Résumé:

Cette génération est celle des années 110 avant JC à 90 avant JC.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 42 associée au psaume 42. C’est dans ce psaume 42 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Cette génération couvre la fin de règne de Jean Hyrcan, le court règne d’Aristobule 1er, fils de Jean Hyrcan, et le début de celui d’Alexandre Jannée, fils de Jean Hyrcan et frère d’Aristobule 1er.

Jusqu’à cette génération, le pouvoir politique et le pouvoir religieux ont toujours été séparés. Cette génération marque une rupture en ce sens.

Aristobule, qui était l’aîné des enfants d’Hyrcan et qui fut surnommé Philellès, c’est-à-dire amateur des Grecs, change en royaume la principauté des Juifs, et est ainsi le premier qui se fit couronner roi. Aristobule appartient à la dynastie Hasmonéenne, dont le fondateur est Mattathias, le premier à se révolter contre les grecs. Mattathias un aussi un prêtre de la lignée sacerdotale, ce dont hérite Aristobule.

Le seul cas « litigieux » auparavant était le couple Moïse/Aaron. Moïse avait le pouvoir politique, Aaron avait le pouvoir religieux, les deux étaient frères. Ce qui provoqua alors la révolte de Coré. Mais Dieu jugea que Moïse, au moment de la contestation, avait malgré tout préservé l’équilibre entre les pouvoirs.

C’est pourquoi lorsque Coré se présente à Moïse pour la contestation, la décision divine lui est défavorable et que la terre le dévore lui et ceux qui l’accompagnaient dans la contestation. Toutefois, la plainte a été entendue par Dieu et celui-ci reste vigilent sur la façon dont Moïse et Aaron gèrent leur pouvoir respectif. Ainsi leur gestion de la crise des eaux de Mériba leur sera fatale.

Si Coré n’a pas pu éviter la mort lors de sa rébellion contre Aaron et Moïse, ses descendants ont été épargnés et occupent une place privilégiée dans l’histoire du peuple d’Israël. Les descendants de Coré, « les fils de Coré », faisaient partie des premiers ralliés à la cause de David, lorsque celui-ci essayait de résister à Saül.

Il est logique, que par esprit de justice envers Coré, leur ancêtre, David ait laissé la parole à ses fils pour cette génération qui marque la concrétisation des craintes soulevées alors par Coré, auprès de Moïse, sur le cumul des pouvoirs politiques et religieux.

Puisque cela se réalise à cette génération, ce sont « les fils de Coré » qui relaient David dans l’écriture des psaumes. Le psaume de cette génération (psaume 42) jusqu’au psaume 49, le psaume associé à la génération 49. La dernière génération en présence du Temple, la dernière où les prêtres ont un pouvoir, la dernière ou le cumul des pouvoirs politique et religieux a encore un sens. Ce psaume 42 initialise aussi le deuxième livre des psaumes.

Pour en revenir à la génération proprement dite, Aristobule qui avait tous les honneurs de la prêtrise dévie en se proclamant roi. Cela l’entraîne à tuer son propre frère, puis l’emmene lui-même à la mort dans une juste action de repentir.

Son successeur, Alexandre Jannée prend alors le pouvoir. Aristobule, dans son court règne avait, par son action militaire, permis de consolider les frontières de la Judée. Alexandre Jannée continue dans cette voie entraînant l’intervention de forces étrangères et en particulier Cléopâtre qui dirigeait l’Égypte, et Ptolémée, réfugié à Chypre, qui avait été chassé d’Égypte par Cléopâtre. Ptolémée se retourne contre la Judée et la dévaste. Les batailles engagées par Alexandre Jannée, du fait de ses choix politiques hasardeux, se révélèrent meurtrières pour les Juifs.

Développement:

Les deux pouvoirs

Cette génération couvre la fin de règne de Jean Hyrcan (134 à 104 avant JC), le court règne d’Aristobule 1er (104 à 103 avant JC), fils de Jean Hyrcan, et le début de celui d’Alexandre Jannée (103 à 76 avant JC), fils de Jean Hyrcan et frère d’Aristobule 1er.

