Si la solution finale ne peut s’ancrer au Moyen Orient du fait des revers de l’armée allemande, la coopération entre musulmans et nazis pu donner sa pleine mesure dans les Balkans.

La perméabilité au nazisme était ainsi présente dans le monde musulman des Balkans bien avant la Seconde Guerre mondiale. La capitulation yougoslave le 17 avril 1941 provoque des scènes de liesse chez les Albanais qui rêvent d’épuration ethnique :

  • Fejgi Alizoti[1], élevé au statut de haut-commissaire de Macédoine orientale, ancien préfet de l’administration ottomane […] planifie la destruction méthodique de plus de cinquante lieux de culte, églises, cimetières juifs et orthodoxes. […] Il demande officiellement (en mai 1941) à Berlin et Rome de pouvoir éradiquer de la région toute présence non-musulmane.
  • Les musulmans de Bosnie vont eux se rallier sans problème de conscience au nouveau gouvernement raciste de Croatie, les Oustachis sous la direction de Pavelic, en participant aux massacres de Serbes et de Juifs. On estime que les Oustachis ont tué près de 300 000 Serbes et 70 000 Juifs. Ces chiffres font de la Croatie des Oustachis le régime le plus sanglant de toute l’Europe hitlérienne.
  • De nombreux[2] dignitaires musulmans firent le choix du soutien au régime oustachi. Le 10 avril 1941, lors de l’instauration de l’« État indépendant de Croatie », le reïs-el-uléma Fehim Spaho, chef religieux des musulmans de Bosnie, avait enjoint des fidèles, à la mosquée Gazi Hüsrev de Sarajevo, à rendre grâce « au Dieu tout-puissant pour la fondation de l’État indépendant de Croatie » et à le prier « dans la plus grande humilité afin qu’il le protège à jamais ». […] Des Oustachis musulmans participèrent ainsi aux massacres de Serbes et de Juifs en Bosnie Herzégovine dès l’été 1941 et jusqu’en 1944. Les autorités oustachies avaient en effet établi que les musulmans devaient être le fer de lance du nettoyage ethnique des Serbes en Bosnie-Herzégovine.

Il en est de même en Albanie :

  • Sous la direction[3] de Midhat Frashëri et Ali Klisura, le Comité Kosovo puis le BK, développe une politique d’épuration ethnique, mettant en avant l’islamisme et le caractère présumé pur de l’ethnie albanaise musulmane. Systématiquement, et sans que les Italiens ne protestent beaucoup, les églises orthodoxes multi-centenaires sont détruites, les cimetières rasés, les synagogues des Juifs sépharades subissent le même sort. Il est bien difficile de quantifier le nombre des victimes dues aux milices albanaises mais selon les sources historiques yougoslaves, il y aurait eu entre 30 000 et 40 000 morts au Kosovo-Métochie des suites de la politique de nettoyage ethnique menée entre l’été 1941 et l’été 1944. Cette politique d’éradication des non-albanais musulmans correspond à un plan préétabli par Bedri Pejani, chef de file des comités pan-albanais au Kosovo. Ce dernier prône l’union de la Bosnie musulmane, du Sandjak vidé de ses Serbes et de la grande Albanie en une confédération panislamique balkanique s’insérant dans l’Europe nouvelle de l’Axe.

Ainsi la participation active des musulmans Bosniaques au régime pro-nazi Croate donne l’opportunité aux Allemands d’aller plus loin encore dans l’intégration des forces musulmanes par la création de division SS essentiellement musulmanes.

Intégrer des divisions SS ne peut résulter d’un simple calcul politique mais bien d’une adhésion forte aux principes idéologiques du nazisme, ce n’est vraisemblablement pas par hasard si la décision de la création de ses unités musulmanes est synchronisée avec la décision officielle de lancer la « solution finale » :

  • Heinriche Himmler[4] commença à nourrir le projet de création d’une division de Waffen-SS composée de musulmans bosniaques volontaires dès le mois de décembre 1942. Pour Hitler, l’idée de cette division permettait de répondre indirectement aux velléités des autonomistes musulmans de Bosnie-Herzégovine auxquels il avait précédemment refusé la création d’une Bosnie autonome, rattachée au Reich. Il donna donc son aval à la création de la division le 10 février 1943. Celle-ci fut nommée Kroatische SS-Freiwilligen Division, c’est-à-dire « Division de volontaires SS Croates ».

