Résumé:

Cette génération est particulière car elle a une durée de 40 ans soit l’équivalent de 2 générations classiques, elle est donc celle des années 1430 à 1470, soient 2 demi-générations de 20 ans, la première de 1430 à 1450 et la seconde de 1450 à 1470.

Cette durée particulière est justifiée par les événements de cette période (1430 à 1470) et par la structure même du psaume associé à cette génération. Suivant notre comptage, cette génération est la génération 119 associée au psaume 119. C’est dans ce psaume 119 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette (double)génération.

Pour mieux comprendre le rôle clé de cette génération, indépendamment des faits historiques associés, il faut se référer au Pentateuque, et en particulier aux 3 jeûnes de Moïse.

Pour ce qui est des faits historique de cette double génération: depuis 8 siècles, soit 40 générations, un équilibre dans le monde du moyen-âge entre chrétiens et musulmans a permis aux Juifs de subsister en particulier en terre espagnole. Cet équilibre s’achève.

Au milieu de cette double-génération, l’histoire du monde connaît un tournant définitif. Le 29 mai 1453, date de la chute de Constantinople, marque traditionnellement la fin du moyen-âge. La ville tombe aux mains des Ottomans, la Grèce devient turque, Sainte Sophie mosquée, et l’Empire romain d’Orient disparaît.

Dans un même temps, les prémices de la catastrophe du vingtième siècle apparaissent aussi à cette date médiane de la double-génération. En 1452. Le 19 mars 1452, Frédéric III de Habsbourg, est le dernier roi des Romains à recevoir sa couronne impériale du pape. Cette présence d’un imperator à Rome, un an avant la chute de Constantinople, signale déjà des changements qui touchent à l’histoire de l’Allemagne.

La date centrale de ce psaume est significative aussi pour le peuple Juif. Avant cette date il est soumis à de nombreuses brimades, voire à des massacres, mais sans jamais une réelle volonté des autorités de le détruire. Après cette date, le peuple Juif sera cette fois confronté à des pouvoirs, religieux ou politique, qui rechercheront son extermination.

Les armées musulmanes, sous différentes bannières, n’ont eu de cesse depuis la naissance de l »Islam de vouloir conquérir l’empire Byzantin, échouant pendant de long siècles. A cette génération, ils arrivent à leurs fins. La raison principale du succès est l’évolution de l’armement, des nouveaux canons développés par des ingénieurs allemands. La nouvelle arme turque n’est que le prélude à de nouvelles armes qui largement changeront les guerres des générations à venir.

La période médiane de cette génération est aussi marquée en 1453 par la fin officielle de la guerre de Cent Ans qui a pour effet la naissance des deux états nations: la France et L’Angleterre, qui largement influenceront l’histoire mondiale des prochains siècles. L’éclatement de la principauté Bourguignonne permet la consolidation du royaume français et la naissance des Pays-Bas comme nation. La chute de Constantinople permet également à la Russie de s’émanciper de la tutelle religieuse et de faire partie des nations émergentes de ce siècle. C’est bien l’Europe des nations qui émergent au milieu de cette génération.

Le milieu de cette génération voit aussi apparaître un nouvel équilibre en Italie, à travers la signature de la « lega italica » en 1454. Cette paix fragile permet aux états italiens de rentrer dans la modernité en développant la Renaissance, principalement à Florence, autant dans les arts que dans l’architecture, ainsi que dans la politique et l’humanisme. Les bénéfices de ce renouveau seront bientôt exportés, en particulier en France, quand celle-ci entreprendra à la fin du siècle ses actions de conquête en Italie. Les premiers livres (vers 1455)  sortent de la première imprimerie mise au point par Gutenberg. Cette invention sera déterminante dans la propagation de la culture et de la science dans les décennies à venir et accompagnera fortement le mouvement de la Renaissance.

En Espagne, pendant que le pire est en train de se préparer, avec des premiers signes à Tolède en 1449 où des émeutes prennent pour cibles Juifs et conversos, les communautés juives se reconstruisent. Entre 1419 et 1422, les livres et synagogues qui avaient été confisqués leur sont restitués. En 1432, à Valladolid, ville royale, les dirigeants des communautés de Castille promulguèrent divers décrets dont le but était de restaurer les communautés détruites lors des émeutes de 1391. Les premières décisions touchent à l’éducation et ont pour objectif la reconstruction des institutions dans ce domaine. De nombreuses yeshivot sont créées dans des villes et villages d’Espagne, ces institutions se maintinrent jusqu’à l’expulsion d’Espagne en 1492.

Les Juifs d’Espagne se redéfinissent autour de la loi mosaïque. Ce recentrage qui a déjà permis aux Juifs de traverser les siècles en exil sera la raison de survie essentielle dans les générations à venir où le danger de disparition ne sera jamais aussi grand. En particulier, les Juifs qui prendront la route d’un nouvel exil à partir de 1492 viendront ensemencer durablement le judaïsme européen et méditerranéen lui permettant de perdurer jusqu’au retour à Sion.

Développement:

Le psaume de cette génération

Le psaume 119 associé à cette génération est particulier, il comporte autant de paragraphes de huit versets que de lettres de l’alphabet hébraïque et cela dans l’ordre établi de l’alphabet hébraïque (qui ne comporte que des consonnes ou assimilées).

Les huit versets de chacun des paragraphes ainsi définis commencent par la lettre associée à ce paragraphe. Cette particularité fait que ce psaume est souvent utilisé pour reconstituer les noms de défunts que l’on veut honorer (on reconstitue le nom à partir de chaque lettre évoquée par la lecture du paragraphe correspondant).

Nous allons voir qu’en fait ce psaume a aussi une importance primordiale dans la succession des psaumes et en particulier dans le basculement définitif entre antiquité/moyen-âge et temps modernes.

Ce psaume est exceptionnel par sa longueur, mais comme nous allons le voir également dans la durée de la génération qu’il représente. En effet pour tous les autres psaumes, la génération associée a une durée de vingt ans.

Pour le présent psaume, la génération a une durée de quarante ans, soit le double d’une génération normale. De fait ce psaume est associé à deux demi-générations de vingt ans, la première de 1430 à 1450, la seconde de 1450 à 1470.

Le psaume 119 associé à cette double générations est composé de 2 fois 88 versets, 88 versets pour la première demi-génération 1430-1450 (1453) et 88 versets pour la seconde demi-génération 1450 (1453) – 1470.