Avant de replacer le psaume proprement dit par rapport à sa génération, il faut tout d’abord s’intéresser au titre de celui-ci.

Nous sommes au début du deuxième livre des psaumes qui marque donc une rupture avec la première série de psaume, et ce psaume est le premier attribué à un auteur autre que David lui-même. Celui-ci est en effet « signé » des fils de Coré. Nous allons tout d’abord rappeler qui était Coré et essayer de comprendre pourquoi il intervient dans ce psaume.

La contestation de Coré

Coré est celui qui organisa la rébellion contre Moïse et Aaron contestant que tous les pouvoirs leur soient acquis :

  • Coré[1], fils de Yiçhar, fils de Kehath, fils de Lévi, forma un parti avec Dathan et Abiram, fils d’Eliab, et On, fils de Péleth, descendants de Ruben. Ils s’avancèrent devant Moïse avec deux cent cinquante des enfants d’Israël, princes de la communauté, membres des réunions, personnages notables ; et, s’étant attroupés autour de Moïse et d’Aaron, ils leur dirent : « C’en est trop de votre part ! Toute la communauté, oui, tous sont des saints, et au milieu d’eux est le Seigneur ; pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l’assemblée du Seigneur ? »

Moïse et Aaron cumulaient à eux deux les deux pouvoirs, le pouvoir politique (Moïse) et le pouvoir religieux (Aaron). La revendication de Coré pouvait être appuyée par l’épisode du veau d’or où Aaron ne sut pas[2] épargner son peuple de la faute mais qui de plus accabla ce dernier au lieu de le défendre comme l’avait fait Moïse auprès de Dieu.

Toutefois, fort de sa conduite irréprochable, Moïse n’hésita pas à se mettre dans la balance pour épargner son peuple de la vengeance divine. Malgré les liens de fraternité avec Aaron, il préserva  l’équilibre du couple des pouvoirs.

Les eaux de Mériba

C’est pourquoi lorsque Coré se présente à Moïse pour la contestation, la décision divine lui est défavorable et que la terre le dévore lui et ceux qui l’accompagnaient dans la contestation. Toutefois, la plainte a été entendue par Dieu et celui-ci reste vigilent sur la façon dont Moïse et Aaron gèrent leur pouvoir respectif. Ainsi leur gestion de la crise des eaux de Mériba leur sera fatale. Rappelons l’origine de celle-ci :

  • Les enfants[3] d’Israël, toute la communauté, arrivèrent au désert de Cin, dans le premier mois, et le peuple s’arrêta à Cadès. Miriam mourut en ce lieu et y fut ensevelie. Or, la communauté manqua d’eau, et ils s’ameutèrent contre Moïse et Aaron : et le peuple chercha querelle à Moïse, et ils parlèrent ainsi : « Ah que ne sommes-nous morts quand sont morts nos frères devant l’Éternel ! Et pourquoi avez-vous conduit le peuple de Dieu dans ce désert, pour y périr, nous et notre bétail ? Et pourquoi nous avez-vous fait quitter l’Égypte pour nous amener en ce méchant pays, qui n’est pas un pays de culture, où il n’y a ni figuier, ni vignes, ni grenadiers, ni eau à boire ! » Moïse et Aaron, assaillis par la multitude, se dirigèrent vers l’entrée de la Tente d’assignation et se jetèrent sur leur face ; et la majesté divine leur apparut.

Moïse et Aaron s’écartent alors des recommandations divines :

  • Et l’Éternel[4] parla ainsi à Moïse : « Prends la verge et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aaron ton frère, et dites au rocher, en leur présence, de donner ses eaux : tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail. » Moïse prit la verge de devant l’Éternel, comme il le lui avait ordonné. Puis Moïse et Aaron convoquèrent l’assemblée devant le rocher, et il leur dit : « Écoutez, ô rebelles ! Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l’eau pour vous ? » Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois ; il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent.

