Israël et le monde Juif sont divisés (écrit en janvier 2017) sur le sort à réserver au soldat franco-israélien Elor Azria qui a tué un terroriste.

Depuis un autre terroriste a lui réussi à tuer « du Juif » à Jérusalem.

Il est louable que les Israéliens et les Juifs débattent sur le sort d’Elor Azria.

Mais il est vraisemblable qu’il y a plus de Juifs parmi les 14 millions de Juifs dans le monde qui pleurent le terroriste abattu – qui voulait tuer « du Juif » – que de musulmans parmi les 1,6 milliard de musulmans dans le monde qui pleurent les Juifs qui ont quitté ce monde à Jérusalem – qui eux ne voulaient tuer personne -.

L’histoire nous a montré que tous les plans de partage entre Israéliens et « Palestiniens », même ceux qui étaient les plus avantageux pour ces derniers ont toujours été acceptés par les Israéliens et toujours refusés par les « Palestiniens » et le monde arabe.

Le retrait des Israéliens de Gaza a en outre démontré que le retrait d’un territoire n’est pas un gage de paix.

Dans le calendrier musulman, nous venons d’entrer dans l’année 1438 (écrit en janvier 2017) . Si on compare au calendrier chrétien, l’Islam est – avec un peu d’avance – en pleine inquisition. Pour les lumières musulmanes, il semble qu’il faille attendre…

Faire la paix à tout prix dans ce contexte de haine unilatérale serait vraisemblablement suicidaire pour Israël.

Pourtant c’est ce que veut imposer la France dans quelques Jours à Paris en y réunissant les nations (au nombre très symbolique de 70).

De même que les Israéliens et les Juifs se sont déchirés sur le sort du soldat Elor Azria, ils se déchirent aussi sur cette initiative (sans que la définition des « pour » et « contre » soit la même dans les deux cas).

Depuis sa création, Israël ne cesse de vouloir être un pays exemplaire.

Nombre d’Israéliens et de Juifs sont prêts à sacrifier Jérusalem sur l’autel de la paix, voire plus. Ceux-ci veulent également être exemplaires, ils veulent un Israël exemplaire, un Israël accepté par les nations…

Si dans l’histoire d’Israël de nombreux Juifs y ont immigré volontairement, ce ne fut pas le cas de tous.

L’Allemagne nazie laissa émigrer en Israël dans les années 1933-1936 un grand nombre de ses ressortissants Juifs avec une partie de leurs biens dont l’apport fut indéniable pour le développement d’Israël :

  • Paradoxalement[1], l’arrivée d’immigrants fuyant l’Allemagne, où monte le nazisme, n’intensifie pas la crise, mais permet au contraire sa solution. C’est que la majorité des Juifs allemands ont de hautes qualifications professionnelles et souvent un certain capital, du moins dans les années 1933-1936, où ils peuvent encore faire sortir d’Allemagne une part importante de leurs biens. […]
  • C’est à la fois les villes et les centres pionniers qui bénéficient de cet apport. C’est ce qui explique la réussite de cette alya.

Ces émigrés forcés ont voulu faire d’Israël une image de l’Europe, comme le montre entre autres la forte présence de l’architecture Bauhaus à Tel-Aviv, avec vraisemblablement l’espoir de se faire enfin accepter de celle-ci comme une nation respectable, voire de faire d’Israël une petite Allemagne.

Mais cela est vain.

De même que les Juifs allemands n’ont jamais été considérés comme allemands par les Allemands « pure souche », Israël ne sera jamais accepté comme un pays légitime par l’Europe et les nations.

Israël pourra faire tous les efforts du monde elle ne deviendra jamais une nation acceptée par les autres nations, tout du moins tant qu’Israël tentera d’imiter les autres nations.

Derrière cette volonté d’être accepté par les nations en perdant sa singularité, son identité, peut être assimilée à une haine de soi, un rejet de l’héritage juif. Cela était déjà le cas en Allemagne pour les Juifs allemands. Cela n’a pas empêché l’Allemagne de les vomir. Il en est de même pour Israël, les nations vomissent Israël aujourd’hui malgré tous ces efforts pour être « propre ».

Un de ceux, en Allemagne, qui ont dénoncé cette haine de soi en Allemagne est Theodor Lessing (1872-1933).

Alors que la catastrophe est en train de se construire, Theodor Lessing visionnaire la voit arriver de même qu’il dresse un tableau sombre du judaïsme européen et particulièrement allemand.