Les jeûnes de Moïse

Ainsi la deuxième demi génération de ce psaume correspondrait normalement à la cent vingtième génération de la nuit. Or nous savons comme nous l’avons indiqué dans les générations associées aux psaumes 41 et 81 que les trois premières périodes de 40 générations de la nuit correspondent aux trois jeûnes de Moïse dans le désert que nous pouvons rappeler

(cela avait été décrit dans le développement du psaume 81).

Moïse évoque trois période de jeûne de quarante jours pour soutenir auprès de Dieu le peuple d’Israël afin d’en éviter l’extermination du fait des trois fautes commises :

  • Lorsque le peuple d’Israël se querelle à Refidime pour obtenir de l’eau (les eaux de Mériba)
  • Lorsque le peuple d’Israël, dirigé par Aaron, érige le veau d’or,
  • Lorsque le peuple d’Israël eut peur de rentrer en terre promise lors du retour des explorateurs.

Le premier jeûne de quarante jours correspondant au veau d’or a été évoqué lors du psaume quarante (correspondant ainsi à la fin du jeûne de Moïse lié au veau d’or). En effet la réaction des Maccabées à cette génération met fin aux longs errements idolâtres des Juifs en terre d’Israël qui avaient largement marqué les premières générations de la nuit et qui allaient aboutir aux destructions des deux temples de Jérusalem assimilables aux deux tables de la Loi brisées par Moïse.

Le second jeûne de quarante jours, comme nous l’avons évoqué au psaume 81, correspond aux eaux de Mériba et à l’issue du jeûne de quarante jours correspondant de Moïse.

À l’issue de cette période Moïse ayant du mal à lutter contre Amalek est aidé par l’arrivée des musulmans lors de la génération 81 permettant d’éviter une toute-puissance du christianisme qui aurait été fatale pour les Juifs. Les musulmans sont freinés eux-mêmes dans leur avancée afin qu’eux non plus puissent dominer le monde.

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1453, la prise de Constantinople

Cette période de quarante générations débutée à la génération 81, pendant laquelle, un équilibre dans le monde du moyen-âge entre chrétiens et musulmans a permis aux Juifs de subsister en particulier en terre espagnole, s’achève. Elle est marquée par la prise de Constantinople an 1453 par les Ottomans, peuple converti à l’Islam mais préconisant une certaine tolérance religieuse, cette conquête permettra à de nombreux Juifs de trouver une alternative à l’oppression de l’inquisition qui monte en puissance.

Le mouvement d’immigration est d’ailleurs initialisé dès 1453 et pas seulement à partir de l’Espagne mais de tout le monde européen chrétien dans lequel la situation des Juifs ne cesse de se détériorer.

La terre espagnole a pu longtemps être comparée à la Terre promise par les Juifs qui y vivaient pendant les périodes sous le joug musulman ou espagnol (chrétien), où ils étaient tolérés. Rappelons que suivant certaines sources, Tolède a hébergé certaines reliques du Temple de Salomon.

Ces temps « heureux » sont bien lointains, car la fin de la Reconquista chrétienne en terre hispanique est accompagnée d’un rejet de plus en plus complet du judaïsme et des Juifs. Les générations qui suivent confirmeront qu’il n’y a pas de pays refuge durable pour les Juifs en dehors de la terre d’Israël. L’Espagne n’est pas un accident de l’histoire. Les générations suivantes le démontreront.

Ainsi à cette génération, si le retour en terre d’Israël reste un vœu pieu pour les Juifs, ils sont bien conscients que leur seule patrie est la terre promise par Dieu, qu’uniquement sur cette terre, ils ne pourront s’établir définitivement et durablement.

Cette évolution[1] est matérialisée par, en 1453, une action des Juifs implantés en terre d’Israël qui envoient des émissaires en diaspora pour pousser leurs frères en exil à effectuer leur allia. Ainsi le retour vers Sion est bien initialisé à partir de cette date et il faudra encore près de cinq cents ans pour que cela se concrétise. Nous verrons que cette date de 1453 marque de plus la charnière entre moyen-âge et temps modernes ce qui permet déjà de comprendre la signification de ce psaume particulier.

Ainsi à cette génération le peuple juif s’est lavé des fautes du désert, et de ce fait est un peuple mûr pour retourner sur sa terre, mais avant cela de nombreuses générations d’exil sont encore à subir avec de nouvelles épreuves plus éprouvantes encore que celles déjà subies pendant les premières phases de l’exil.

En effet la cent-vingtième génération qui correspond à la fin du troisième jeûne de Moïse correspond de fait à la fin de son action de soutien, ce qui correspond à la durée de la vie de Moïse soit cent vingt ans, les trente dernières générations correspondant au deuil que le peuple d’Israël prit à la mort de Moïse.

Ainsi, les prochaines générations verront le peuple Juif lutter pour sa survie et son retour en terre promise sans l’équivalence du soutien de Moïse, ce qui justifie les pleurs d’Israël à l’instar de ceux exprimés pendant le deuil de Moïse, pleurs cette fois justifiés par une confrontation avec les nations encore plus destructive. À de nombreuses reprises, les Juifs douteront d’ailleurs, se sentant abandonnés par leur Dieu.

La mort de Moïse se distinguant de la mort traditionnelle des êtres humains, puisque c’est Dieu lui-même qui le retire de ce monde, sa cent-vingtième année ne s’est pas achevée pleinement, ce qui explique que la deuxième demi-génération n’est pas comptée séparément indiquant ainsi la particularité de la mort de Moïse.

Mais puisque les deux demi-générations ne sont pas distinguées par deux psaumes séparés, le psaume de cette génération est construit afin de nous permettre d’associer chaque demi-psaume à une demi-génération et de compter vingt ans pour chacune d’elle comme pour les générations normales. Ainsi ce psaume est composé de vingt-deux séries de huit versets, les huit versets d’une même série commencent tous par une même lettre de l’alphabet hébraïque en respectant l’ordre alphabétique : la première série utilise la première lettre de l’alphabet, la seconde série la deuxième lettre et ainsi de suite.

Ainsi si on découpe le psaume en deux demi-psaumes de onze séries de huit psaumes, la dernière série du premier demi-psaume utilise la lettre Kaf כ de valeur numérique 20, ce qui nous indique bien que la demi-génération associée à ce demi-psaume est bien exceptionnellement attachée à une période de vingt ans.