Lorsque Moïse agit seul (il prend la verge), il agit suivant la volonté divine, mais dès qu’il s’associe à Aaron il ne la respecte plus.

Moïse et Aaron, sous le coup du deuil de Miriam, ne s’occupent plus du peuple et le laissent mourir de soif. Lorsque celui-ci vient se rappeler au bon souvenir de Moïse et Aaron, ceux-ci, au lieu de prendre la défense de ce dernier comme Moïse l’avait fait seul, lors du péché du veau d’or, au contraire l’accablent (le peuple est traité de « rebelles ») comme Aaron l’avait fait lors du même événement du veau d’or.

Moïse en oublie sa mission de sanctifier le nom de Dieu, comme cela aurait suffi pour répondre aux demandes du peuple, et en exprimant sa colère agit dans le sens contraire de cette sanctification demandée. Le rocher est le symbole de l’attachement de Dieu à son peuple, c’est ce rocher, surtout lorsqu’il est associé à l’eau qui permet au peuple d’Israël de s’extirper du monde réel vers le divin.

Moïse sous le coup de l’émotion, partagée avec Aaron, par deux fois transforme ce rocher en instrument de punition pour le peuple d’Israël. Une première fois, lorsqu’il demande à la terre d’engloutir Coré et les autres protestataires, et cette fois lorsqu’il frappe le rocher pour sanctionner la rébellion des eaux de Mériba.

Malheureusement, par cela, il s’attire la colère divine. Car, si Dieu n’avait d’autre choix que d’engloutir Coré et les autres protestataires, la revendication de ces derniers a bien été enregistrée. D’ailleurs, lors de la mort de Coré, les encensoirs de ces derniers devinrent saints[5] et furent associés à l’autel montrant ainsi que si la mort de ces derniers était méritée, Dieu n’avait pas été sourd à leur demande.

Sur les eaux de Mériba, Moïse et Aaron venaient de prouver que les deux pouvoirs, « politique » et « religieux », ne pouvaient être mis dans la même main. Ce qui inclut également le cas de figure particulier de Moïse et Aaron qui étaient frères et qui ainsi avaient nécessairement une communauté d’intérêt.

La sanction divine fut toute d’abord la mort d’Aaron quasiment dans la continuité de l’affaire de Meriba[6]. C’est Éléazar, son fils qui prit la suite du sacerdoce. Cela n’effaça toutefois pas complètement la parenté entre Moïse et le grand prêtre. La seule solution, était alors également la mort, ou tout du moins le remplacement de Moïse à la tête de son peuple puisque la prêtrise avait été promise à la lignée d’Aaron. C’est ainsi que c’est Josué qui prend la relève de Moïse.

Lorsque le passage de flambeau s’effectue, Moïse rappelle que c’est bien suite aux événements de Meriba, que ce passage est devenu obligatoire :

  • Contre[7] moi (c’est Moïse qui s’exprime) aussi l’Éternel s’irrita à cause de vous, au point de dire : « Tu n’y entreras pas, toi non plus ! » Josué, fils de Noun, qui est à ton service, c’est lui qui doit y entrer : affermis son courage, car c’est lui qui en donnera possession à Israël.

La séparation des pouvoirs

Par la suite, jusqu’à l’époque qui nous intéresse, le pouvoir politique et le pouvoir religieux aura toujours été séparé :

  • Josué avait le pouvoir politique pendant qu’Éléazar s’occupait du divin,
  • Lors de la conquête de la terre d’Israël, les « juges » se succèdent à la tête du peuple d’Israël pendant que le pouvoir religieux se concentre à Silo en dehors des intrigues de pouvoir,
  • Le premier roi d’Israël, Saül, est associé à Samuel qui prend en charge la dimension religieuse,
  • Son successeur, David, est associé à son tour à Nathan qui ne manque pas de lui rappeler ses devoirs,
  • Salomon est associé à Azaryahou qui assure la charge de grand prêtre,

Et ainsi de suite jusqu’à la destruction du premier Temple.

