Neher-Bernheim : « La vie juive en Terre sainte, 1517-1918 ». (p. 237-238).

[14] D’après le site web : www.wines-israel.co.il