Il y a près de 80 ans, l’Europe procédait à l’élimination de ses Juifs.
A la fin de la guerre, la capitale du Reich, Berlin était divisée. Berlin-Est pour la RDA et Berlin Ouest pour la RFA.
Depuis l’Europe a œuvré pour la réunification de Berlin, ancienne capitale du pouvoir nazi. Aujourd’hui cette même Europe refuse non seulement la réunification de Jérusalem, mais également l’installation d’ambassade dans cette ville. Y compris celle des USA qui pourtant devrait être installée dans la partie ouest de la ville, donc dans une partie dont la souveraineté d’Israël n’est pas contestable.
Cette double volonté de l’Europe concernant Berlin et Jérusalem est dans la continuité de la volonté ancestrale de l’Europe de considérer que les vies juives ont peu de valeur et de la volonté d’enfermer éternellement le Juif dans un statut de paria incompatible avec l’existence d’un État juif.
Même si celui-ci a été reconstruit sur la terre ancestrale des Juifs, une terre quasi déserte au 19ème siècle comme le montrerait toute étude sérieuse.
A ce titre, il est à noter que la volonté de faire de Jérusalem-Est la capitale d’un hypothétique état palestinien ne repose sur aucune base historique: au milieu du 19ème siècle il n’y avait aucun « palestinien » hors les murs de Jérusalem, donc aucun « palestinien » à Jérusalem Est.
De la même façon que la réunification de Berlin est une façon de minimiser la Shoah, l’antisémitisme français d’avant-guerre et qui a accompagné l’occupation est remis au gout du jour sous couvert de liberté d’expression.
Pourtant les deux dernières fois que l’antisémitisme s’est exprimé librement en France c’était avant l’affaire Dreyfus puis avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Deux fois où la liberté de parole sans contrôle a été catastrophique pour le judaïsme. Il semble bien qu’une troisième période est en train de s’établir…
Après la Shoah, l’antisémitisme était devenu une expression déplacée en France pendant quelques décennies. L’antisionisme plus « convenable » lui était préféré. Mais le temps aidant, l’antisémitisme pur et dur refait surface et pour cela les antisémites notoires d’avant-guerre sont progressivement réhabilités.
Parmi eux, Louis Ferdinand Céline (de son vrai nom Louis Ferdinand Destouches). Céline est un personnage qui s’est fait connaître par son œuvre littéraire mais aussi par son antisémitisme virulent avant la Seconde Guerre mondiale et pendant celle-ci.
À propos de son œuvre antisémite :
À la fin des années 1930[1], alors qu’il est en contact avec Arthur Pfannstiel, un critique d’art et traducteur travaillant pour le Welt-Dienst (service mondial de propagande nazi anti-maçonnique et antisémite), organe auprès duquel il se renseigne, Céline publie deux pamphlets fortement marqués par un antisémitisme virulent : Bagatelles pour un massacre (1937) et L’École des cadavres (1938). Il présente lui-même ces ouvrages ainsi :
- « Je viens de publier un livre abominablement antisémite, je vous l’envoie. Je suis l’ennemi no1 des juifs. »
Quelques extraits de « L’École des cadavres »[2]
- « Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés tiraillés qui doivent disparaître. […] Dans l’élevage humain, ce ne sont, tout bluff à part, que bâtards gangréneux, ravageurs, pourrisseurs. Le juif n’a jamais été persécuté par les Aryens. Il s’est persécuté lui-même. Il est le damné des tiraillements de sa viande d’hybride »
Ou encore :
- « Je me sens très ami d’Hitler, très ami de tous les Allemands, je trouve que ce sont des frères, qu’ils ont bien raison d’être racistes. Ça me ferait énormément de peine si jamais ils étaient battus. Je trouve que nos vrais ennemis ce sont les Juifs et les francs-maçons. Que la guerre c’est la guerre des Juifs et des francs-maçons, que ce n’est pas du tout la nôtre. Que c’est un crime qu’on nous oblige à porter les armes contre des personnes de notre race, qui ne nous demandent rien, que c’est juste pour faire plaisir aux détrousseurs du ghetto. Que c’est la dégringolade au dernier cran de la dégueulasserie »
Sous l’Occupation, Céline, s’il ne signe pas à proprement parler d’articles, envoie des lettres aux journaux collaborationnistes dont certaines sont publiées. Il y fait preuve d’un antisémitisme littéraire violent.