Dans[4] un discours qu’il fit aux imams, Hadj Amine el-Husseini (Le mufti de Jérusalem) exposait clairement ce qu’il attendait des imams (de la division SS) :

  • […] Vous conduirez vos camarades avec le mérite et la vertu islamique qui ont contribué au progrès de l’humanité, comme l’Histoire l’a montré. Vous avez également un autre devoir qui est de grande importance. Ce devoir est le renforcement de la coopération entre les musulmans et leur allié, l’Allemagne. Cette coopération nous permettra, avec l’aide de Dieu, d’atteindre nos objectifs.

Cette nouvelle division SS prendra rapidement une identification plus musulmane :

  • Elle prend[5] rapidement pour nom « Handschar », dénomination du terrible sabre recourbé, le yatagan, des janissaires turcs du XIVe siècle. Cette arme figurera sur le col des nouveaux volontaires, couplé à une staviska qui indiquent sans ambages que ces soldats SS sont des musulmans de Bosnie. […]
  • Le 1er novembre 1942, le Comité national islamiste de Sarajevo adresse au Führer un mémorandum qui déclare que « les Bosniaques musulmans de Bosnie font partie des 300 millions de ressortissants du peuple islamique de l’Est qui ne pourra accéder à la liberté que par la lutte contre l’impérialisme anglais, la juiverie, la franc-maçonnerie et le bolchévisme, guidée par le peuple allemand sous la direction de son Führer ».Ce document constate que c’est de son plein gré que la Bosnie-Herzégovine est entrée dans la composition de l’État croate, tout en plaidant pour l’instauration d’un État national-socialiste bosniaque.
  • Le recrutement démarre sur les chapeaux de roues avec l’aide des autorités religieuses locales. « La seule voie pour la jeunesse musulmane est celle d’Hitler et Pavelic », explique l’imam Muhammad Pacha, autorité morale incontestée en Bosnie. […]
  • Le conseil de révision de la SS, en charge de valider l’engagement des volontaires, est débordé aux premiers jours de mai 1943, tant les candidats sont nombreux. Le 1er bataillon du régiment 28 de la division SS est essentiellement composé d’Albanais. On les affuble d’un fez spécifique : l’Albanenfez. Ces derniers font tellement bonne impression au commandant de la division qu’ils sont désignés d’office pour faire un exercice de démonstration devant Himmler en personne en janvier 1944 au camp de Neuhammer. Il n’y aura jamais un seul « malgré nous » dans les rangs de la SS bosniaque.

La division Handschar n’est pas la seule division essentiellement musulmane. Sur son modèle les nazis créent une nouvelle division SS musulmane, la division albanaise Skanderbeg qui dès qu’elle est opérationnelle procède à l’épuration ethnique au Kosovo en s’en prenant à une des plus anciennes communautés sépharades, celle de Pristina :