Lors du retour en terre d’Israël, de nouveau la charge pontificale fut indépendante de la charge gouvernementale. Lors de l’arrivée de la dynastie des Maccabées, la séparation des pouvoirs était moins nette, mais jusqu’à la génération qui nous intéresse aucun des successeurs de Mattathias n’avait osé se proclamer roi évitant ainsi le cumul officiel des pouvoirs sacerdotaux et royaux.

Cet équilibre des pouvoirs est rompu lors de la génération qui nous intéresse – qui est celle qui est associée au premier psaume du deuxième livre des psaumes – par Aristobule qui se fait couronner roi. Ainsi, un descendant d’Aaron, de la lignée des grands prêtres prend officiellement le pouvoir politique en Israël venant ainsi justifier quelques siècles plus tard les craintes émises par Coré:

Aristobulus-I
  • Aristobule[8], qui était l’aîné des enfants d’Hyrcan et qui fut surnommé Philellès, c’est-à-dire amateur des Grecs, changea en royaume après la mort de son père la principauté des Juifs, et fut ainsi le premier qui se fit couronner roi. Ce qui arriva quatre cent quatre-vingt-un ans depuis le retour des Juifs en leur pays après qu’ils furent affranchis de la captivité des Babyloniens.

Les fils de Coré

Mais si Coré n’a pas pu éviter la mort lors de sa rébellion contre Aaron et Moïse, ses descendants ont été épargnés et occupent une place privilégiée dans l’histoire du peuple d’Israël :

  • Mais[9] la terre ouvrit son sein et les (Le passage cite les descendants de Ruben dont Dathan et Abiram dont on rappelle le sort) engloutit avec Coré, pendant que périssait le reste du parti, que le feu consumait les deux cent cinquante hommes, frappés pour l’exemple. Quant aux fils de Coré, ils ne périrent point.

Puis :

  • Voici[10] les familles issues de Lévi : la famille des Libnites, la famille des Hébronites, celle des Mahlites, celle des Mouchites, celle des Coréites.

Les descendants de Coré, les fils de Coré, faisaient partie des premiers ralliés à la cause de David, lorsque celui-ci essayait de résister à Saül:

  • Voici[11] ceux qui vinrent auprès de David, à Tsiklag, lorsqu’il se cachait encore pour échapper à Saül, fils de Kich. Ils faisaient partie des vaillants guerriers, ses compagnons de lutte, maniaient l’arc, lançaient des pierres de la main droite et de la main gauche, et des flèches avec leurs arcs. Parmi les parents de Saül, issus de Benjamin, il y avait : le chef Ahiézer et Joas, fils de Hachemaa, de Ghibea ; Yeziël et Péleth, fils de Azmavet ; Berakha, Yêhou, d’Anatot ; Yichmaïa, de Gabaon, vaillant parmi les Trente, et chef des trente ; Jérémie, Yhaziël, Johanan, Jozabad, de Ghedhêra ; Elouzaï, Yerimot, Bealia, Chemariahou, Chefatiahou, de Harouf ; Elkana, Yichiahou, Azarel, Yoézer, Yachobam, les Korahites (ou Coréites).

Il est également logique, que par esprit de justice envers Coré, leur ancêtre, David ait laissé la parole à ses fils pour cette génération qui marque la concrétisation des craintes soulevées par celui-ci auprès de Moïse.

