Résumé:

Cette génération est celle des années 410 à 430 après JC.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 68 associée au psaume 68. C’est dans ce psaume 68 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Au niveau des empires romains, cette génération est sous l’empreinte de Théodose II en ce qui concerne l’Empire d’Orient. Autre fils de Théodose 1er le Grand, Honorius a les rennes de l’empire d’Occident. Les deux sont sous influence. L’empire d’occident subit les attaques « barbares ». Aux Vandales, Alains et Suèves qui ont envahi la Gaule puis l’Espagne, vient s’ajouter les Wisigoths sous le commandement du roi Alaric qui procèdent au sac de Rome. Alaric est finalement vaincu et Honorius retourne à Rome.

A la résistance du pouvoir politique envers le pouvoir religieux vis-à-vis de l’attitude envers le Judaïsme, encore de mise à la génération précédente, succède une coopération à l’encontre des Juifs qui signe le nouveau statut des Juifs en terre chrétienne pour de nombreux siècles.

Le discours change, le judaïsme n’est plus directement une menace : le christianisme est devenu religion d’état et tout prosélytisme juif direct ou indirect est devenu impossible. Les nouveaux théologiens ne se contentent pas de leur victoire apparente, ils veulent fossiliser le judaïsme. Celui qui initialise ce virage est sans doute Jean Chrysostome. De son vivant il s’oppose au pouvoir en place à Constantinople, et principalement à l’impératrice Eudoxie, qui de mœurs assez libres, garde certaines limites avec la religion. Jean Chrysostome est exilé et rappelé plusieurs fois par l’impératrice avant de mourir en exil en 407 à la génération précédente. Avant cela, il rallie à sa cause le pape.

Sous Théodose II, politique et religieux se réunissent. Si encore des femmes contrôlent les rênes du pouvoir, celles-ci, à l’inverse d’Eudoxie, sont éprises à l’extrême de religion. Ainsi Pulchérie, sœur aînée de Théodose et réelle maîtresse du pouvoir. La prédication de Jean Chrysostome peut alors trouver un réel auditoire et remporter ainsi une victoire posthume sur le pouvoir qui l’avait combattu. Jean Chrysostome ne fait qu’initialiser un nouveau rapport du christianisme envers le judaïsme, il est vite relayé en particulier par Augustin, l’évêque d’Hippone, un des pères majeurs de l’Église.

Cette évolution politique et religieuse est accompagnée d’actes, puisque cette génération voit la première expulsion officielle de Juifs; celle des Juifs d’Alexandrie.

A cette génération la Rome impériale et païenne qui avait exprimé son mépris et son arrogance envers le peuple d’Israël tombe. A son tour après de nombreux autres ennemis avant elle. Le peuple d’Israël est toujours présent, déjà dispersé au sein des nations, et, prêt à affronter les tourments de la nouvelle puissance, de la nouvelle montagne qui se dresse : l’Occident chrétien.

De fait pendant que l’empire chrétien est en train de se consolider, l’orient prépare lui aussi son éveil au monothéisme qui donnera bientôt naissance à l’Islam.

L’éveil de l’Orient au monothéisme a commencé par la création du royaume Juif d’Himyar (ou plutôt judaïsant).

Dans Tabari, nous avons un récit de la conversion de ce royaume pendant le règne de son roi As’ad (400-440). Suivant ce récit, As’ad, alors idolâtre, mène une expédition pour détruire Médine. Deux docteurs Juifs, lui annoncent alors que ce n’est pas possible du fait de la venue prochaine du prophète de l’Islam. Impréssionné par leurs révélations, As’ad décide de se convertir au judaïsme. Le roi se dirige alors vers la Mecque et toujours en écoutant les conseils des docteurs Juifs refuse de détruire la ville, ces derniers lui explique alors le rituel à suive autour de la La Ka’ba. As’ad donne l’ordre d’enlever les idoles qui étaient dans le temple (La Ka’ba) et de le purifier, et il le fait couvrir d’étoffes. Avant lui, on n’avait jamais fait couvrir le temple d’étoffes ; c’est lui qui a inauguré cette coutume.

Cette légende est clairement évoquée dans le psaume de cette génération.

