Résumé:

Cette génération est celle des années 450 à 470 après JC.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 70 associée au psaume 70. C’est dans ce psaume 70 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

À Byzance, Marcion succède à Théodose II. Il refuse de payer tribut à Attila, espérant que celui-ci ayant des vues sur l’empire d’Occident ne perdrait pas de temps pour une expédition punitive en Orient. Il gagne son pari. L’empire d’Occident a moins de chance : Attila franchit le Rhin. Le généralissime Aétius le défait à la bataille des Champs Catalauniques. Attila se retire dans son royaume pour y mourir.

Aetius est assassiné en 454, avec lui c’est l’empire d’Occident qui agonise. Rome est prise par les Vandales le 2 juin 455 et est ainsi pillée une troisième fois pendant trois semaines.

Marcion, qui s’est débarrassé de la menace d’Attila, combat « l’hérésie » monophysite (nature humaine et divine du christ ne font qu’un) qui divisa la société byzantine. Cette querelle qui monopolise les empereurs Byzantins jusqu’à l’avènement de Justinien 1er permet aux Juifs de jouir d’une paix relative pendant cette période.

En Perse, Pérôz succède à Yasdegerd II, il poursuit sa politique hostile aux Juifs. Apparaît alors pour la première fois en Babylonie, vers 450, l’incorporation du Chéma (« Écoute, ô Israël ») dans la Qedushah qui est encore récitée trois fois chaque jour par les Juifs orthodoxes contemporains. Profession de foi en contradiction avec les croyances perses d’alors.

Développement:

Les Champs Catalauniques

À Byzance[1], le règne de Théodose II s’arrête brusquement, il meurt accidentellement, pour laisser place à celui de Marcion (451-457).

Contrairement à son prédécesseur, Marcion refuse de payer tribut à Attila, espérant que celui-ci ayant des vues sur l’empire d’Occident ne perdrait pas de temps pour une expédition punitive en Orient. Il gagne son pari.

Par rapport à la menace des Huns, l’empire[2] d’Occident a moins de chance : Attila franchit le Rhin en 451 et subit la défaite dans la bataille des Champs Catalauniques suite à laquelle il se retire dans son royaume pour mourir en 453.

Cela se passe sous le règne de Valentinien III (425-455), largement influencé pendant sa fin de règne par Aetius, Chef de l’Armée Impériale.

C’est le généralissime Aetius qui défait Attila, il avait déjà vaincu en 440 les Francs Saliens, maîtres du nord de la Belgique quand ils voulurent s’étendre vers le sud. Aetius est assassiné en 454, avec lui c’est l’empire d’Occident qui agonise.

Rome est prise par les Vandales le 2 juin 455 et est ainsi pillée une troisième fois pendant trois semaines.

L’hérésie monophysite

Marcion, qui s’est habilement débarrassé de la menace d’Attila combat « l’hérésie » monophysite (nature humaine et divine du christ ne font qu’un) qui divisa la société byzantine.

Cette querelle qui monopolise les empereurs Byzantins jusqu’à l’avènement de Justinien 1er (527-565) permit aux Juifs de jouir d’une paix relative pendant cette période.

Léon couronné à Byzance en 457 essaiera de punir les vandales treize ans après le sac de Rome, mais du fait d’une ruse de ces derniers, son expédition se transformera en cuisante défaite ; les vandales arrivant à mettre le feu à la flotte byzantine, riche de mille bateaux et cent mille hommes, ancrée au port de Mercurien.

La Perse toujours hostile aux Juifs.

Dans ce même temps Pérôz (457-484) succède à Yasdegerd II dans l’empire Sassanide qui poursuit sa politique hostile aux Juifs.

C’est l’ensemble de cette situation que reflète le début du psaume de cette génération, d’une part la situation bien fragile des Juifs que ce soit dans les empires chrétiens ou dans l’empire Sassanide. D’un autre côté, ces empires subissent la pression externe des peuples « barbares » et sont menacés chez eux.

Ceux qui profitaient de leur domination pour avilir le peuple Juif sont eux-mêmes défaits chez eux à l’image de Rome autrefois rayonnante qui aujourd’hui est mise à terre, Byzance n’étant pas mieux lotie dans ses batailles.