Pour son œuvre littéraire « classique », Il fut boycotté à la Libération par le monde littéraire français. Mais après un court exil et un court bannissement, il est amnistié en 1951 : s’en prendre aux Juifs n’est finalement pas si blâmable. Gallimard assure alors l’édition de ses œuvres « classiques ». Céline décède à Meudon en 1961.
Pour résumer le personnage on peut se référer à la déclaration de Bertrand Delanoë[3] :
- « Céline est un excellent écrivain mais un parfait salaud. »
En remplaçant écrivain par compositeur on pourrait aisément remplacer Céline par Wagner.
Si l’œuvre littéraire de Céline, comme l’œuvre de Wagner est aujourd’hui reconnue, son côté sombre ne peut être oublié.
Si ni Céline ni Wagner n’ont tué des Juifs de leurs mains, par leur influence indéniable ils ont contribué à banaliser l’antisémitisme et ont justifié par avance la Shoah auprès de nombreux de leurs admirateurs.
Depuis 1985, Fabrice Luchini fait l’éloge de l’écrivain maudit tout en indiquant[4] « J’aime l’œuvre de Céline, pas l’homme ». Il fait de l’œuvre littéraire de Céline l’objet de nombre de ces spectacles et contribue ainsi à en vulgariser l’œuvre et à faire découvrir son œuvre au grand public.
Mais vraisemblablement sans le vouloir, par cette action, Luchini est le vecteur d’un message subliminal dangereux : « Céline est un des plus grands écrivains du vingtième siècle dont l’œuvre a été étouffée par le lobby juif. Écoutez ce que la France a accepté d’ignorer depuis des décennies du fait du complot juif ».
C’est d’ailleurs[5] dans cet esprit qu’a été perçue l’action de Serge Klarsfeld en 2011 qui s’était opposé et avait obtenu que Céline ne soit pas célébrée par la République et qu’il soit retiré du menu des célébrations nationales en 2011.
Si Fabrice Luchini n’avait que des intentions littéraires ce n’est vraisemblablement pas le cas d’Olivier Sauton. Il a intitulé son spectacle « Fabrice Luchini et moi », ce qui derrière l’admiration du comédien cache vraisemblablement plutôt celle de Céline, vraisemblablement plus pour le côté sombre que pour l’œuvre littéraire. C’est en tout cas ce que l’on peut penser avec les tweets révélés de 2012 d’Olivier Sauton, dont[6] :
- « Je préviens tous mes amis juifs : en cas de déportation, ÉVIDEMMENT je vous mettrais en 1re J’ai trop le respect de vos habitudes »,
- « J’aime tellement la musique yiddish que si j’avais été gardien à Auschwitz j’aurais épargné les musiciens. C’est l’art qui sauvera les juifs »,
En Europe, après la Shoah, les Juifs pouvaient penser que cet apogée de la haine du Juif sonnerait le glas de l’antisémitisme. Alors que les élites cachaient jusqu’à présent leur antisémitisme derrière un antisionisme bien accepté par tous, aujourd’hui l’antisémitisme s’affiche de plus en plus simplement sans même avoir besoin de s’inventer un peuple « martyrisé » par les Juifs.
Gallimard qui quelques années après-guerre, n’hésitât pas à rééditer les « œuvres classiques » de Céline n’hésite pas aujourd’hui à rééditer ses « œuvres » les plus violemment antisémite alors qu’on ne peut ignorer qu’il y a aujourd’hui un large réceptacle en France pour absorber et adopter ces pamphlets.
Ce combat contre Israël et Jérusalem dans lequel l’Europe et la France sont aux avants-postes associé à la réhabilitation des antisémites d’avant-guerre et de leurs pamphlets antisémites, sans limitation, qui se fait de plus en plus active démontrent bien que l’antisémitisme d’avant-guerre est bien en train de renaître avec l’aval des dirigeants et des élites bien pensantes de la société occidentale.
Les larmes de crocodiles versées après la Shoah par les nations ne sont plus d’actualité.
Paul David