Développement:

Le sac de Rome

Au niveau des empires romains, cette génération est entièrement sous l’empreinte du règne de Théodose II (401-450, empereur en 408, fils de Théodose 1er « le Grand ») en ce qui concerne l’Empire d’Orient.

Le débute de ce règne est délégué à Anthémius, préfet du prétoire, jusqu’à sa mort en 414. De fait de cette date jusqu’en 433, le pouvoir était réellement exercé par Pulchérie, sœur aînée de Théodose. Autre fils de Théodose le Grand, Flavius Honorius a les rennes de l’empire d’Occident depuis 393, lui aussi sous l’influence de Stilicon, Général « barbare » de son armée.

Ce dernier meurt assassiné en 408. Honorius est alors confronté aux attaques barbares. Aux Vandales, Alains et Suèves qui ont envahi la Gaule puis l’Espagne, vient s’ajouter les Wisigoths sous le commandement du roi Alaric qui procéderont au sac de Rome en 410.

Cette génération commence donc par la chute symbolique de Rome. Alaric sera finalement vaincu et Honorius retournera à Rome en 420 grâce à Constantius qui sera nommé Coempereur et dont le fils Valentinien III succédera à Honorius.

Jean Chrysostome

A la résistance du pouvoir politique envers le pouvoir religieux vis-à-vis de l’attitude envers le Judaïsme, encore de mise à la génération précédente, succédera une coopération à l’encontre des Juifs qui signera le nouveau statut des Juifs en terre chrétienne pour de nombreux siècles.

De fait, ce retournement du pouvoir politique est accompagné d’un changement radical du discours théologique chrétien envers le Judaïsme.

Il y a toujours eu une certaine agressivité, celle-ci était jusqu’à présent surtout d’ordre concurrentiel.

Le discours change, le judaïsme n’est plus directement une menace : le christianisme est devenu religion d’état et tout prosélytisme juif direct ou indirect est devenu impossible. Les nouveaux théologiens ne se contentent pas de leur victoire apparente, ils veulent fossiliser le judaïsme. Celui qui initialise ce virage est sans doute Jean Chrysostome.

Bien que Jean Chrysostome soit plutôt de la génération précédente (344-407), c’est surtout après sa mort que son influence sera la plus forte.

En effet de son vivant il s’oppose au pouvoir en place à Constantinople, dont il devint le patriarche en 397, et principalement à l’impératrice Eudoxie, qui de mœurs assez libres, garde certaines limites avec la religion. Jean Chrysostome sera exilé et rappelé plusieurs fois par l’impératrice avant de mourir en exil en 407. Avant cela, il rallie à sa cause le pape.

Pulchérie

Sous Théodose II, politique et religieux se réunissent. Si encore des femmes contrôlent les rênes du pouvoir, celles-ci, à l’inverse d’Eudoxie, sont éprises à l’extrême de religion. Ainsi Pulchérie, sœur aînée de Théodose et réelle maîtresse du pouvoir.

La prédication de Jean Chrysostome pouvait alors trouver un réel auditoire et remporter ainsi une victoire posthume sur le pouvoir qui l’avait combattu. Jean Chrysostome ne fait qu’initialiser un nouveau rapport du christianisme envers le judaïsme, il est vite relayé en particulier par Augustin (354-430), l’évêque d’Hippone, un des pères majeurs de l’Église.

Cette évolution politique et religieuse est accompagnée d’actes, puisque cette génération voit la première expulsion officielle de Juifs :

  • En 414[1], l’évêque d’Alexandrie Cyrille, sous le prétexte de représailles contre une attaque juive, organisa un pogrom en miniature et fit expulser les Juifs de leur vieille capitale savante. C’était là, la première expulsion chassant les Juifs d’une ville, qu’ait enregistrée l’histoire.

Le Christianisme dominant

Avec cette génération s’initie un nouvel ordre en occident.

Le Christianisme qui jusqu’à présent était un simple concurrent au niveau doctrinal du judaïsme devient religion dominante, c’est-à-dire qu’il devient la doctrine du pouvoir et que le judaïsme devient à défaut de religion illicite une religion périmée, religion de vaincus.

Cela définit les nouveaux rapports très difficiles des Juifs avec le pouvoir en place en Occident chrétien (empires chrétiens d’Orient et d’occident, le nouvel orient est centré sur l’empire Perse favorable encore pendant quelque temps aux Juifs), siècles difficiles pour les Juifs qui progressivement seront soumis à un statut de paria.