De même, la dernière série du second demi-psaume utilise la lettre Tav ת de valeur numérique 400 soient vingt fois vingt, façon également d’indiquer que la demi-génération associée à ce deuxième demi-psaume fait également vingt ans : vingt ans qui complètent les vingt ans de la première demi-génération, or 400 est bien obtenue par une combinaison de vingt et vingt.

D’autre part, la date clé de ce psaume est 1453 ce qui correspond approximativement au milieu de cette génération, cette date est celle reconnue par les historiens comme la frontière entre moyen-âge et ère moderne :

  • À peu près[2] à la même époque (d’autres événements importants concomitants comme la fin de la guerre de Cent Ans sont cités par l’auteur), l’histoire du monde connaît un tournant définitif. Le 29 mai 1453, date de la chute de Constantinople, marque traditionnellement, la fin du moyen-âge : la ville tombe aux mains des Ottomans, la Grèce devient turque, Sainte Sophie mosquée, et l’Empire romain d’Orient disparaît Byzance, héritière de l’Orient ancien, de la Grèce et de Rome, avait fait éclore la civilisation russe, c’est à Byzance que les Italiens avaient appris l’art de faire des coupoles et d’enluminer les manuscrits, c’est là qu’ils s’étaient initiés aux règles de la finance, du commerce et du droit.
  • Tandis que l’hellénisme recule devant l’Islam, la civilisation médiévale atteint son apogée en Flandre et en Bourgogne, à la cour des grands ducs d’Occident. Ils tentent de fonder un empire au cœur de l’Europe, un empire centré sur le Rhône et le Rhin, ensemble disparate unifié par leur seule volonté. Bien plus puissants que les rois de France et d’Angleterre, leurs cousins, les ducs de Bourgogne entretiennent les plus grands artistes du temps, inventent l’étiquette de cour et fondent l’ordre de la Toison d’or.
  • Dans l’Occident chrétien, la seconde moitié du XVe siècle est le temps du renouveau, de l’expansion économique, des inventions. En France, le roi Louis XI élimine les derniers « écorcheurs », restaure les affaires de l’État, reconstitue la fortune des Français, abat la turbulence des princes et étend le royaume dont il refait même l’unité aux dépens de son cousin de Bourgogne. […]
  • Mais plus encore que politique ou militaire, le renouveau est technique : les inventeurs de la fin du XVe siècle perfectionnent le rouet à ailette et le haut-fourneau, l’horloge et l’arquebuse, et, surtout, l’imprimerie, qui changera le monde, mettant à la portée du plus grand nombre toutes les œuvres de l’esprit.

Ainsi après onze siècles d’existence, l’Empire romain d’Orient, celui qui a déclaré le christianisme comme religion d’état et qui a eu pour conséquence que les Juifs qui étaient auparavant des citoyens à part entière dans l’Empire romain d’Occident deviennent petit à petit des parias, s’éteint à cette génération :

  • L’Empire[3] romain d’Orient fut fondé par Constantin le Grand un lundi 11 mai 330 ; il prit fin un mardi 29 mai 1453. Durant ces mille cent vingt-trois années et dix-huit jours, quatre-vingt-huit hommes et femmes occupèrent le trône impérial – sans compter les sept qui l’usurpèrent durant l’occupation latine.
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Si 1453 montre la fin d’un Empire qui a marqué le moyen-âge, la même date ou presque (1452) annonce l’histoire à venir.

Frédéric III de Habsbourg

Ainsi comme signe annonciateur de la catastrophe du vingtième siècle, la date médiane de cette génération est également celle qui voit le dernier couronnement d’un empereur à Rome, un empereur allemand, qui nourrira la notion de domination universelle de l’Allemagne à une époque où cela est encore loin d’être une réalité :

  • Le 19 mars 1452[6], personne ne pouvait soupçonner que Frédéric III de Habsbourg, détenteur du plus long règne allemand du moyen âge (1440-1493), serait le dernier roi des Romains à recevoir sa couronne impériale du pape. Pourtant, cette dernière présence d’un imperator à Rome, un an avant la chute de Constantinople, signale déjà des changements qui touchent à l’histoire de l’Allemagne, et plus généralement à l’évolution des deux pouvoirs universels que réunit le couronnement. […]
  • Rappelons d’abord que le couronnement d’un empereur à Rome constitue l’un des événements marquants de la chrétienté. Cette dimension universaliste et mystique ne saurait être sous-estimée. […]
  • Le roi puis empereur veille à ce que la majesté et la légitimité se concentrent sur la personne même des Habsbourg et soulignent une opération de dynamisation culturelle et symbolique qu’attestent non seulement l’usage de l’expression « domus Austriae », mais aussi l’emploi de la célèbre devise AEIOU, dont la première occurrence date bien du livret des notices personnelles rédigées par Frédéric III, (..) mais dont les transcriptions latines et allemandes signifient : « Il revient à l’Autriche de gouverner toute la terre », ne furent jamais explicites de son vivant. […]
  • Ce règne d’empereur n’est pas celui d’un fossoyeur du Reich médiéval qui particulariserait l’Empire au seul profit de l’Autriche. L’universalité demeure, et sera projetée sur la descendance. […] Si Frédéric III fut le dernier empereur couronné à Rome, il ne fut pas dernier à l’être en Italie puisque Charles Quint accomplit encore le rituel à Bologne en 1530. Après lui, toutefois, les élections royales et les couronnements royaux et impériaux se déroulèrent en Allemagne, achevant un mouvement qui avait bien commencé en 1452 ; l’absorption de l’Empire (idée plus que pouvoir) par l’Autriche, qui pour sa part allait changer d’univers, et l’Europe avec elle.

C’est également un ingénieur allemand qui provoque le basculement dans le monde moderne en dotant les Turcs d’une arme nouvelle, l’artillerie qui permettra leur victoire et qui transformera le visage des guerres à venir.

Un futur à haut risque

Le nombre de souverains de l’Empire chrétien d’Orient a été de quatre-vingt-huit, soit exactement le nombre de versets du premier demi-psaume de cette génération (les onze siècles d’existence de l’empire étant également à comparer aux onze parties de ce demi-psaume) faisant de 1450 (ou 1453), la date centrale de ce psaume celle qui sépare un monde dans lequel le christianisme s’enracine aux dépens d’un judaïsme qu’il veut asservir mais pas détruire à un monde moderne chrétien qui ne cherche plus à apprivoiser les Juifs mais essaie simplement de les détruire.