  • Du côté[6] des Albanais, l’idée de former une unité de Waffen-SS fait aussi (après l’exemple bosniaque) son chemin. Du reste, la formation d’une unité SS albanaise a toujours été dans les intentions du SS-FHA (commandement). […]
  • Sur plus de 10 000 volontaires albanais, seulement 9275 sont déclarés aptes au conseil de révision et 6491 passent les tests de sélection en vigueur au sein de la Waffen-SS. Ce sont majoritairement des Albanais du nord et du Kosovo […] qui forment les premières recrues de cette nouvelle unité de montagne. À cela s’ajoutent les quelque 2 000 Waffen-SS albanais qui s’étaient portés volontaires pour intégrer la division bosniaque Handschar au printemps 1943. […] Fort de son expérience de la lutte contre les partisans en Bosnie orientale, ce contingent de Waffen-SS albanais est libre de rejoindre la future division Skanderbeg. […]
  • C’est en Bosnie que débute l’instruction des jeunes recrues encadrées par les vétérans de la Prinz Eugen et des musulmans de la Handschar. Ceux-là formeront les futurs sous-officiers de la division. Comme pour la division SS bosniaque, des autorités religieuses musulmanes sont incorporées dans cette unité à raison d’un imam (Feldgeistliche) par bataillon et un mollah par régiment.
  • Dès qu’elle est formée, la division comprend entre 8500 et 9000 hommes. Au début de l’été 1944, une fois considérée comme opérationnelle, elle devient la 21 Waffen-Freiwilligen-Gebirgsjäger-division des SS « Skanderbeg » (Albanische Nr. 1). Reprenant le nom du légendaire héros albanais adversaire zélé des Turcs au XVe siècle. […]
  • (au printemps 1944[7] ils reçoivent leur uniforme et, un mois après, passe à l’action dans la foulée à l’encontre des juifs de Pristina, deux semaines seulement après le transfert de cadres de la division Handschar pour affecter la division au nettoyage des Juifs)
  • En mai et juin 1944, la mise en place par les collaborateurs albanais d’unités de sécurité au Kosmet permet de pouvoir organiser des rafles dignes de ce nom. Dans le cadre de la « solution finale du problème juif en Europe », une rafle est organisée contre les Juifs majoritairement sépharades de la mahala de Pristina, le 14 mai 1944. Sur ordre de la section IVB/4 du SD de Belgrade, Rashid Mehmedali, maire de Pristina, a préalablement fourni la liste des personnes juives à arrêter. Au petit matin, une kompanie de SS de la caserne « avni rustemi » de Mitrovica est requise pour appuyer les gendarmes albanais et le Schupo. Les SS et les miliciens albanais mettent à sac les quartiers où sont regroupés ces Kosovars juifs, pillant leur appartement et leurs maisons. La moindre résistance est sévèrement réprimée : Moshé Asher et son fils Solomon sont passés à tabac, puis fusillés sur-le-champ pour s’en être pris à deux SS-Schütze albanais qui emportaient leurs meubles. Pour cette première rafle, les SS albanais peuvent s’enorgueillir d’avoir arrêté 281 Juifs de Pristina, hommes, femmes et enfants, qu’ils s’empressent de parquer dans l’ancienne caserne militaire de la ville avant leur départ par le train pour l’Allemagne. […]
  • Entre le 28 mai et le 5 juillet 1944, période importante de rafles antisémites au Kosmet, les SS albanais, soutenus par des miliciens du BK, mettent la main sur 519 autres « Juifs, communistes, partisans et individus douteux ». Ils brûlent de surcroît la synagogue de Pristina et rasent le vieux cimetière juif de cette même ville. 249 personnes sur l’ensemble de ces civils juifs et non juifs sont déportées dans des camps en direction de l’Allemagne ou des territoires polonais occupés par le Reich.
  • La dernière rafle antisémite se déroule quelques jours avant l’évacuation du Kosmet par les forces allemandes, le 2 octobre 1944 : 210 Juifs sont envoyés vers Zemun.
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Il est à noter que les descendants des SS albanais ont poursuivi l’épuration de leurs aînés en voulant, en plus de la destruction des communautés juives du Kosovo et d’Albanie, en effacer toute trace :

  • Dans[8] les archives juives de Belgrade, le rôle de la 21e division de Waffen-SS est décrit en ces termes : « Du 25 mai au 2 juillet 1944, la division Skanderbeg arrêta 510 Juifs serbes […] Ils furent incarcérés et 249 d’entre eux furent soumis au travail forcé dans le Reich » D’autres sources de ces mêmes archives parlent de 281 Juifs déportés au camp de Belsen en une seule et même rafle en avril 1944. En 1945, sur 551 Juifs raflés à Pristina, seulement 210 revinrent en Yougoslavie. En Juillet 1999, après le retrait des forces serbes du Kosmet et l’arrivée des forces de l’OTAN, les terroristes albanais de l’UCK détruisirent les restes de la dernière synagogue de Pristina et rasèrent au bulldozer le vieux cimetière juif, sans que le haut représentant de l’ONU, Bernard Kouchner, ne dise mot.

Les SS musulmans de la division Skandenberg comme ceux des autres formations SS musulmanes commirent des exactions contre les Juifs:

  • Toutes[9] les formations musulmanes de SS commirent de nombreux crimes de guerre. La division Skandenberg rapporta ainsi en juillet 1944 qu’elle avait pris dans son secteur des mesures énergiques « contre les Juifs ». (les crimes commis par les SS musulmans étaient tels qu’ils choquaient les hauts dirigeants allemands pourtant experts en crimes de guerre, cela remonta jusqu’à Hitler (qui) ne se laissa nullement impressionner par de tels détails (des crimes). Il (Hitler) n’eut que ce commentaire avant de passer à l’ordre du jour : « On s’en fiche ! »)

D’autres divisions SS musulmanes ont été créées. Ainsi la division SS Kama qui voit le jour à la fin de la guerre au printemps 1944 et qui est rapidement démantelée de ce fait:

  • L’unité[10] servira uniquement dans les Balkans à partir de juin 1944, fin octobre 1944, à l’approche de l’Armée rouge, l’unité est dissoute car étant apte uniquement à la guerre de maquis, mais non préparé et équipé pour faire face à l’avancée soviétique. Les volontaires musulmans rejoindront les Oustachis ou l’armée régulière croate, les cadres formeront l’ossature de la 31e division Böhmen-Mähren hongroise, le numéro de division sera réaffecté aux volontaires hollandais, la 23e Panzerdivision de volontaires SS Nederland.