Par rapport à cette nouvelle phase de la nuit, David réaffirme, dans le début du psaume de cette génération, sa confiance en Dieu, ceux qui se dressent contre le peuple Juif se dressent contre Dieu et finiront par subir sa colère :

  1. Au Chef des chantres. De David. Psaume. Cantique.
  2. Que Dieu se lève ! Que ses ennemis se dispersent, que ceux qui le haïssent s’enfuient devant sa face !
  3. Comme évanoui, se dissipe la fumée, comme la cire se fond au feu, ainsi périssent les méchants en présence de Dieu !

En face de l’adversité nouvelle, ou plutôt renforcée, les Juifs malgré ce qu’ils subissent renouvellent leur confiance en Dieu et David, dans la suite du psaume, rappelle l’alliance entre Dieu et son peuple qui garantit le sort final des Juifs (suite du psaume) :

  1. Mais que les justes se réjouissent, jubilent devant Dieu, et s’abandonnent à des transports de joie !
  2. Entonnez des chants à Dieu, célébrez son nom, exaltez Celui qui chevauche dans les hauteurs célestes, – ÉTERNEL, est son nom ! – et faites éclater votre allégresse devant lui.
  3. Dans sa sainte résidence, Dieu est le père des orphelins, le défenseur des veuves.
  4. Dieu donne un foyer à ceux qui vivent solitaires ; il rend la liberté avec le bien-être aux prisonniers, mais les rebelles restent confinés dans des régions arides.

Les montagnes des peuples

Malgré la dureté de l’exil qui se renforce par les changements politiques, David rappelle que par le passé les Juifs ont subi un exil encore plus dur en Égypte et que malgré ce que pouvaient penser les Égyptiens sur la déchéance des Juifs par rapport à Dieu, celui-ci se souvint de son alliance en temps voulu et les libéra.

De ce fait la déchéance apparente actuelle ne remet pas en question le rachat à venir par Dieu de son peuple (suite du psaume) :

  1. Ô Dieu, quand Tu sortis à la tête de Ton peuple, quand Tu T’avanças dans les solitudes lugubres, Sélah !
  2. La terre trembla, les cieux aussi se fondirent à la vue de Dieu, ce Sinaï lui-même, à la vue du Dieu d’Israël.
  3. Tu fis ruisseler, ô Dieu, une pluie bienfaisante ; ainsi toi-même tu restauras ton héritage, si épuisé.
  4. Tes légions s’y établirent, (dans ce domaine) que, dans Ta bonté, ô Dieu, Tu avais préparé pour ces malheureux.

Après l’épisode des explorateurs, lorsque les israélites prirent peur de conquérir la terre promise, Dieu faillit les exterminer et finalement les punit en les faisant errer dans le désert jusqu’à que la génération du désert s’éteigne et qu’une génération nouvelle puisse entrer en terre promise.

Se rendant compte de leur erreur, la génération du désert essaya alors de conquérir seule cette terre. Sans l’appui de Dieu, le combat était perdu d’avance.

A l’image de la montagne que les Israélites essayèrent de gravir seuls à cette occasion, Les montagnes des peuples sont trop hautes à gravir par le peuple d’Israël lorsque Dieu n’est pas à leur côté. Ainsi lorsque le peuple d’Israël a essayé de résister à Babylone, il faillit être exterminé si les prophètes d’alors n’avaient réussi à convaincre une partie du peuple à accepter la défaite et l’exil.

Par la suite Babylone tomba et le peuple d’Israël retrouva le chemin de sa terre. Israël essaya aussi de résister à Rome, la encore ce fut un massacre, Dieu n’était pas a ses côtés, tout du moins au niveau militaire.

Sans la ténacité de quelques sages qui fondèrent Yavné dans la tourmente, cela en était fini du peuple d’Israël.

Dans cette génération nous voyons la Rome impériale et païenne qui avait exprimé son mépris et son arrogance envers le peuple d’Israël tomber à son tour.

Le peuple d’Israël est toujours présent, déjà dispersé au sein des nations, et, prêt à affronter les tourments de la nouvelle puissance, de la nouvelle montagne qui se dresse : l’Occident chrétien.