Cette délégation de David, dans le récit des générations du peuple d’Israël est d’autant plus légitime, que les fils de Coré ont une tradition de chantre :

  • Voici[12] ceux que David préposa au service musical du Temple de l’Éternel, quand l’arche eut un emplacement fixe. Ils s’acquittèrent de ce service musical devant le tabernacle de la Tente d’assignation jusqu’à la construction, par Salomon, du Temple de l’Éternel à Jérusalem. Ils remplissaient leur fonction selon le règlement établi. Tels furent donc ces préposés, avec leurs fils : Des Kéhatites : Hêman, le chantre, fils de Joël, fils de Samuel, fils d’Elkana, fils de Yeroham, fils d’Eliël, fils de Toah, fils de Couf, fils d’Elkana, fils de Mahat, fils d’Amassaï, fils d’Elkana, fils de Joël, fils d’Azaria, fils de Cefania, fils de Tahath, fils d’Assir, fils d’Ebiassaf, fils de Coré (celui qui s’est révolté) fils de Yiçhar, fils de Kehath, fils de Lévi, fils d’Israël.

Nous les retrouvons également, comme chantres lors du règne de Josaphat :

  • Josaphat[13] s’inclina, la face contre terre ; de même tout Juda et les habitants de Jérusalem plièrent le genou et se prosternèrent devant l’Éternel. Et les Lévites, se rattachant aux fils de Kehath et aux fils de Coré, se levèrent pour glorifier l’Éternel, Dieu d’Israël, en chantant de toutes leurs forces.

Les psaumes des fils de Coré

L’ensemble de ces faits permet de justifier l’intervention des fils de Coré dans le récit des générations du peuple d’Israël et la mention spécifique de ce psaume : « Au Chef des chantres. Maskîl. Par les fils de Coré ».

Ce sont encore les fils de Coré qui réciteront les psaumes suivants.

De façon explicite pour les psaumes quarante-quatre à quarante-neuf puisque cités comme auteurs en prologue de chacun de ces psaumes. De façon implicite pour le prochain psaume, le psaume quarante-trois, puisque aucun auteur ne sera cité. Nous verrons pour ce psaume que le fait qu’aucun auteur ne soit cité signifie simplement qu’il est dans la suite logique de présent psaume puisque s’intéressant à la deuxième partie du long règne d’Alexandre Jannée.

Nous avions déjà eu ce principe de « psaumes consécutifs » pour les psaumes neuf et dix qui eux aussi étaient marqués par le long règne du roi Ouzzia.

Le psaume quarante-neuf qui termine cette série de psaumes récités par les fils de Coré est le dernier psaume de la première garde de la nuit, le dernier psaume où le peuple Juif vit en présence du Temple, en présence du sacerdoce du grand prêtre qui officie au Temple en respectant les prescriptions du Lévitique.

Ce dernier psaume sera donc celui de la dernière génération à subir une malédiction évoquée dans le Lévitique.

Les fils de Coré qui viennent de prendre la parole pour initialiser le deuxième livre des psaumes et pour accompagner la destruction programmée du Temple ne peuvent qu’évoquer l’avenir douloureux du peuple Juif en dehors de ce Temple, c’est-à-dire après que celui-là sera détruit à la cinquantième génération et que le peuple Juif rentrera ainsi dans la deuxième garde de la nuit.

La première garde, si elle fut terrible pour le peuple Juif, avait l’avantage, par la présence du Temple, de garder un lien fort entre Dieu et son peuple.

Pour la deuxième garde, ce lien, au moins en apparence sera détruit. Si dans la première garde, le peuple Juif a failli souvent être détruit, son lien avec Dieu n’avait jamais été réellement remis en cause par ses ennemis.

Aristobule

En se proclamant roi, Aristobule affaiblit le rôle du grand prêtre et accroît ainsi l’importance des sectes juives comme les Pharisiens, les Saducéens et les Esséniens qui n’ont plus besoin d’être associés à la prêtrise pour faire des adeptes. Si l’ensemble de ces sectes, et plus particulièrement celle des Pharisiens, aideront à la survie du Judaïsme dans les synagogues en dehors du Temple, elles seront un terreau à l’apparition du Christianisme. Celui-ci aidé par le pouvoir romain qui marque déjà son hégémonie dénigrera vite le Judaïsme. Il en sera de même pour l’Islam quelques siècles plus tard.