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Ainsi le deuxième demi-psaume de cette génération fait également quatre-vingt-huit versets.

Or la catastrophe qui marquera la période qui va de 1450 à nos jours est la Shoah, orchestrée par Adolph Hitler. L’Europe voire le monde partage la responsabilité de cette catastrophe aussi bien pour les Juifs que pour l’humanité, car ce sont bien des êtres humains qui ont été détruits avec comme simple différence avec leur semblable une autre croyance sur les fondements du monde, l’aspect racial étant fort contestable (Juifs et non-juifs ayant vraisemblablement une grande partie de leur généalogie en commun). Or les nostalgiques de cette tragédie jusqu’à nos jours utilisent « 88 » comme un code de reconnaissance, puisque le « h » est la huitième lettre de l’alphabet latin et que l’allégeance à l’ex führer est formée de deux mots (Heil Hitler) ayant le « h » comme première lettre. Personnage que beaucoup considèrent comme l’incarnation de Satan sur terre.

Malheureusement nous avons déjà vu dans les générations passées combien un seul homme pouvait entraîner de chaos en particulier pour les Juifs.

Or de cette comparaison, nous retrouvons une autre signification à ce nombre 88 :

  • (Sur la colline du Temple, les Écuries du Roi Salomon) constituèrent[4] l’un des centres militaires des croisés : leurs 88 piliers carrés sur douze rangées supportent de puissantes voûtes. Au coin sud-est du rempart contre lequel elles sont bâties, se situe le berceau de Jésus. Selon la tradition, Marie déposait sur cette pierre l’enfant Jésus quand elle allait faire ses dévotions au Temple. Au-dessus des Écuries de Salomon, se dresse le Pinacle où Satan tenta Jésus (suivant Évangiles de Luc 4,9). Unique lieu d’intersection de l’éternel incréé et de la création aux yeux des Hébreux, centre spirituel d’importance mondiale, la colline du Temple n’a cependant pas livré tous ses secrets.

Les écuries du Roi Salomon représentent le non-respect par ce dernier des prescriptions du Deutéronome[5] concernant les rois et en particulier de ne pas multiplier les chevaux. En ne respectant pas ces prescriptions, Salomon a permis l’éclatement du royaume d’Israël qui mènera à la destruction des deux temples et à la dispersion du peuple Juif qui subira à partir de la deuxième partie de cette génération l’attaque insidieuse des forces du mal à l’image de la tentation de Satan envers Jésus au-dessus de ces écuries supportés par 88 piliers.

Il est notable que le premier statut de « pureté du sang » fut adopté à Tolède en Espagne en 1449 soit juste avant l’initialisation de cette période « moderne ». Cette « pureté de sang » sera adoptée officiellement environ un siècle plus tard en Espagne à l’encontre des « conversos » et marquera toutes les générations des temps modernes avec évidemment une culminance lors de la Shoah.

Ainsi la date centrale de ce psaume si elle est la date frontière entre moyen-âge et renaissance et par suite temps modernes, elle est aussi pour les Juifs la date qui sépare une phase de l’exil où sous l’équivalent de la protection de Moïse, le peuple Juif est soumis à de nombreuses brimades voire à des massacres mais sans jamais une réelle volonté des autorités de détruire le peuple Juif, les massacres étant souvent orchestrés par une partie du peuple en furie ne respectant pas les consignes du pouvoir, politique ou religieux.

Après cette date, sans l’équivalence de la protection de Moïse, le peuple Juif sera cette fois confronté à des pouvoirs, religieux ou politique, qui rechercheront son extermination, ce qui explique que les générations qui suivent sont assimilables aux trente jours de deuil que le peuple juif respecte dans le désert après la mort de Moïse. En effet les générations qui suivent, si elles finiront par ouvrir les portes de la terre promise, seront associées à des d’exactions sans précédent de la part des nations pour le peuple d’Israël.

La troisième série de quarante générations qui se clôt à cette génération avait commencé à la génération quatre-vingt-une qui avait vu la première défaite des musulmans contre Constantinople qui signait alors les limites de l’expansion musulmane.

À l’époque cet arrêt de l’expansion musulmane était salutaire à l’équilibre du monde dans ses limites d’alors, soit la Méditerranée, l’Orient de l’antiquité et les zones qui s’en rattachent. Ainsi en 672, eut lieu un nouvel épisode de la lutte entre Byzance et les armées musulmanes qui pour la première fois tourna à l’avantage de Byzance, la première décennie du règne de Constantin IV fut marquée par un retournement dans l’histoire de la chrétienté : pour la première fois, les armées du Croissant furent repoussées et mises en fuite par celles de la Croix.

Les guerres futures

Si les Byzantins avaient pu bénéficier de l’avantage d’une arme nouvelle (le feu grégeois) pour repousser l’attaque des musulmans, à la fin de ces quarante générations de résistance, c’est une arme nouvelle, coté ottomans cette fois, qui contribue à leur défaite :

  • Mais[7] c’était d’autre chose qu’il (Mahomet, le nouveau sultan turc qui combat Constantinople) était le plus fier. L’année précédente, un ingénieur allemand, Orban, lui avait proposé de lui construire un canon de bronze qui ferait exploser même les murs de Babylone. Mahomet le paya bien, et trois mois plus tard, il fut récompensé par l’arme terrifiante qui avait coulé le bateau de Rizzo (Capitaine d’un bateau vénitien qui tenta te forcer le blocus imposé par les Turcs en 1451). Il en commanda un autre, deux fois plus gros que le premier, qui fut terminé en janvier 1453. On dit qu’il mesurait dans les huit mètres, que le bronze était épais de vingt centimètres et que l’âme avait presque quatre-vingt centimètres de diamètre. Il pouvait tirer un boulet de six cent cinquante kilos à près de deux kilomètres. Deux cents hommes furent envoyés organiser l’acheminement de cette formidable machine jusqu’à Constantinople ; ils aplanirent les routes et renforcèrent les ponts. Ensuite, trente paires de bœufs la tirèrent, tandis que deux cents hommes en assuraient la stabilité. […]
  • Le 11 avril (1453), les bombardements recommencèrent, pour continuer sans interruption pendant quarante-huit jours. Si le gros canon ne pouvait tirer que toutes les deux ou trois heures, les dommages qu’il causait à chaque coup étaient énormes ; en une semaine, le mur extérieur qui traversait le Lykos s’était effondré en plusieurs endroits, et bien que ses défenseurs aient travaillé sans relâche pour réparer les dommages causés, ils ne pourraient continuer indéfiniment.