Quelle que soit la défaite apparente que subira au cours des siècles le peuple d’Israël en face de ce nouveau géant, Israël sait que son Dieu ne l’oublie pas et que comme l’Égypte des Pharaons, Babylone ou la Rome païenne, l’occident finira par être vaincu non pas par les armées d’Israël mais par la volonté divine qui rabaissera ses prétentions et rappellera la vraie et seule grandeur, celle de Dieu et de Jérusalem sa résidence comme indiqué dans les prédictions d’Isaïe.

La montagne de Séir

Le sort final d’Israël au sein des nations et en particulier face à la nouvelle Rome (Edom/Séir), symbole de l’occident chrétien est confirmé par Ézéchiel, qui a travers le portrait de Séir donne une image relativement fidèle du nouvel empire d’occident qui se revendique « Verus Israël », pensant le sort du peuple d’Israël définitivement acquis :

  • La[2] parole de l’Éternel me fut adressée en ces termes : « Fils de l’homme, dirige ta face vers la montagne de Séir et prophétise sur elle. Tu lui diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Me voici contre toi, montagne de Séir ! J’étendrai ma main sur toi et je ferai de toi une solitude et un désert. De tes villes je ferai une ruine, et toi, tu seras une solitude ; tu sauras ainsi que je suis l’Éternel, Parce que tu nourrissais une haine invétérée et que tu as précipité les enfants d’Israël sous le tranchant de l’épée, au jour de leur malheur, à l’heure où le crime a pris fin, c’est pourquoi, par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je te mettrai à sang et le sang te poursuivra ! Puisque tu n’as pas eu horreur du sang, le sang te poursuivra ! Je ferai de la montagne de Séir un désert et une solitude, et j’en extirperai tout allant et venant. Je joncherai ses hauteurs de ses cadavres ; sur tes collines et tes vallées, dans tous les ravins tomberont les victimes du glaive. Je ferai de toi des ruines éternelles et tes villes ne seront pas restaurées ; ainsi vous saurez que Je suis l’Éternel. Parce que tu disais : « Les deux nations et les deux pays seront à moi et nous en hériterons », – or, l’Éternel était là — c’est pourquoi, par ma vie, dit le Seigneur Dieu, j’agirai conformément à ta fureur et à ta jalousie qui t’ont fait agir dans la haine que tu leur portais, et je me ferai connaître parmi eux, lorsque je te jugerai. Et tu sauras que Moi, l’Éternel, j’ai entendu tous les outrages, que tu as proférés contre les montagnes d’Israël, en disant : « Elles sont dévastées, c’est à nous qu’elles sont livrées en proie ! » Vous en avez plein la bouche contre Moi, vous avez accumulé contre Moi vos propos ; Moi, Je l’ai bien entendu. »
  • Ainsi donc parle le Seigneur Dieu : « Pendant que toute la terre sera dans la joie, je ferai de toi un désert. De même que tu t’es réjoui au sujet de l’héritage de la maison d’Israël, parce qu’il était dévasté, ainsi te ferai-Je, tu seras une solitude, montagne de Séir, ainsi qu’Edom tout entier. Ils sauront alors que Je suis l’Éternel. »
  • Or toi, fils de l’homme (Ézéchiel), prophétise sur les montagnes d’Israël et dis-leur : Montagnes d’Israël, écoutez la parole de l’Éternel ! Ainsi parle le Seigneur Dieu : Parce que l’ennemi s’est écrié sur vous : « Ha ! Enfin ces hauteurs antiques nous sont échues en héritage ! » C’est pourquoi prophétise et dis : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Parce que, oui, parce que de tous côtés on voulait vous dévaster et vous happer, pour vous échoir en héritage aux autres nations et que vous avez fourni un texte aux coups de langue et aux mauvais propos des gens, c’est pourquoi, montagnes d’Israël, écoutez la parole du Seigneur Dieu : Ainsi parle le Seigneur Dieu aux montagnes et aux collines, aux ravins et aux vallées, aux ruines désolées et aux villes délaissées, qui sont devenues la proie et la risée des autres nations établies à l’entour.
  • […] Et Je ne te laisserai plus entendre les insultes des nations ; les outrages des peuples, tu ne les subiras plus, et tes populations, tu ne les feras plus trébucher, dit le Seigneur Dieu.