Theodor[2] Lessing mena une existence mouvementée dans un univers instable. Ses grands-parents, comme tant d’autres familles juives (qui empruntaient des noms de célébrités supposées philosémites), avaient volontairement pris le nom de Lessing, celui du célèbre ami, non juif, de Moïse Mendelssohn. C’est toute la problématique de l’Émancipation, avec ses promesses et ses déceptions, qui se profilait derrière ce changement de nom. […] À propos des Juifs, il déclarait :

  • Mais qui dirige aujourd’hui la communauté (juive) ? Ce ne sont plus les Sages de la tradition, mais les juristes ! Depuis la fin du XIXe siècle, les juifs tirent une grande fierté du fait que tant des leurs sont devenus ministres, chanceliers, généraux, hauts fonctionnaires, éminents chercheurs, professeurs, directeurs de théâtre, écrivains, etc. Nous devrions avoir honte de ceux qui ont dilapidé la grande richesse de notre peuple. Car ils n’ont été que la lueur agonisante d’un organe en proie au déclin. « Ils ne furent qu’un bref laps de temps au soleil de l’Europe où notre noblesse s’est brûlée. » Et Lessing de conclure ainsi :
  • « Honte à tous ces fils qui préférèrent embrasser cette carrière académique ou entrer en littérature pour le luxe et le confort des grandes villes de l’Occident, au lieu de porter les pierres de la grande route de Yéroushalayim. »

Les conclusions de Theodor Lessing sont un bilan dramatique confirmant les inquiétudes de Heinrich Heine sur les risques de l’émancipation. Cela a abouti au début du vingtième siècle à des Juifs complètement détachés de leurs origines ou plutôt essayant de s’en détacher et donc éprouvant une « haine de soi » assez caractéristique. C’est d’ailleurs le titre d’un des ouvrages de Lessing qui décrit les efforts démesurés des Juifs allemands pour effacer leur judaïté et devenir de vrais allemands. Effort vain comme l’indique Lessing à propos de lui-même, quelques jours avant sa mort en 1933 :

  • J’étais[3] un jeune homme sage et pimpant. Mais j’avais constaté très tôt que même si j’avais été mille fois plus sage et plus pimpant, c’est-à-dire une véritable merveille sur le plan du caractère et du travail, tout, oui, tout, eût été vain. À leurs yeux, j’étais un étranger, j’étais Juif. Aucune œuvre n’aurait pu me servir. Si je m’étais nommé Christian Stoffel, si j’avais été le rejeton d’un paysan allemand de Basse-Saxe et d’une femme blonde, j’eusse été de la race des seigneurs. C’est ainsi que je devins un paria.

Israël se doit d’être un pays exemplaire comme il essaie de l’être depuis sa création malgré les critiques sans cesse renouvelées des nations, mais ne doit pas essayer de leur ressembler.

Si Israël veut être respectée parmi les nations et cesser d’être une nation paria au sein des nations comme le furent les Juifs pendant tout leur exil, elle doit affirmer fermement son identité.

Celle-ci passe par la réunification de Jérusalem – comme l’a rappelé Theodor Lessing – sous souveraineté Juive, et donc Israélienne. La seule souveraineté qui puisse permettre aux nations de s’y réunir librement. Christianisme et Islam ont échoué sur ce point.

La conférence d’Évian en 1938 avait rassemblé les nations pour décider du sort des Juifs Allemands et Autrichiens transformés en apatrides par le pouvoir nazi. Rien n’en sortit.

La conférence programmée à Paris sera aussi stérile pour les Juifs et Israël que l’a été la conférence d’Évian en 1938.

À Évian, en 1938, tous les pays tournèrent le dos aux Juifs. Ces mêmes pays contribuèrent par la suite, directement ou indirectement, à la destruction des Juifs d’Europe (et des juifs du monde si cela avait été possible).

Ainsi la continuité logique de la conférence d’Évian qui se posait la question « que faire des Juifs ? », fut, pour la France, le gouvernement de Vichy qui accepta la réponse connue d’avance : « il faut les détruire ! ».

La conférence de Paris est sur les mêmes bases : « Que faire d’Israël ? ». N’attendons pas que les nations ne finissent par dévoiler leurs intentions : « Il faut détruire Israël ! ».

Paul David.

Pour plus d’info sur différents sujets connexes à cet article, consulter les pages et articles de ce site, en particuliers:

Paul David


[1] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’État d’Israël ». (p. 812 à 814)

[2] Maurice Ruben Hayoun : « Les lumières de Cordoue à Berlin (2) ». (p. 568 à 574).

[3] Maurice Ruben Hayoun : « Les lumières de Cordoue à Berlin (2) ». (p. 578).