Emmanuel Macron vient hier (15 mai 2017) de se faire adouber par la Chancelière allemande Angela Merkel, ayant juste pris le temps auparavant de nommer son Premier ministre. Comme lui, Hollande et Sarkozy avaient également rencontré la chancelière dès leur élection en 2012 et 2007. C’est Jaques Chirac qui avait initialisé ce « sacrement » en 1998 en rencontrant dès son élection le chancelier Kohl. Les présidents antérieurs De Gaulle, Pompidou et Valéry Giscard D’Estaing ont tous tenu à rencontrer dès leur élection leur homologue allemand avant toute autre rencontre internationale.
L’Allemagne est considérée comme la première puissance européenne et les autres pays européens dont la France doivent faire allégeance.
Quand l’Espagne décida de l’expulsion des Juifs en 1492, la découverte de l’Amérique a pu faire croire que cette décision avait apporté la bénédiction divine sur celle-ci et le Portugal.
Cette bénédiction ne fut qu’illusoire, car assez rapidement l’Espagne et le Portugal déclinèrent au profit des puissances du nord qui elles avaient ouvert leurs portes aux Juifs.
Pour l’Allemagne, beaucoup pourraient également penser, au regard de sa puissance actuelle, que l’extermination des Juifs lui a apporté un équivalent de bénédiction divine. Mais celle-ci est aussi illusoire que celle perçue par l’Espagne de l’Inquisition.
C’est la France, pays des droits de l’homme, qui aurait dû être la puissance de référence en Europe. Ce qui aurait vraisemblablement évité les drames du XXe siècle.
Napoléon n’a pas su gérer ses victoires, et après la défaite de Waterloo, le congrès de Vienne redessine l’Europe. Les vainqueurs, dont l’Angleterre y œuvrent pour éviter une nouvelle hégémonie de la France en Europe ce qui profite à la Prusse qui tout au long du dix-neuvième siècle va accroître son influence jusqu’à la victoire de 1870 qui permet la réunification de l’Allemagne et la naissance du IIe Reich en 1871.
Le vingtième siècle débute par la Première Guerre mondiale qui appauvrit la France, les sanctions contre l’Allemagne qui n’a pas subi la guerre sur son territoire, sont illusoires et ne l’empêcheront pas de se reconstituer une puissance militaire et de déclencher la Seconde Guerre mondiale :
- Le putsch[1] hitlérien manqué de novembre 1923 marquait la fin des agitations violentes. Jusqu’en 1933, il n’y eut plus de soulèvements ni de pronunciamientos. Pour la République-pas-de-chance (la République de Weimar), commençaient quelques brèves années de bonheur.
- Ce fut un bonheur relatif, sur fond de ruines, et bâti sur l’emprunt. Les ruines d’abord. Pas tant sur le plan matériel : rien de comparable à ce qui se passera pendant la Seconde Guerre mondiale. Nulle part, entre 1914 et 1918, le territoire allemand n’avait servi de champ de bataille et les attaques aériennes furent sans importance réelle. C’étaient les citoyens qui avaient été ruinés, et avant tout les « bons citoyens », ceux qui avaient souscrit aux emprunts de guerre et dont à présent l’argent prêté à la patrie ne valait plus rien. Cela nous paraît très simple aujourd’hui, à nous qui savons que quelqu’un doit payer les frais largement improductifs de la guerre, mais les victimes, à l’époque, ne le savaient pas encore. Les dirigeants français le comprirent, eux, qui pensèrent qu’il serait possible de « faire payer le boche ». En fait, on n’avait aucune idée de ce qu’on pouvait réellement prélever sur l’économie allemande sans l’empêcher de tourner, et la fixation des montants des réparations, sans cesse remise en chantier dans un sens toujours moins défavorable à l’Allemagne, dura presque aussi longtemps que la République elle-même, du plan Dawes au plan Young et jusqu’à l’accord de Lausanne où von Papen obtint en 1932 la fin des réparations contre un versement ultime de trois milliards de RM que, bien sûr, Hitler ne paya jamais…
L’Allemagne n’a pas été aussi meurtrie qu’on pourrait le penser pendant la Première Guerre mondiale, elle dispose à la veille de la crise de 1929 d’une industrie forte grâce en particulier aux investissements étrangers, surtout américains et au fait que l’industrie n’a pas réellement souffert de la Première Guerre mondiale. Les États-Unis ne veulent pas non plus d’une France forte après la Première Guerre mondiale et leur soutien à l’Allemagne va dans ce sens.