C’est cette conclusion qui ne manquera pas de clore la nouvelle ère qui s’ouvre que David rappelle dans la suite du psaume en condamnant tout d’abord l’arrogance des nations envers le peuple d’Israël qui devient plus agressive à partir de cette génération:

  1. Le Seigneur fit entendre sa parole, des messages de bonheur en grande quantité :
  2. « Les rois des armées se sont enfuis, enfuis ! Et celle qui garde la maison répartit le butin.
  3. Resterez-vous immobiles entre les parcs de troupeaux, ô vous, ailes de la colombe, plaquées d’argent, dont les pennes ont la couleur éclatante de l’or fin ?
  4. Quand le tout-puissant dispersa les rois, le Çalmon était couvert de neige.
  5. Montagnes de Dieu, montagnes de Basan, montagnes aux croupes élevées, montagnes de Basan !
  6. Pourquoi, montagnes aux croupes élevées, pourquoi jalousez-vous la montagne que Dieu a désirée pour sa résidence? » (…)
    • David fustige l’orgueil des nations qui pensent dominer le peuple d’Israël. Cette domination est illusoire et sera éphémère. Le bon droit du peuple d’Israël finira par être restauré.

Mais cette arrogance ne déstabilise par la foi de David et de son peuple envers son Dieu, tel qu’exprimé dans la suite du psaume ou David interprète l’épreuve endurée par son peuple comme une preuve de confiance de Dieu :

  1. (…) Oui, Il y demeurera toute l’éternité.
  2. Les chars de Dieu se comptent par myriades et milliers répétés, avec eux le Seigneur se rend sur le Sinaï, dans le sanctuaire.
  3. Tu es remonté dans les hauteurs, après avoir fait des prises ; Tu as reçu des dons parmi les hommes ; même des rebelles (sont contraints) de demeurer près de l’Éternel, près de Dieu,
  4. Loué soit le Seigneur ! Jour par jour il nous accable (de ses bienfaits), lui le Dieu de notre salut. Sélah !
  5. Le Tout-Puissant est pour nous un Dieu sauveur, grâce à Dieu, notre Seigneur, on échappe à la mort.

Dieu épargnera son peuple de la destruction et si les nations peuvent croire en sa déchéance pendant la longue nuit qu’il traverse, la résurrection est au rendez-vous, comme l’indique la suite du psaume :

  1. Mais Dieu fracasse la tête de ses ennemis, le crâne chevelu de quiconque suit une voie criminelle.
  2. Le seigneur a dit : « De Basan, Je ramènerai (mon peuple), Je le ramènerai des profondeurs de la mer,
  3. pour que ton pied baigne dans le sang et que la langue des chiens ait sa part (dans les dépouilles) des ennemis.
  4. On a vu Ta marche triomphale, ô Dieu, la marche de mon Dieu, de mon Roi, en son sanctuaire.
  5. En tête sont les chanteurs, puis viennent les joueurs d’instruments, au milieu de jeunes filles battant du tambourin.
  6. « Dans vos groupes, Bénissez Dieu ! Bénissez le seigneur, (vous tous issus) de la source d’Israël !
  7. Là c’est Benjamin, le plus jeune, qui dirige (la procession), les princes de Juda s’avancent avec leurs frondeurs, puis les princes de Zabulon, les princes de Nephtali. »
  8. L’Éternel a décrété la victoire, c’est un triomphe, ô Dieu, que Tu as préparé pour nous.

La Ka’ba

De fait pendant que l’empire chrétien est en train de se consolider, l’orient prépare lui aussi son éveil au monothéisme qui donnera bientôt naissance à l’Islam.

Cette dualité Orient/Occident et Christianisme/Islam permettra d’une part un certain équilibre du monde et d’autre part permettra aux nations de progresser à la fois vers la civilisation et le monothéisme en évitant une hégémonie irréversible des uns ou des autres.