Le second livre des psaumes qui intègre les générations de la destruction du second Temple intègre également la dispersion finale du peuple Juif dans les nations. Nations qui, autour des deux autres religions monothéistes que sont le Christianisme et l’Islam, s’approprieront le culte du Dieu unique considérant bien le peuple Juif comme le peuple élu – ou tout du moins le peuple ayant été élu — mais également comme peuple déchu abandonné par son Dieu.

C’est donc dans cette perspective globale de l’avenir du peuple Juif qu’il faut interpréter le début du psaume de notre génération :

  1. Au Chef des chantres. Maskîl. Par les fils de Coré.
  2. Comme la biche aspire au cours d’eau, (…)
    • Rappelons, que comme nous l’avons déjà indiqué (psaume 22), la biche symbolise Dieu dans son rapport avec son peuple. Celui-ci s’est éloigné de son peuple, mais ceci n’est pas définitif, et Dieu finira par pardonner à son peuple et à s’en rapprocher. Dans ce contexte, le cours d’eau symbolise l’écoulement du temps et donc les temps futurs où Dieu se souviendra de son peuple.

  1. (…) ainsi mon âme aspire à toi, ô Dieu !
  2. Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand reviendrai-je pour paraître en présence de Dieu ?
  3. Mes larmes sont ma nourriture de jour et de nuit, (…)
    • Les fils de Coré, qui parlent au nom du peuple attendent avec impatience ce temps de retrouvailles avec Dieu. Car pendant la longue nuit du peuple Juif, celui-ci subit de longues souffrances. De jour et de nuit, car les psaumes de Coré évoquent les générations de la nuit mais sont inspirés lors du séjour dans la grotte d’Adoulam, lorsque le peuple Juif n’est pas encore dans la nuit, donc encore dans le jour

  1. .(…) depuis qu’on me dit sans cesse : « Où est ton Dieu ? »
    • Cette question moqueuse sera le lot des Juifs pendant toute la fin de la nuit de la part des nations parmi lesquelles ils séjourneront.

Aristobule, le fils d’Hyrcan, qui venait de se proclamer roi fut victime d’un complot[14] lui faisant croire que son frère Antigone désirait prendre sa place et le fit tuer. Ce crime perturba Aristobule:

  • Aristobule[15] ne tarda guère à être touché d’un tel repentir d’avoir ôté la vie à son frère que sa maladie n’augmenta de beaucoup. Il se reprochait continuellement à lui-même d’avoir commis un si grand crime ; et sa douleur fut si violente qu’elle lui fit vomir quantité de sang. Comme un de ses officiers l’emportait, il arriva, à ce que je crois par une permission divine, qu’il se laissa tomber et en répandit une partie au même lieu où les traces du sang d’Antigone paraissaient encore. Ceux qui le virent, croyant qu’il le faisait à dessein, jetèrent un si grand cri qu’il fut entendu du roi. Il leur en demanda la cause ; et personne ne la lui disant, il désira encore davantage de le savoir, parce que les hommes entrent naturellement en défiance de ce qu’on tâche de leur cacher, et se l’imaginent encore pire qu’il n’est. Ainsi Aristobule les contraignit par ses menaces de leur dire la vérité : et elle fit si forte impression sur son esprit, qu’après avoir répandu quantité de larmes il dit en jetant un profond soupir : « Il paraît bien que je n’ai pas pu cacher à Dieu une action si détestable, puisqu’il exerce sitôt contre moi sa juste vengeance. Jusqu’à quand ce misérable corps retiendra-t-il mon âme criminelle ? et ne vaut-il pas mieux mourir tout d’un coup, que de répandre ainsi mon sang goutte à goutte, pour l’offrir comme un sacrifice d’expiation à la mémoire de ceux à qui j’ai si cruellement fait perdre la vie ? » En achevant ces paroles, il rendit l’esprit, après avoir seulement régné un an.