C’est l’objet du début du psaume de cette génération :

  1. Au Chef des chantres. De David. Pour la Commémoration.
  2. (Consens), ô Dieu, à me sauver ; Éternel, hâte-toi de me porter secours.
  3. Qu’ils soient confondus et couverts de honte, ceux qui attentent à ma vie : qu’ils lâchent pied et reculent, en rougissant, ceux qui souhaitent mon malheur !
  4. Qu’ils s’en retournent, punis par leur honte, ceux qui disent de moi : « Ha ! Ha ! »

Écoute, ô Israël 

Alors que l’occident subit revers internes et externes, les Juifs de Perse, malgré la pression exercée par le pouvoir Sassanide réitère sa foi en Dieu en renforçant ses prières :

  • Mais[3] il y eut aussi une modification permanente très intéressante : l’incorporation du Chéma (« Écoute, ô Israël ») dans la Qedushah qui est encore récitée trois fois chaque jour par les Juifs orthodoxes contemporains. Apparaissant pour la première fois en Babylonie vers 450 de l’ère chrétienne, ce changement fut indubitablement le résultat de quelque prohibition perse qui visait la récitation, de cette profession de foi monothéiste, capitale et si choquante pour les parsis (perses) dualistes. De telles modifications forcées étaient suffisamment nombreuses pour que les rabbis, spécialement ceux de l’époque post-talmudique, dussent expliquer constamment les déviations liturgiques par une phrase stéréotypée : « Ils modifièrent cela au temps d’une persécution religieuse » même lorsqu’ils ne disposaient d’aucune donnée historique pour confirmer ce rapport.

C’est cette défiance des Juifs envers leur persécuteur au profit de l’alliance avec Dieu que David évoque dans la suite du psaume :

  1. Mais qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te recherchent ! Qu’ils disent constamment : « Dieu est grand », ceux qui aiment ta protection.

Toutefois cette foi renouvelée n’est pas associée à une fin des exactions à leur encontre :

  • Dans[4] la seconde moitié du Ve siècle, en Babylonie, la plupart des Juifs d’Ispahan, ville qui mène à Téhéran à partir du golfe Persique, furent massacrés car ils avaient été accusés d’avoir tué deux mages. Le représentant des exilés fut assassiné par un roi Sassanide. En 468, de nombreuses synagogues furent détruites dans le pays, des enfants furent enlevés pour devenir prêtres de Mazda, l’étude de la Torah fut interdite.

Et également :

  • (Certes),[5] les chroniqueurs gaoniques comme l’Iggeret de Rav Scherira Gaon décrivent une série de persécutions anti-juives au cours du Ve siècle qui commencèrent sous le règne de Yasdegerd II et se poursuivirent sous celui de son fils Pérôz. L’observance du Shabbat fut interdite, les synagogues fermées, et les enfants juifs capturés pour servir dans les temples du feu.

C’est face à cette menace toujours présente que David conclut sur une prière à Dieu afin que son intervention ne soit pas trop tardive :

  1. Quant à moi, pauvre et malheureux, ô Dieu, hâte-toi en ma faveur ; Tu es mon aide et ma sauvegarde : Éternel n’attend pas trop longtemps.
  • Cette génération fait partie de la 2ème garde de la nuit (générations 50 à 98).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Après avoir subi la dispersion au sein des nations (objet de la malédiction 135 dont la malédiction 136 ici évoquée est consécutive), le peuple Juif est forcé de servir les dieux de ces nations, comme en particulier les enfants enlevés au profit du culte de Mazda.

La génération 70 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 136 du Deutéronome:

  1. (et) tu serviras là-bas les dieux des autres que tu ne connaissais pas, ni toi ni ton père, de bois et de pierre.

Paul David

[1] D’après John Julius Norwich/Histoire de Byzance/Chapitre : « Les premiers siècles » (p. 65/66) et Peter Schäfer/Histoire des Juifs dans l’antiquité/Chapitre « Justinien 1er » (p217)

[2] D’après Marcel Le Glay/Rome II- Grandeur et chute de l’Empire/Chapitre : « Les barbares et la chute de Rome » (p. 869 à 878)

[3] SW Baron/Histoire d’Israël – II, les premiers siècles de l’ère chrétienne/Chapitre : « Début du système médiéval » (p. 836)

[4] Chaïm Potok/Une histoire du Peuple Juif (p378)

[5] David Biale/Les Cultures des Juifs/Chapitre : « Culture rabbinique à Babylone » d’Isaïah Gafni (p.238)