L’éveil de l’Orient au monothéisme a commencé par la création du royaume Juif d’Himyar (ou plutôt judaïsant, il est vraisemblable que la religion pratiquée était assez librement adaptée du judaïsme que nous connaissons, mais revendiquait toutefois la reconnaissance d’un Dieu unique). Dans Tabari, nous avons un récit de la conversion de ce royaume pendant le règne du roi As’ad (400-440) :

  • Il[3] y avait dans le Yémen un roi Himyarite, nommé As’ad […] Il sortit du Yémen, à la tête de sa nombreuse armée et se dirigea vers le Hedjaz (région de l’Arabie où sont situés La Mecque et Médine). Il était adonné à l’idolâtrie, de même que toute l’Arabie, le Hedjaz, La Mecque et Médine ; seulement dans le voisinage de La Mecque et de Médine, il y avait des Juifs, dont les ancêtres étaient venus s’établir dans le Hedjaz, lors de leur fuite devant Nabuchodonosor. Ils avaient fondé quelques bourgs, comme Khaibar, Fadak, Qoraizha, Wâdî’l-Qora, Nazhir et Yambou, qui étaient tous en la possession des Juifs, qui suivaient la religion de Moïse. […] Alors (après que subissant quelques échecs en essayant de détruire Médine, As ‘ad doute sur son entreprise) deux hommes d’entre les docteurs juifs se présentent devant le Tobba (surnom d’As ‘ad) et lui dirent : Ô roi, tu ne peux pas détruire cette ville. Il demanda : Pourquoi ? Ils répondirent : Parce qu’il surgira d’entre les Qorayshites un prophète nommé Mohammed, sur le territoire de La Mecque ; les Qorayshites le chasseront de la ville : il viendra à Médine, y séjournera et il y aura sa maison et sa famille. C’est en son honneur que Dieu garde la ville ; nous l’avons ainsi trouvé dans le Pentateuque. Le roi dit : Qu’est-ce que le Pentateuque ? Ils répondirent : C’est le livre de Dieu que Moïse a reçu du ciel. Ensuite ils exposèrent au Tobba la religion de Moïse. Cette religion lui plut, et il adopta le judaïsme, en cessant d’adorer les idoles. Il engagea toutes ses troupes à embrasser le judaïsme ; ce qu’ils firent. Puis il dit à ces deux Juifs : il faut que vous veniez avec moi le pays du Yémen, afin de convertir tout le pays à cette religion. Ils consentirent à l’accompagner et il les combla de marques de bienveillance et de cadeaux. Il leur dit : Pourquoi n’appelez-vous pas les gens de Médine à cette religion ? Ils répondirent : ces hommes croiront par Mohammed.
  • (arrivés à La Mecque, les Arabes Hodsaïlites essaient de le piéger en lui conseillant de détruire la ville) Le Tobba fit appeler les docteurs juifs et leur soumit les paroles des Hodsaïlites. Les docteurs dirent : Ô roi, ceux-là veulent te faire périr par là ; car ce temple (La Ka’ba de La Mecque) est un temple de Dieu, qui ne permet à personne de s’en emparer. Ne suis pas leurs paroles ; entre dans La Mecque ; accomplis les processions autour du temple ; rase-toi la tête, et témoigne au temple ton respect ; ensuite éloigne-toi d’ici. Le roi suivit leur conseil. Il fit amener les Hodsaïlites et leur fit couper les mains et les pieds. Lui, ainsi que son armée, entra dans la ville, fit la procession autour du temple, se rasa la tête et offrit des sacrifices. Puis il donna ordre d’enlever les idoles qui étaient dans le temple et de le purifier, et il le fit couvrir d’étoffes. Avant lui, on n’avait jamais fait couvrir le temple d’étoffes ; c’est lui qui a inauguré cette coutume.

En évitant de faire la part en la réalité et la légende dans ce récit, il ressort tout de même que les Juifs ont largement contribué à l’émergence du monothéisme en orient et qu’ils ont largement défendu l’expansion de l’Islam même.

Si celle-ci ne se fera pas sans heurts avec les Juifs, elle leur sera globalement salutaire en agissant comme un contrepoids à l’expansion du christianisme.

L’éveil des nations à la connaissance de Dieu que ce soit dans l’Occident chrétien ou l’orient qui s’initie au monothéisme est évoqué dans la suite du psaume :

  1. De Ton sanctuaire, (Tu veilles) sur Jérusalem ; à Toi les rois apportent des présents.

Et David continue à évoquer les anciens peuples idolâtres qui se tournent vers le culte de Dieu (le bœuf est assimilable au prêtre, le veau est donc un « jeune » prêtre qui symbolise la conversion récente de ses peuples, tandis que l’argent évoque les anciennes offrandes idolâtres).