Aristobule qui avait tous les honneurs de la prêtrise a dévié en se proclamant roi.

Cette attitude lui a été préjudiciable puisque cela l’a entraîné à tuer son propre frère, puis l’a emmené lui-même à la mort dans une juste action de repentir.

C’est ce qu’exprime la suite du psaume :

  1. Mon âme se fond au-dedans de moi, quand je me rappelle le temps, où je m’avançais au milieu des rangs pressés, marchant en procession avec eux vers la maison de Dieu, au bruit des chants et des actions de grâce d’une foule en fête.
  2. Pourquoi es-tu affaissée, mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? (…)

Alexandre Jannée

Son successeur, Alexandre Jannée prend alors le pouvoir :

  • Après[16] la mort du roi Aristobule, la reine Salomé, sa femme, que les Grecs nomment Alexandra, mit en liberté les frères (restant) de ce prince, qu’il retenait en prison, comme nous l’avons vu, et établit roi Jannéus, autrement nommé Alexandre, qui était l’aîné et le plus modéré de tous.
Alexander_Jannaeus

Aristobule, dans son court règne avait, par son action militaire, permis de consolider les frontières de la Judée. Alexandre Jannée continue dans cette voie. Il s’attaque [17]aux villes côtières, Ptolémaïs et Gaza, qui échappaient encore au contrôle de la Judée.

Cléopâtre

Cette lutte entraîna l’intervention de forces étrangères et en particulier Cléopâtre qui dirigeait l’Égypte, et Ptolémée, réfugié à Chypre, qui avait été chassé d’Égypte par Cléopâtre. Ceci eut pour résultat que Ptolémée se retourna contre la Judée et la dévasta.

Les batailles engagées par Alexandre Jannée, du fait de ses choix politiques hasardeux, se révélèrent meurtrières pour les Juifs :

  • Ptolémée[18] se porta fort volontiers à faire alliance avec Alexandre, et fit arrêter Zoïle (qui s’était rendu maître d’une cité et convoitait Ptolémaïs). Mais lorsqu’il apprit que ce prince (Alexandre) avait envoyé secrètement vers la reine sa mère, il rompit avec lui, et assiégea Ptolémaïs qui avait, comme nous l’avons vu, refusé de le recevoir. Il laissa quelques-uns de ses chefs avec une partie de ses forces pour continuer ce siège, et alla avec le reste ravager la Judée. Alexandre de son côté assembla pour s’opposer à lui une armée de cinquante mille hommes, ou selon d’autres de quatre-vingt mille, et Ptolémée, ayant un jour de sabbat attaqué à l’improviste la ville d’Azoth en Galilée, la prit d’assaut et en emmena dix mille esclaves avec quantité de butin. Après que Ptolémée Latur eut ainsi emporté Azoth de force, il alla à Séphoris, qui n’est guère éloigné, et y donna un assaut, mais il fut repoussé avec grande perte ; et au lieu de continuer ce siège, il marcha au-devant d’Alexandre, roi des Juifs, le rencontra auprès d’Asoph, qui est tout proche du Jourdain, et se campa vis-à-vis de lui. […] Les Juifs étonnés de ce changement (après avoir eu l’avantage, la bataille tourne à l’avantage de Ptolémée) et ne voyant aucun secours par aucun des leurs, prirent la fuite et tous les autres à leur exemple. Les ennemis les poursuivirent si vivement et en firent un tel carnage qu’ils ne cessèrent de tuer que lorsqu’ils furent lassés de frapper et que la pointe de leurs épées commençait à se rebrousser. Le nombre de mort fut de trente mille ; et selon le rapport de Tymagène de cinquante mille. Le reste de l’armée fut pris ou se sauva par la fuite.
  • En suite d’une si grande victoire et d’une si longue poursuite, Ptolémée se retira sur le soir dans quelques bourgs de Judée, et les ayant trouvés pleins de femmes et d’enfants, il commanda à ses soldats de les égorger, de les mettre en pièces et de les jeter dans des chaudières d’eau bouillante, afin que lorsque les Juifs échappés de la bataille viendraient dans ce lieu ils crussent que leurs ennemis mangeaient de la chair humaine et conçussent d’eux par ce moyen une plus grande frayeur.