La crise de 1929 amène Hitler au pouvoir, il relance l’économie allemande. Mais le pseudo-miracle allemand d’avant-guerre est du d’une part à l’épuisement des effets de la crise de 1929 et à une économie financée par l’effort de la guerre à venir.
De fait, l’Allemagne construit son économie en s’allouant par avance les futures prises de guerre, c’est donc par anticipation sur le dos de l’Europe qui va être mise à genoux que l’économie allemande se construit avant guerre :
- Hitler[2] veillait à ce que le peuple,sans développer exagérément sa consommation, eût l’impression de participer à une progression continue de la richesse et de la puissance de l’Allemagne. En fait, sur le plan économique, l’État mobilisait pour ses buts inavoués l’épargne des particuliers et les investissements des industriels. On finançait le plein-emploi et le réarmement par une inflation différée ; un jour la vérité éclaterait – ou bien il faudrait alors modifier en profondeur les données du jeu, c’est-à-dire se résoudre à la guerre.
- Schacht (ministre de l’économie depuis 1934), sûr de lui et orgueilleux, voulait rester le maître de celui-ci et adapter aux progrès de l’économie le rythme du réarmement. Le conflit était programmé : en 1939, le grand technicien donna sa démission. Seuls devaient compter dorénavant les besoins des forces armées. Il devenait évident que tous ces efforts visaient la guerre, qu’Hitler voulait la guerre et que la guerre devait rapporter ce qu’il fallait pour résorber l’inflation cachée et pour se financer elle-même.
L’Allemagne est vaincue.
Au vu de la ruine qui s’abattit sur le monde pendant la Seconde Guerre mondiale, on aurait pu penser, au vu de la lourdeur des crimes commis, que le monde réserverait le même sort à l’Allemagne vaincue que celui que Rome infligea à Carthage.
Il n’en fut rien.
Comme pour la Première Guerre mondiale, si la population a payé un certain prix, moindre que d’autres pays européens, alors que l’économie des pays victorieux – en particulier France et Angleterre – est plus que précaire, l’économie allemande n’a pas réellement souffert :
- En fait[3], la substance (en Allemagne) était moins atteinte qu’il n’y paraissait. La population beaucoup moins amoindrie qu’au lendemain de la précédente catastrophe nationale, la guerre de Trente Ans. Les prisonniers de guerre, en dépit de terribles hémorragies en URSS et en Yougoslavie, et de pertes sensibles en France, revinrent plus vite et plus nombreux qu’on ne l’avait craint au départ. À l’exception de quelques dizaines de milliers de « criminels de guerre » condamnés, dont les survivants durent attendre le voyage d’Adenauer à Moscou en 1955, le retour était pratiquement achevé à la fin de 1948. Délais longs pour les hommes et les femmes concernés et brefs pour l’histoire. Il s’avéra également que la guerre des bombes, la seule véritable dévastatrice, avait été plus cruelle pour les logements et leurs occupants que pour les usines et leurs machines.
Ainsi l’Allemagne peut se reconstruire après-guerre en construisant son économie sur les acquis d’avant-guerre qui ont subsisté malgré la guerre et que l’Europe a payés contre son gré en supportant la guerre nazie.
Alors que pour arriver à ce résultat, le judaïsme européen a quasiment disparu, le monde entier a salué la réunification de Berlin, capitale du nazisme alors que ce même monde ne cesse d’œuvrer pour la division de Jérusalem capitale de l’État Juif qui n’a pourtant, malgré les procès récurrents qui lui sont faits, n’a jamais refusé l’existence de l’autre.
Si le monde a applaudi à la réunification de Berlin, qui fut la capitale du mal, il se doit d’applaudir encore plus fort la réunification inéluctable de Jérusalem, capitale du bien, capitale éternelle de l’État Juif.
Paul David
[1] Joseph Rovan : « Histoire de l’Allemagne ». Chapitre : « La république de Weimar ». (p. 619,620)
[2] Joseph Rovan : « Histoire de l’Allemagne ». Chapitre : « Le Reich d’Adolf Hitler ». (p. 674/675)
[3] Joseph Rovan : « Histoire de l’Allemagne ». Chapitre : « L’Allemagne depuis la Seconde guerre mondiale ». (p. 769/770)