  1. Rabroue[4] l’animal de la jonchaie, la bande de meneurs avec les veaux des peuples qui se vautrent pour des lingots d’argent. Disperse les peuples qui désirent les batailles.

Tabari nous indique par ailleurs l’origine des Juifs du Hedjaz :

  • Le[5] roi d’Égypte engagea la bataille (contre Nabuchodonosor qui le menaçait) ; il fut vaincu et tué. Nabuchodonosor pilla toute l’Égypte, tua les habitants ou les fit prisonniers, et tous ceux des Israélites qu’il rencontra, il les emmena en captivité. Mais quelques-uns d’entre eux se sauvèrent de la Syrie et de l’Égypte et se rendirent dans le Hedjaz, et, depuis cette époque, les Juifs sont restés dans le pays de Yathrib, là où se trouve Médine. Ils y construisirent des villes, comme Khaibar, Fadak, Qoraïta et Wâdî’l-Qora. Ils y sont restés jusqu’à ce jour.

En s’appuyant sur ce récit ainsi que le récit précédent de l’habillage de la Ka’ba, qui est à situer sur la présente génération, nous pouvons aborder la fin du psaume de cette génération qui y fait écho :

  1. Les comptables[4] de Misraïm apportent les tissus azuréens, (…)
    • Misraïm (Égypte) et la couleur des tissus évoquent l’origine des Juifs du Hedjaz et leur contribution à l’habillage de la Ka’ba qui a pour but principal de retirer le culte païen qui lui était associé (les idoles sont détruites).
  1. (…) Koush[4] dépêche de ses mains l’offrande d’Élohim.
    • Si l’on se réfère à la Genèse[6] (« Le nom du deuxième fleuve : Ghihôn ; c’est celui qui coule autour du pays de Couch »), Koush désigne plutôt l’Arabie du Sud-ouest, soit approximativement l’empire Himyar à l’époque qui nous intéresse. Le verset fait alors allusion aux offrandes du roi Himyar à l’Éternel.
  2. Ô royaumes de la terre, entonnez des chants à Dieu ! Célébrez le Seigneur, Sélah !
    • Cette génération donne le ferment de la vénération de Dieu aussi bien en Orient qu’en Occident.
  3. (Célébrez) Celui qui chevauche les cieux antiques ; voici qu’Il fait retentir sa voix, une voix formidable.
  4. Proclamez la puissance de Dieu ; Sa majesté s’étend sur Israël, et Sa force éclate dans les nuées.
  5. Tu apparais redoutable, ô Dieu, du fond de Ton sanctuaire ; le Dieu d’Israël octroie force et vigueur au peuple. Que Dieu soit béni !
    • David ne peut que louer une nouvelle fois Dieu qui dans cette génération montre la suprématie de sa guidance sur les nations.
  • Cette génération fait partie de la 2ème garde de la nuit (générations 50 à 98).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Cette génération, voit sous l’influence des premiers pères de l’Église se développer au sein du christianisme de nouveaux discours où le peuple d’Israël perd sa place de rival au profit d’une position de paria abandonné par son Dieu au profit du nouvel Israël.

La génération 68 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 107 du Deutéronome:

  1. Tu seras un sujet de stupéfaction, (de parabole) (et de conversation) parmi tous les peuples vers lesquels l’Éternel te conduira.

Paul David

[1] SW Baron/Histoire d’Israël – II, Les premiers siècles de l’ère chrétienne/Chapitre : « Début u système médiéval » (p.846)

[2] ÉZÉCHIEL, Chapitre 35 puis Chapitre 36, versets 1 à 4 puis 15

[3] Tabari/Histoire des prophètes et des rois : De Salomon à la chute des Sassanides/Chapitre : « Le Tobba fait un pèlerinage à la Ka’ba et la fait couvrir (p. 251-253)

[4] versets suivant la traduction de A. Chouraqui

[5] Tabari/Histoire des prophètes et des rois : De Salomon à la chute des Sassanides/Chapitre : « Histoire de Lohrasp (p. 58-59-)

[6] GENÈSE Chapitre 2, verset 13