L’engagement des musulmans dans la Wehrmacht sur le front russe avait déjà donné l’occasion de la création d’une première division SS. Ainsi un[11] bataillon de volontaires musulmans, le 444e bataillon turkmène fut formé avec des volontaires musulmans et combattit les Russes. L’unité fut élargie et devint le 450e bataillon renforcé d’infanterie Turkmène. Ce bataillon, renforcé par des éléments des 480e, 782e, 786e et 791e bataillons turkmènes ainsi que du 818e Bataillon Azéri et du 831e bataillon Tatare, donna naissance après une formation appropriée en mars 1944, à l’Ostmuselmannisches SS-Regiment 1 (le 1er Régiment SS de l’Est musulman). Il était conçu comme précurseur d’une division complète SS Turque. 550 d’entre eux furent envoyés au combat en Biélorussie et furent placés dans le groupe « Anhalt » sous le commandement du « meurtrier de masses » Oskar Dirlewanger qui commit de nombreuses atrocités envers les civils dans les opérations de « nettoyage » qui lui étaient attribuées.

Les hommes de Dirlewanger aidés par ses Turkmènes SS, qui n’étaient pas en reste en matière d’atrocité, s’illustrèrent en particulier en août 1944 dans la répression de l’insurrection de Varsovie (soutenue ni par les alliés ni par les Russes et donc à la merci des troupes allemandes).

La troupe[12] de « chasseurs » de Dirlewanger s’est illustrée avant et après l’incorporation des Turkmènes SS dans de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ce sont ses troupes qui inventèrent « des détecteurs de mine » efficaces en y envoyant villageois et juifs se faire sauter dessus. Par économie des munitions et par plaisir du lent spectacle de leur douloureuse agonie, ils préféraient regrouper leurs victimes civiles, villageois et juifs, dans des granges auxquelles ils mettaient le feu. Ils furent soupçonnés d’avoir tué de nombreux Juifs avec de la strychnine afin là aussi de profiter du spectacle d’une agonie lente et atroce de leurs victimes. Raul Hilberg mentionne, à propos des rumeurs de fabrication de savon à partir de graisse humaine par les nazis qui s’étaient répandues en 1942, le témoignage après-guerre de l’inspecteur SS le docteur Konrad Morgen selon lequel Dirlewanger avait été soupçonné d’avoir fait tuer des Juives avec de la strychnine, leurs cadavres découpés en morceaux et bouillis avec de la viande de cheval pour fabriquer du savon. Lors de l’insurrection de Varsovie, des grenades furent introduites par ses hommes dans les organes génitaux de femmes faites prisonnières pour y exploser.

En Inde[13] les Allemands réussirent à créer un régiment (le 950e Régiment Indien d’Infanterie) composé d’Hindous, de Sikhs et de Musulmans, ces derniers en composant les deux tiers sous l’impulsion du nationaliste musulman Subhas Chandra Bose aussi nommé Netaji. Ce dernier aurait dû servir à libérer les Indes de la présence britannique, une fois que les armées allemandes auraient réussi à traverser le Caucase, ce qui n’arriva pas. Himmler proposa alors de les transférer dans les Waffen SS et fut renommée « Indische Freiwilligen Legion der Waffen-SS », une division d’infanterie lourde et forte de quelque 2 300 hommes. Cette division SS étrangère est la seule à ne pas avoir été créée pour combattre les Russes, ils furent envoyés sur le front de l’Ouest mais ne furent pas réellement amenés à combattre et leur rôle dans la guerre fut assez minime et s’attirèrent même à ce titre les sarcasmes d’Hitler.

