Historiquement le terme séfarade est relatif à l’Espagne de même que le terme ashkénaze est relatif à l’Allemagne. Toutefois depuis l’inquisition, le terme sépharade s’est progressivement transformé pour désigner les Juifs d’Orient alors que le terme Ashkénaze désigne les Juifs d’Occident.

Donc, dans les présents articles, les Juifs sépharades  représentent les Juifs qui vivent dans des contrées à majorité musulmane comme le Maghreb, l’Égypte, l’Iran, l’Irak et la Turquie, même si ce terme n’est pas le plus adapté.

J’aurais pu annoter cet article en désignant « les Juifs des pays arabes » mais cela aurait supposé que ces Juifs auraient été accueillis par les musulmans sur leurs terres, ce qui est évidemment non conforme à l’histoire.

La Bible évoque déjà la vie des Juifs en Égypte, en Mésopotamie en Perse à des époques où ni le christianisme ni l’Islam n’existaient.

De même les Évangiles racontent les histoires des premières communautés chrétiennes qui ont émergé du sein des communautés juives largement représentées autour du bassin méditerranéen, en particulier dans ce qui est aujourd’hui la Turquie, la Syrie, le Liban ou la Jordanie.

Certains font remonter la présence juive au Maghreb du temps des Phéniciens, mais en tout état de cause l’archéologie montre que les Juifs y sont largement représentés bien avant la naissance du christianisme et de l’Islam.

De même le Coran nous raconte l’histoire des communautés juives en péninsule arabique, en particulier ce qui constitue aujourd’hui le Yémen, l’Arabie et les autres états musulmans de la région.

On peut penser que sans le développement du Hedjab par les tribus juives à l’ère préislamique, il aurait été impossible au prophète de l’Islam d’y faire émerger la puissance conquérante qui y prit pied au détriment d’ailleurs de ces mêmes tribus juives.

Toutes ces communautés juives au moins deux fois millénaires ont vu arriver les troupes d’invasion musulmanes sur les terres qu’ils occupaient depuis des siècles et que souvent ils avaient défrichées et durent subir les effets du jihad, la guerre sainte : ils étaient dépossédés de leurs terres et leurs possessions et, s’ils désiraient garder la vie sauve, ils devaient accepter le statut de dhimmis, le statut de sous-hommes en terre d’Islam. Si les juifs se sont pliés plus aisément que les chrétiens à ce statut c’est d’une part qu’ils considéraient que leur vrai pays était la terre d’Israël et qu’ils, leurs descendants, finiraient par la retrouver.

Si on exclut les pays à majorité islamique d’Asie, où la présence juive y est beaucoup plus discrète, les Juifs ont fait partie de l’histoire, voire de l’histoire fondatrice, de tous les pays à majorité musulmane du pourtour méditerranéen et au sud de celle-ci de la Perse à l’Égypte.

Le XXème siècle a été le fossoyeur du monde Juif en terre (devenue terre) d’Islam. Contrairement aux Juifs ashkénazes, cette disparition n’est pas une disparition physique, bien que, comme je l’ai démontré dans mes articles « Islam et Nazisme », celle-ci était programmée conjointement par le nazisme et l’islamisme radical, mais un grand déplacement.

Ce grand déplacement correspond à une volonté d’épuration ethnique du monde arabe qui ne peut accepter des non musulmans que si ceux-là, en dehors de l’appartenance aux religions « licites », acceptent d’être des citoyens de seconde classe.

À ce grand déplacement, ce grand exode, s’est associé une volonté réelle d’effacement de la présence juive, à l’instar de ce qui a déjà évoqué pour le Kosovo dans mes articles « Islam et Nazisme ». Ainsi on peut citer le témoignage amer d’un Juif tunisien qui a subi cet exode et qui constate que sa trace, celle de ses parents et ancêtres, font l’objet d’un effort d’effacement:

  • Dans[1] les années 1980, j’étais en vacances à Hammamet et, tandis que je me prélassais sur cette magnifique plage de sable fin, un jeune Tunisien d’une quinzaine d’années vint me proposer le rituel bouquet de jasmin. La conversation s’engagea en français puis à un moment donné, je dis à ce gosse qui me prenait pour un touriste ordinaire : « Je vais te faire une surprise. » Et je me mis à lui parler en arabe. « Tu es un arabe ? » me demanda-t-il alors.
  • Non.
  • Alors pourquoi tu parles arabe ?
  • Parce que je suis tunisien.
  • Si tu es tunisien, tu es arabe.
  • Non, je te dis.
  • Alors tu es quoi ? Demanda-t-il de plus en plus intrigué.
  • Je suis juif.
  • Ah ! Tu es israélien ?
  • Non ! Je suis tunisien.
  • Tu te moques de moi ! Un israélien-tunisien, ça n’existe pas, ce n’est pas possible. Tu es certainement un Arabe qui habite à Paris…
  • À l’évidence on avait soigneusement caché à ce gosse, comme à toutes les nouvelles générations de ce pays qu’il y avait eu pendant près de vingt siècles une importante communauté juive en Tunisie. Une communauté dont l’origine remonte à la nuit des temps. […]
  • Curieusement tout était oublié, effacé, gommé. Comme si ça n’avait jamais existé.
  • Le pays regorge pourtant de preuves de notre très ancienne présence. Que ce soit le fameux cimetière juif de Gammarth, dont on ne sait même plus où il se trouve tant on le dissimule, l’antique synagogue de Hammam-Lif que l’on cache soigneusement, les lampes à huile décorées d’une ménorah dont regorge le sol de Carthage, nos cimetières, nos synagogues, rues où nous nous sommes promenés, les souks, les commerces où nos familles exerçaient leurs activités, les hôpitaux dans lesquels les médecins juifs étaient si nombreux et si prisés, les livres, les journaux que nous avons publiés, nos voisins, nos amis musulmans, tout devrait porter encore la marque de notre passage… Qu’aurait été la Tunisie, sans la cuisine juive, la pâtisserie juive, la musique et la danse juive, les architectes juifs, le sport juif, etc. ? Que les gens et même les lieux aient changé, cela pouvait se comprendre.
  • Le vent de l’histoire était passé par là, mais disparaître ainsi « sans sépulture » m’était intolérable et soulevait en moi une immense impression d’injustice.

Pour accéder aux articles associés à ce sujet:

Pour plus d’info sur différents points ici évoqués:, consulter les pages et articles de ce site, en particuliers:

Sur la fin du monde séfarade:
Paume 144 (période 1950-1970):
TSAHAL

Sur la tribu juive de Khaibar:
Paume 76 (période 570-590): KHAIBAR.

Paul David.


[1] (collectif) « L’exclusion des Juifs des pays arabes ». Témoignage d’André Nahum : « L’exil des Juifs de Tunisie, l’échec d’une continuité ». (p. 233,234)