La nouvelle arme turque n’est que le prélude à de nouvelles armes qui largement changeront les guerres des générations à venir.

Vers une Europe des Nations

La prise de Constantinople s’accompagne d’autres événements marquants dans la naissance de l’Europe des Nations qui domineront le monde dans les siècles à venir.

La période médiane de cette génération est ainsi marquée en 1453 par la fin officielle de la guerre de Cent Ans qui a pour effet la naissance des deux états nations la France et L’Angleterre qui largement influenceront l’histoire mondiale des prochains siècles.

L’éclatement de la principauté Bourguignonne permet la consolidation du royaume français et la naissance des Pays-Bas comme nation.

La chute de Constantinople permet également à la Russie de s’émanciper de la tutelle religieuse et de faire partie des nations émergentes de ce siècle.

La Renaissance

Les progrès de la science ne sont pas que militaire puisque quasiment simultanément à la chute de Constantinople les premiers livres (vers 1455)  sortent de la première imprimerie mise au point par Gutenberg. Cette invention sera déterminante dans la propagation de la culture et de la science dans les décennies à venir et accompagnera fortement le mouvement de la Renaissance.

Le milieu du quinzième siècle voit aussi apparaître un nouvel équilibre en Italie, à travers la signature de la « lega italica » en 1454. Cette paix fragile permet aux états italiens de rentrer dans la modernité en développant la Renaissance, principalement à Florence, autant dans les arts que dans l’architecture, ainsi que dans la politique et l’humanisme. Les bénéfices de ce renouveau seront bientôt exportés, en particulier en France, quand celle-ci entreprendra à la fin du siècle ses actions de conquête en Italie.

La reconstruction du judaïsme en Espagne

Pour les Juifs, cette date initialise certains changements fondamentaux pour leur avenir en Europe. Ainsi même leur nouveau refuge en Europe qu’était la Pologne naissante durcit ses rapports avec les Juifs.

Pendant que le monde moderne se dessine, cette génération marque un court répit pour le peuple Juif, même si de nombreuses exactions, comme celle orchestrées par Capistran, sont à déplorer une nouvelle foi, mais leur principal effet se fera plus sur les générations à venir que sur la présente génération.

Capistrano

En Espagne, en particulier, pendant que le pire est en train de se préparer, avec des premiers signes à Tolède en 1449 où des émeutes prennent pour cibles Juifs et conversos, les communautés juives se reconstruisent :

  • La reconstruction[8] des communautés après émeutes de 1391 demanda de gros efforts et de longues années. Certaines villes qui avaient abrité des communautés prospères, comme Barcelone, Majorque, Valence, s’étaient à tout jamais vidées de leurs Juifs. Au XVe siècle, Jean II (1405-1454) régna en Castille et Alphonse V (1416-1458) en Aragon. Tous deux étaient plus concernés par la culture laïque que par le fanatisme religieux. Entre 1419 et 1422, des décrets édictés par ces rois et par le pape Martin V annulèrent les différentes mesures qui avaient été prises contre les Juifs. Les livres et synagogues qui avaient été confisqués leur furent restitués et la vie retrouva peu à peu son cours normal.
  • Don Abraham Benveniste, rabbin de la Cour, juge et collecteur des impôts de toutes les communautés, œuvra largement pour rétablir les études juives en Castille.
  • En 1432, il convoqua à Valladolid, ville royale, les dirigeants des communautés de Castille. Ensemble, ils promulguèrent divers décrets dont le but était de restaurer les communautés détruites lors des émeutes de 1391. Les premières décisions touchaient à l’éducation et avaient pour objectif la reconstruction des institutions dans ce domaine. Différentes taxes destinées à cet effet furent fixées. Toute communauté comptant au moins quinze familles se devait d’engager un instituteur (« melamed ») digne de ce nom. À partir de quarante familles, la communauté devait avoir un maître (« marbit torah », rabbin et directeur de yeshiva) qui puisse enseigner le Talmud, les règles de Halakha et les agadot. La communauté devait le rémunérer grâce aux taxes et revenus provenant de terrains qu’elle gérait. Ils décidèrent : « Chacun de ces Sages devra avoir à sa disposition une yeshiva fixe, dans laquelle il pourra étudier avec toute personne désireuse d’écouter des questions de Halakha. » Leur entreprise fut concluante et de nombreuses yeshivot furent créées dans des villes et villages d’Espagne. Ces institutions se maintinrent jusqu’à l’expulsion d’Espagne en 1492. Les dirigeants de ces yeshivot et leurs élèves poursuivirent leur activité avec acharnement dans tous les pays où se réfugièrent les Juifs. Rabi Joseph Yabetz, contemporain de l’expulsion et âpre critique de la philosophie et de sa mauvaise influence sur le judaïsme espagnol, apporte un témoignage sur le nombre de yeshivot à l’époque : « Dans le passé, l’Espagne n’était pas pleine de yeshivot et d’étudiants comme au moment de l’expulsion ». D’autres sources mentionnent l’existence d’au moins treize grandes yeshivot pour la seule Castille à l’époque de l’expulsion. En ce temps, des étudiants affluaient des pays limitrophes, du Maroc et de l’Algérie pour y étudier ; elles assuraient donc le gîte et le couvert à de nombreux étrangers.

Les Juifs ibériques armés pour l’exil

En fait les événements précédents en Espagne qui ont pour conséquence l’apparition du Marranisme sont également l’occasion pour le peuple Juif de se redéfinir autour de la loi mosaïque. Ce recentrage qui a déjà permis aux Juifs de traverser les siècles en exil sera la raison de survie essentielle dans les générations à venir où le danger de disparition ne sera jamais aussi grand.

En particulier, les Juifs qui prendront la route d’un nouvel exil à partir de 1492 viendront ensemencer durablement le judaïsme européen et méditerranéen lui permettant de perdurer jusqu’au retour à Sion. C’est la raison pour laquelle, ce psaume insiste quasiment à chaque verset sur le salut du peuple Juif associé au respect de la loi de Moïse, bien que ce psaume marque la fin de l’influence bénéfique de Moïse sur son peuple.

Les malédictions que subit le peuple Juif avaient été prévues par Moïse. Celui-ci dans son testament avait toutefois indiqué que le salut du peuple Juif sera assuré à terme, car après s’être éloigné de Dieu, le peuple Juif finira par respecter l’alliance conclue et retrouvera ainsi les faveurs divines.