Plusieurs[14] éléments jouèrent en défaveur de l’extension des divisions SS musulmanes. La première concerne la principale d’entre elle, la division Handschar, les Croates virent d’un mauvais œil la création de cette fondation. Ils craignaient, avec raison, que celle-ci puisse à terme servir les velléités musulmanes de fonder un état islamique indépendant en Bosnie Herzégovine, or les Croates considéraient celle-ci comme faisant partie intégrante de leur territoire. Ils créèrent donc de nombreux obstacles à la formation de cette division, en exigeant que celle-ci intègre également des effectifs catholiques malgré l’opposition allemande (15 % au départ, mais qui ne subsisteront pas) :

  • Les Oustachis découragèrent les « bonnes volontés » en les arrêtant et en les envoyant en camp de concentration (croates), Himmler dut intervenir pour faire cesser ces intimidations.
  • Lorsque les Handschar allèrent en formation en France (Villefranche de Rouergue), ils étaient infiltrés par quatre partisans anti-allemands : deux musulmans et deux catholiques. Ces derniers organisèrent une mutinerie qui coûta la vie à trois des instigateurs et à de nombreux mutins, le quatrième survécut en se ralliant à la résistance française. Cette mutinerie échoua, peu de recrues la suivirent car l’Imam Halim Malkoc refusa de la cautionner, voulant rester fidèle aux Allemands. C’est d’ailleurs lui qui libéra les Allemands restés captifs en criant « Heil Hitler ! Longue vie au Poglavnik (surnom d’Ante Pavelic) ! » et qui les réarma. Cinq officiers allemands auraient été exécutés par les mutins, et 156 mutins seraient morts soit dans les combats, soit condamnés à mort. Suite à cette mutinerie, les Allemands gardèrent tout de même leur confiance aux troupes musulmanes mais avec plus de prudence.
  • Les unités SS musulmanes commencèrent à être opérationnelles à la fin de la guerre et souvent trop tard et bien après les défaites des Allemands en Russie et à El-Alamein voir après les débarquements américains, ce qui évidemment fut un frein évident à leur extension et leur survie.

Rappelons que l’adhésion volontaire à des troupes SS est en soi un acte criminel. Ainsi officiellement[15] au moins, depuis la Seconde Guerre mondiale, les Waffen SS sont marqués par le jugement défavorable porté par le tribunal de Nuremberg qui a statué :

  • Les SS ont été utilisés pour des actions considérées criminelles par la Charte impliquant la persécution et l’extermination des Juifs, les brutalités et meurtres perpétrés dans les camps de concentration, les excès de l’administration dans les territoires occupés, l’administration du programme d’esclavage des travailleurs et les mauvais traitements et meurtres de prisonniers de guerre… Le tribunal déclare que sont criminels… ces personnes qui ont officiellement accepté d’être membres des SS comme énumérés dans le paragraphe précédent (membres de l’Allgemeine SS, membres des Waffen SS, membres des SS Totenkopf Verbaände…)

Dans l’enrôlement des troupes musulmanes, les aspirations étaient bien plus religieuses que nationales, les troupes musulmanes étaient systématiquement encadrées par des imams et des mollahs afin que la guerre avec les nazis soit une guerre sainte, le djihad.

Son application ne s’est pas limitée à la création de troupes supplétives pour la Wehrmacht ou la création de divisions SS musulmanes, mais aussi malheureusement à la participation aux Einsatzgruppen qui avait pour mission la destruction du judaïsme européen. En particulier l’Einsatzgruppen « D »  qui, si les Allemands avaient réussi à franchir le Caucase, se serait déversé au moyen Orient pour y appliquer la solution finale dont la finalité rejoignait les objectifs du Jihad :