Le début du règne d’Alexandre justifie la suite du psaume déclinée par les fils de Coré :

  1. (…) Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai encore à le louer : sa face apporte le salut.
    • Même si le sort des Juifs de Judée n’est pas enviable, les fils de Coré gardent leur confiance en Dieu.
  2. Mon Dieu, oui, mon âme est affaissée en moi ; parce que je pense à Toi de la région du Jourdain, des monts du Hermon, de la plus infime montagne.
    • C’est le théâtre des terribles batailles subies par les Juifs de Judée à cette génération.
  3. Le gouffre appelle le gouffre, au bruit de Tes cascades ; toutes tes vagues et tes ondes ont passé sur moi.
    • Le sort malheureux des Juifs de Judée ne suffira pas, car Alexandre Jannée se retournera à son tour contre son propre peuple faisant à son tour de nombreuses victimes.

La dévotion des fils de Coré ne leur fera pas perdre espoir en Dieu, leur vision globale de l’avenir du peuple Juif à travers les générations de la nuit leur fait bien entrevoir les nombreux malheurs qui s’abattront sur lui ainsi que l’attitude outrancière des nations à son égard.

Mais ces visions leur font aussi voir qu’à la fin de cette nuit, Dieu reviendra vers son peuple qui oubliera ainsi tous les pleurs de la nuit, que ce soient ceux de cette génération ou ceux des prochaines.

Ceci est l’objet de la fin du psaume :

  1. Puisse l’Éternel chaque jour mettre sa grâce en œuvre ! que la nuit un cantique en son honneur soit sur mes lèvres, ma prière au Dieu vivant !
  2. Je dis à Dieu, qui est mon rocher : « Pourquoi m’as-tu oublié ? Pourquoi marché-je, voilé de tristesse, sous l’oppression de l’ennemi ? »
  3. C’est comme s’ils me broyaient les os, lorsque mes adversaires me couvrent d’insultes, me disant tous le temps : « Où est ton Dieu ? »
  4. Pourquoi es-tu affaissée mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai à le louer, lui, mon sauveur et mon Dieu !

Cette génération fait partie de la 1ère garde de la nuit (générations 1 à 49).
Elle est donc associée à une malédiction du Lévitique (malédictions 1 à 49).

Durant cette génération, les Juifs subirent la férocité de leurs ennemis qui par leur épée firent un véritable carnage dans les rangs de l’armée d’Alexandre Jannée.

La génération 42 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 36 du Lévitique :

  1. Je viderai derrière vous l’épée.

Paul David


[1] NOMBRES Chapitre 16, versets 1 à 3.

[2] Voir EXODE Chapitre 32, versets 22 et suivants.

[3] NOMBRES Chapitre 20, versets 1 à 6

[4] NOMBRES Chapitre 20, versets 7 à 11

[5] Voir NOMBRES Chapitre 17

[6] Voir NOMBRES Chapitre 20, versets 22 à 29

[7] DEUTERONOME Chapitre 1, versets 37 et 38

[8] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre treizième/début du chapitre 19

[9] NOMBRES Chapitre 26, versets 10 et 11

[10] NOMBRES Chapitre 26, verset 58

[11] I CHRONIQUES Chapitre 12, versets 1 à 7

[12] I CHRONIQUES Chapitre 6, versets 16 à 23

[13] II CHRONIQUES Chapitre 20, versets 18 et 19

[14] Voir Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre treizième/chapitre 19

[15] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre treizième/chapitre 19

[16] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre treizième/début du chapitre 20

[17] Voir Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre treizième/chapitre 20

[18] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre treizième/chapitres 20 et 21