Le psaume de cette génération fait donc une large place à cette loi objet de l’alliance et source du salut futur du peuple Juif faisant ainsi écho au testament de Moïse. Quasiment aucun verset de ce psaume n’oublie de mentionner celle-ci, que ce soit (en prenant appui sur la traduction utilisée) les lois, les préceptes, les commandements, les ordres, les voies, les statuts, les prescriptions, les paroles, les discours, les règlements, les ordonnances, les règles, les instructions, les témoignages, les vérités, les enseignements.

Dans la première partie du psaume, pour les versets associés à la lettre aleph (1 à 8), le psalmiste réaffirme à la fois le bien-fondé des commandements divins et conclut à la fois sur l’adhésion du peuple Juif à ces commandements et l’espérance de ce dernier en la protection divine.

Comme l’indique le dernier verset de cette partie (le verset 8) :

  1. Tes statuts, je les observerai : ne m’abandonne en aucun temps.

Dans la partie suivante du psaume, les versets associés à la lettre beth (9 à 16), le psalmiste continue à réaffirmer le bien-fondé des commandements et conclut de façon similaire à la partie précédente:

  1. Je me délecte de Tes préceptes, et n’oublie point tes paroles.

Après ces rappels, le psalmiste se repositionne dans le contexte historique, ainsi les versets associés à la lettre Gimel, soit la troisième partie (17 à 24) du psaume réenclenche directement sur la nécessité de l’intervention divine (verset 17) :

  1. Accorde tes bienfaits à Ton serviteur, pour que je vive et observe Tes paroles.

Si l’éloge de la loi ne manque pas d’être fait dans cette partie, la condition de paria du Juif est évoquée sur quatre des versets de cette partie :

  1. Je suis un simple étranger sur la terre (…)
  1. (…) Tu réprouves les arrogants maudits (…)
  2. Affranchis-moi de la honte et du mépris (…)
  3. Dussent même les grands prendre siège et déblatérer contre moi. (…)

La quatrième partie du psaume celle associée à la lettre Dalet (versets 25 à 32) permet de passer de la constatation à la plainte. Le psalmiste évoque ainsi plus ouvertement la pénibilité de cette position de paria subie par le peuple Juif jusqu’alors :

  1. Mon âme est collée à la poussière (…)
  1. Mon âme, de chagrin, se fond en larmes (…).

Le psalmiste rappelant au passage une nouvelle fois la foi en Dieu, non sans quelques inquiétudes :

  1. (…) conserve-moi en vie (…)
  1. (…) redresse-moi, selon Ta parole.
  2. Éloigne de moi le chemin du mensonge (…)
  1. (…) Seigneur, ne m’inflige aucune déception.

Le passage suivant associé à la lettre Hé (versets 33 à 40) se doit de réaffirmer l’adhésion du peuple d’Israël envers l’alliance malgré la situation décrite au passage précédent tout en rappelant une nouvelle fois l’espérance dans le salut final (versets 38 et 39) :

  1. Accomplis Ton dire en faveur de Ton serviteur, car (il amène) à te révérer.
  2. Écarte de moi la honte que je redoute, car Tes jugements sont précieux.

Si le passage relatif à la lettre Vav (versets 41 à 48) réitère une nouvelle fois l’attachement à la loi et aux commandements, le passage qui suit relatif à la lettre Zayin (versets 49 à 56) rappelle que l’alliance reste bien la seule consolation du peuple Juif au long de cette longue nuit initialisée à la mort de Salomon et qui devient de plus en plus noire depuis l’exil du peuple Juif :

  1. Rappelle-Toi, en faveur de Ton serviteur, la promesse où Tu as voulu que je mette mon attente.
  2. C’est là ma consolation dans la misère, que Ta parole me rende la vie.
  3. Des arrogants l’ont raillé au possible : je n’ai point dévié de Ta loi.
  4. Je me remémore Tes jugements de jadis, ô Éternel, et j’y trouve du réconfort.
  5. Un violent frisson m’avait saisi à cause des méchants, qui abandonnent Ta loi.
  6. (Mais) Tes préceptes sont devenus pour moi un sujet de cantique dans ma demeure passagère.
  7. Je me souviens de Ton Nom pendant la nuit, Seigneur, et j’observe Ta loi.
  8. C’est là mon bonheur à moi, de m’attacher à Tes préceptes.

Ce passage est confirmé et résumé au passage suivant relatif à la lettre Hèt (versets 57 à 64). C’est ce qui est fait dans les versets 61 et 62 indiquant que la nuit n’est malheureusement pas encore terminée à cette génération :

  1. Les liens des méchants m’avaient enserré : je n’ai point oublié Ta Loi.
  2. Au milieu de la nuit je me lève pour te rendre grâce, à cause de Tes équitables jugements.

La partie suivante du psaume, celle associée au caractère Tèt (65 à 72), fait un bilan assez réaliste de la période passée. Mais le psalmiste ne se plaint pas et considère comme un avantage, dans la connaissance du divin, les déboires subis :

  1. Avant que je fusse humilié, je m’égarais ; maintenant je suis attentif à Tes discours.
  1. Des orgueilleux inventent des mensonges contre moi, et moi, de tout cœur, j’observe Tes ordonnances.
  2. Leur cœur est bouché comme par la graisse : moi, je fais mes délices de Ta Loi.
  3. C’est un avantage pour moi d’avoir connu la misère, pour mieux apprendre Tes préceptes.

Le passage suivant, celui associé à la lettre Yod (versets 73 à 80), permet au psalmiste avant de conclure la première partie de ce psaume de faire encore l’éloge de la loi et de la protection divine comme le résume le verset 77 :

  1. Que Ta miséricorde s’étende sur moi et que je vive, puisque Ta Loi fait mes délices.

Le psalmiste conclut cette première partie du passage par le passage associé à la lettre Kaf (versets 81 à 88).