  • Le 13 janvier 1942[16], le chef des équipements et commandant de l’armée de réserve chargea le commandant en chef militaire du Gouvernement général de mettre en place une légion turque et une légion musulmo-caucasienne. En août 1942 s’y ajoutèrent deux autres légions islamiques, les Caucasiens du Nord et les Tatars de la Volga. […] Les insignes patriotiques que les légionnaires portaient sur le bras droit de leur uniforme allemand rappelaient d’ailleurs leurs racines islamiques, puisqu’on y reconnaissait le croissant, une mosquée et un cimeterre. […]
  • En Crimée, la 11e armée fit même un pas supplémentaire. Comme les Tatars, les seuls musulmans de la presqu’île, qui représentait 20 % de sa population totale, avaient immédiatement combattu aux côtés des Allemands, ils furent incorporés à la 11e armée au début de l’année 1942, c’est-à-dire qu’ils devinrent partie intégrante de la Wehrmacht, « pour s’être engagés volontairement ». Fin janvier, ils étaient déjà 3 000 à avoir offert leurs services. En mars 1942, la 11e armée comptait 20 000 volontaires dans ses rangs. Ainsi un Tatar de Crimée sur 10 combattait aux côtés des Allemands. […]
  • Dans le Gouvernement général de Pologne et dans la ville ukrainienne de Mirgorod, où une deuxième équipe de mise en place et de formation vit le jour au printemps 1942 (la 162e division d’infanterie), on créa et on envoya au front trois vagues successives, jusqu’en 1943, 78 bataillons d’infanterie des légions de l’Est ; 54 d’entre eux étaient islamiques. […]. Le nombre total (incluant les non combattants) des légionnaires de l’Est recrutés de cette façon s’élevait à 150 000, voire 170 000 hommes, dont environ les deux tiers étaient musulmans. La Wehrmacht honora leur engagement en désignant des mollahs à l’échelle des bataillons et en respectant leurs règles religieuses en matière d’alimentation et d’enterrement. […] Trois bataillons de Turcs se battirent à Stalingrad jusqu’au dernier homme, d’autres dans le Caucase, et six bataillons étaient encore devant Berlin en 1945.
  • […] L’Einsatzgruppen D de Otto Ohlendorf avait été chargé par un officier de la 11e armée, le 2 janvier 1942, de recruter des Tatars de Crimée. […] Le Mollah déclara à la communauté « que leur religion et leur foi leur commandaient de participer à cette guerre sainte avec les Allemands », et le président du comité proclama : « C’est pour nous un honneur que de pouvoir nous battre sous les ordres du Führer Adolf Hitler, le plus grand homme du peuple allemand ». Sur ce, les Tatars réunis se levèrent et renchérirent sur les paroles de leur mollah : « 1er commandement : pour remporter une victoire rapide et atteindre l’objectif commun, et pour la longue vie de Adolf Hitler. » Parmi les 9255 hommes enrôlés mi-février, l’Einsatzgruppe préleva 1632 volontaires pour son compte.

L’Einsatzgruppen « D » de Otto Ohlendorf, qui comprenait 1632 volontaires musulmans tatars de Crimée a eu pour unique mission l’élimination des Juifs dans le sud de l’Ukraine (Crimée et Bessarabie) et dans le Caucase et a fait entre 70 000 et 90 000 victimes, hommes, femmes et enfants. Si elle avait pu traverser le Caucase elle aurait continuer son œuvre dans le Yishouv (Israël), en Égypte et eu Moyen-Orient ….

Pour accéder aux articles associés à ce sujet:

Paul David


[1] Laurent Latruwe et Gordana Kostic : « La division Skanderbeg ». (p. 95,96)

[2] Amandine Rochas : « La Handschar ». (p.21 à 27)

[3] Laurent Latruwe et Gordana Kostic : « La division Skanderbeg ». (p. 102,103)

[4] Amandine Rochas : « La Handschar ». (p.45 à 58)

[5] Laurent Latruwe et Gordana Kostic : « La division Skanderbeg ». (p. 135 à 138)

[6] Laurent Latruwe et Gordana Kostic : « La division Skanderbeg ». (p. 139 à 156)

[7] Cette insertion s’appuie sur : Jonathan Trigg : « Hitler’s Jihadis » (intégré à une série : « Hitler’s Legions »).  (p. 149)

[8] Laurent Latruwe et Gordana Kostic : « La division Skanderbeg ». (note 310 pages 268,269)

[9] Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann : « Croissant fertile et croix gammée ». Chapitre XIII : « Des musulmans pour le IIIe Reich ». (p. 264).

[10] Wikipédia/Kama

[11] D’après : Jonathan Trigg : « Hitler’s Jihadis » (intégré à une série : « Hitler’s Legions »)

[12] D’après : Christian Ingrao : « Les chasseurs noirs – La brigade Dirlewanger »  et wikipedia/Dirlewanger (témoignage sur le « savon ») qui cite : Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, Gallimard,‎ 2006, 2448 p. (ISBN 978-2070337682), p. 1781 et 1863

[13] D’après principalement: Jonathan Trigg : « Hitler’s Jihadis » (intégré à une série : « Hitler’s Legions »).

[14] Sources : Jonathan Trigg : « Hitler’s Jihadis » (intégré à une série : « Hitler’s Legions »).  et Amandine Rochas : « La Handschar ».

[15] Jonathan Trigg : « Hitler’s Jihadis » (intégré à une série : « Hitler’s Legions »). Chapitre : « Peace and retribution ». (p. 198).

[16] Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann : « Croissant fertile et croix gammée ». Chapitre XIII : « Des musulmans pour le IIIe Reich ». (p. 251 à 255).