Le psalmiste ne peut que faire un bilan noir de la période déjà écoulée de la nuit et ne peut que s’inquiéter sur la dernière partie de celle-ci qui va commencer. L’utilisation des termes consumer et anéantir (quasiment) reflètent bien les générations de la nuit déjà écoulées, alors que la supplique « conserve-moi la vie » résume bien les générations à venir :

  1. Mon âme languit après Ton secours, c’est en Ta parole que je mets mon espoir.
  2. Mes yeux se consument dans l’attente de Ta parole, tandis que je dis : « Quand me consoleras-tu ? ».
  3. Car je suis comme une outre dans des flots de fumée : tes préceptes, je ne les ai point oubliés.
  4. Que donneront les jours de Ton serviteur ? Quand feras-Tu justice de mes persécuteurs.
  5. Des pervers m’ont creusé des fosses, au mépris de la Loi.
  6. Tous les commandements sont loyauté parfaite, eux me pourchassent sans motif : viens à mon aide.
  7. Peu s’en faut qu’ils ne m’aient anéanti sur terre, alors que moi, je n’ai point délaissé Tes préceptes.
  8. Fidèle à Ta bonté, conserve-moi en vie, et je respecterai le témoignage de Ta bouche

Après ce constat réaliste, le psalmiste aborde la deuxième demi-génération.

Cela commence par la partie associée à la lettre Lamed (versets 89 à 96). Ce premier passage résume les générations passées par le verset suivant :

  1. Si Ta Loi n’avait fait mes délices, j’aurais succombé dans ma misère.

Une fois ce rappel effectué, le psalmiste se tourne vers les dangers à venir par le verset suivant :

  1. Des méchants me guettent pour me perdre : je cherche à pénétrer le sens de Tes prescriptions.

Après un nouveau rappel du bienfait des commandements divins et donc de l’attachement à l’alliance divine du peuple d’Israël effectué dans la partie suivante du psaume associée à la lettre Mem (versets 97 à 104), le psalmiste revient sur les dangers (bien réels) qui menacent le peuple Juif sur les générations qui vont suivre et qui vont clore la nuit. Ainsi dans la partie suivante associée à la lettre Noun (versets 105 à 112) :

  1. Je suis extrêmement accablé, Éternel, conserve-moi en vie selon Ta parole
  1. Mon âme court sans cesse des dangers, et je n’ai point oublié la loi.
  2. Des méchants me dressent des pièges, pourtant je ne dévie point de Tes préceptes.

Dans les deux parties qui suivent associées aux lettres Samech (versets 113 à 120) et Haïn (121 à 128), le psalmiste cherche le soutien divin pour les générations à venir face aux malheurs annoncés :

  1. Soutiens-moi selon Ta promesse pour que je vive, et ne laisse pas mon espoir se changer en déception.
  1. J’ai pratiqué la justice et l’équité, ne m’abandonne pas à mes oppresseurs.

La partie suivante associée à la lettre Pè (versets 129 à 136), tout en continuant de faire l’éloge des commandements, réitère la demande du psalmiste de sortir de la nuit :

  1. Délivre-moi de l’oppression des hommes, pour que je puisse observer Tes préceptes.
  1. Mes yeux ont versé des torrents de larmes, parce qu’on n’observe pas Ta Loi.

Le psalmiste enchaîne dans la partie suivante associée à la lettre Tsadé (versets 137 à 144) sur la condition de paria qui s’aggrave pour le peuple Juif dans les générations à venir :

  1. Je suis chétif et méprisé (…)
  1. La détresse et l’angoisse m’ont atteint (…)

Dans la suite du psaume, la partie associée à la lettre Kof (versets 145 à 152), le psalmiste évoque bien ce que représente cette demi-génération qui commence, un espoir vers la délivrance finale (l’aurore) mais avec l’angoisse de la nuit à passer avant celle-ci, la partie de la nuit restant à passer n’étant pas la moins pénible :

  1. Je T’invoque de tout cœur, exauce-moi, Seigneur ! Je veux observer Tes préceptes.
  2. Je T’appelle, viens à mon secours, et je garderai Tes statuts.
  3. Dès l’aurore je m’empresse d’implorer, j’espère en Ta parole.
  4. Mes yeux devancent les veilles (de la nuit), pour méditer Ta parole.
  5. Daigne écouter ma voix, selon Ta bonté, Éternel ; fais-moi vivre selon l’arrêt de Ta justice.
  6. Ils m’approchent, ceux qui courent après l’infamie, ils s’éloignent de Ta Loi.

La partie suivante du psaume, celle associée à la lettre Resh (versets 153 à 160) permet de faire un bilan à nouveau de la situation du peuple Juif en exil. Il évoque également ceux qui ayant abandonné les rangs du peuple israélites viennent se joindre à leur ennemi comme cela a été déjà le cas en particulier pour Pablo Santa Maria (ex Salomon Ha Levi) et plus durement pour Geronimo de Santa Fé (ex Joshua Ha Lorki) d’autres suivront comme les Torquemada :

  1. Vois ma misère et tire-moi du danger (…)
  1. Nombreux sont mes persécuteurs et mes ennemis (…)
  2. J’ai observé les traîtres et j’en ai été écœuré (….)

Malgré la route qui s’annonce difficile (Des grands me persécutent / j’erre comme une brebis égarée), le psalmiste au nom du peuple d’Israël ne renonce pas à l’alliance quel qu’en soit le prix c’est ce qu’est exprimé dans les deux dernières parties du psaume, celles associées à la lettre Shin (versets 161 à 168) et la lettre Tav (versets 169 à 176) :

  1. Des grands me persécutent gratuitement, et mon cœur tremble devant Ta parole.
  2. Je me réjouis de Tes promesses, comme quelqu’un qui a trouvé un riche butin.
  3. Je hais le mensonge, je l’ai en horreur, c’est Ta loi que j’aime.
  4. Sept fois par jour je célèbre Tes louanges, en raison de Tes justes arrêts.
  5. Un grand bonheur attend ceux qui aiment Ta Loi : pour eux point de cause de chute.
  6. J’ai pleine confiance en Ton secours, Seigneur, et j’accomplis Tes commandements.
  7. Mon âme observe Tes témoignages, je les aime infiniment.
  8. J’observe Tes prescriptions et Tes statuts, car toutes mes voies sont sous Tes regards.
  1. Que mon hymne arrive jusqu’à Toi, Éternel, fais-moi comprendre le sens de Ta parole.
  2. Que ma supplication vienne devant Toi, sauve-moi selon Ta promesse.
  3. Mes lèvres laisseront s’échapper Tes louanges, car Tu m’enseignes Tes préceptes.
  4. Ma langue chantera Ta parole, car Tous Tes commandements sont équité.
  5. Puisse Ta main s’appliquer à me secourir, puisque j’ai fait le choix de Tes prescriptions !
  6. J’aspire à Ton secours, Éternel, et Ta loi fait mes délices.
  7. Que mon âme vive pour Te louer, que Tes jugements soient mon soutien.
  8. J’erre comme une brebis égarée : mets-Toi à la recherche de Ton serviteur ! Car je n’ai pas oublié Tes commandements.

Ce psaume qui marque la transition entre la période de la nuit qui s’est déjà écoulée à celle qui va suivre accompagnant la marche du monde vers le monde moderne est l’occasion pour le psalmiste, au nom du peuple d’Israël de réitérer l’attachement de celui-ci à l’alliance divine et à la loi qui lui a été confiée au Mont Sinaï.

Toutefois cet attachement vient combler la longue errance du peuple juif qui dans un premier temps s’en était éloigné attirant la nuit sur lui et la destruction. Le peuple Juif est revenu au sein de l’alliance dans l’espoir d’enrayer celle-ci mais la route est encore longue et la destruction n’est pas terminée même si elle ne sera ni totale ni définitive.

  • Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Bien que cette double génération puisse être considérée comme une pause dans la nuit du peuple d’Israël, cela ne l’épargne pas de son lot d’exactions.

C’est le cas en particulier dans les terres germaniques, sous l’égide de Capistrano, un des nombreux personnages de l’histoire ayant voué sa vie à combattre les Juifs :

  • À cette[9] accusation vint bientôt s’en ajouter une autre. Par haine contre ses anciens coreligionnaires, une Juive convertie déclara que les Juifs de Breslau avaient brûlé une fois une hostie, et qu’une autre fois ils avaient volé un garçon chrétien, l’avaient engraissé, enfermé et roulé dans un tonneau rempli de pointes acérées, jusqu’à ce qu’il eût rendu l’âme. Les meurtriers avaient alors pris de son sang pour en envoyer aux autres Juifs de la Silésie. Les autorités, encore qu’ils n’eussent fait aucune enquête, crurent à la réalité de ce crime. Trois cent dix-huit Juifs furent arrêtés dans diverses communautés de la Silésie, conduits à Breslau et jugés par Capistrano. De ces inculpés, quarante et un furent brûlés (2 juin 1453) sur le Salzring, aujourd’hui le Blücherplatz, où demeurait Capistrano. Le rabbin de la communauté conseilla à ses codétenus de se tuer ; lui-même se pendit. Toute la population juive fut expulsée de Breslau ; les enfants âgés de moins de sept ans avaient été arrachés à leurs parents, baptisés et confiés à des chrétiens pour être élevés dans la religion chrétienne.

L’action de Capistrano envers les enfants juifs fait des émules au cœur de l’Espagne:

  • Parmi ces ennemis[10], se distinguait, par sa violence et son acharnement, un moine franciscain, Alfonso de Espina, prédicateur à Salamanque, qui avait acquis une certaine notoriété en accompagnant comme confesseur le tout-puissant ministre Alvaro de Luna jusqu’au lieu d’exécution. Ce moine attaquait avec virulence les Juifs et leurs protecteurs par la parole et la plume. D’abord, il tonna contre eux du haut de la chaire. Quand il vit que ses prédications n’étaient pas suffisamment efficaces, il écrivit en latin, vers 1459, un libelle haineux contre les hérétiques, les Juifs et les musulmans, sous le titre de Fortalitium fidei, Forteresse de la foi. C’est un ramassis de toutes les absurdités, de toutes les calomnies, de toutes les fables inventées par les ennemis des Juifs. Dans ce réquisitoire, il demande l’extermination pure et simple des hérétiques et des musulmans. Il se montre plus clément à l’égard des Juifs, exigeant seulement, à l’exemple de Duns Scot et de Capistrano, qu’on leur enlève les jeunes enfants pour les élever chrétiennement. Roi, noblesse, clergé, il reproche à tous, avec la plus amère véhémence, leur bienveillance pour les Juifs, et, pour produire une plus profonde impression sur la foule, il affirme que, grâce à la protection du souverain, les Juifs peuvent impunément égorger des enfants chrétiens et profaner des hosties. Un apostat, Pedro de la Caballiera, de l’illustre famille juive Benveniste de la Caballiera, publia également un libelle de ce genre, sous le titre de Colère du Christ contre les Juifs. Ces excitations ne tardèrent pas à produire leur effet. Quand un moine, la croix en main, engagea les habitants de Medina Del Campo, près de Valladolid, à égorger la population juive, il fut immédiatement obéi. La foule se rua sur les Juifs, en brûla quelques-uns avec les rouleaux de la Loi, et pilla leurs biens (1461).

La génération 119 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 96 du Deutéronome:

  1. Tes fils et tes filles seront livrés à un autre peuple.

Paul David

[1] D’après www.histoiredesjuifs.com, rubrique « chronologie ».

[2] (préface de) Georges Duby : « Une histoire du monde médiéval ». Troisième partie : « Vieux empires et jeunes nations (XIV-XVe siècles) – Introduction ». (p. 325-326)

[3] John Julius Norwich : « Histoire de Byzance ». Chapitre : « Épilogue ». (p. 433)

[4] André Chouraqui : « Jérusalem, une ville sanctuaire ». Chapitre : « Sous le signe du croissant ». (p. 184)

[5] Voir DEUTÉRONOME Chapitre 17, versets 16 à 20

[6] (sous la direction de) Patrick Boucheron : « Histoire du monde au XVe siècle ». Chapitre de Pierre Monnet: « Le dernier couronnement d’un empereur à Rome» (p. 363 à 366)

[7] John Julius Norwich : « Histoire de Byzance ». Chapitre 29 : « La chute » (p. 424 et 426)

[8] (sous la direction de) Shmuel Trigano : « Le monde sépharade, II – Civilisation ». Chapitre de Moshe Amar: « La yeshiva en orient ». (p. 278-279)

[9] Henri Graetz : « HISTOIRE DES JUIFS / TROISIÈME PÉRIODE — LA DISPERSION ». Deuxième époque — La science et la poésie juive à leur apogée. Chapitre XIII — Une légère accalmie dans la tourmente — (1420-1472). (Extrait du site web : «histoiredesjuifs.com »)

[10] Henri Graetz : « HISTOIRE DES JUIFS / TROISIÈME PÉRIODE — LA DISPERSION ». Deuxième époque — La science et la poésie juive à leur apogée. Chapitre XIV — Recrudescence de violences à l’égard des Juifs et des Marranes — (1455-1485).. (Extrait du site web : «histoiredesjuifs.com »)