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Cet article malgré son titre est apolitique.

En effet je ne juge ni du bilan de Manuel Valls ni de son programme futur si celui-ci devait se présenter aux prochaines primaires de la Gauche puis en cas de succès aux présidentielles 2017.

En ce qui concerne plus particulièrement la politique au Moyen-Orient, nous savons trop bien que nous avons toutes chances d’être déçus quel que soit le futur président élu de gauche ou de droite. J’écarte avec un optimisme mesuré la possibilité que Marine Le Pen puisse succéder à Hollande.

Toutefois si celle-ci était élue, cela aurait l’avantage pour les Juifs d’être éventuellement renvoyés de la maison France par son propriétaire plutôt que par ses squatters (tels ceux qui se sont attaqués à l’Hyper Cacher en Janvier 2015 ainsi que ceux qui les soutiennent ou qui soutiennent de façon globale tout type d’attaque contre les Juifs).

Revenons à Manuel Valls

Manuel Valls est né à Barcelone en 1962 et est donc un immigré exemplaire puisqu’il devint Maire d’Évry en 2001.

Alors que ce n’était pas encore un homme politique de premier plan il se fit connaitre en refusant qu’un magasin Franprix à Evry refuse de vendre les aliments interdits par l’Islam, en effet le magasin était le seul du quartier où pouvaient se réapprovisionner les habitants du quartier dont une bonne partie n’était pas musulmane.

C’est ce que relate le Journal Libération[1]  à l’époque (décembre 2002) :

  • Remettez-moi du porc et de l’alcool en rayon, et fissa ! C’est le ton d’un courrier adressé par Manuel Valls, député-maire socialiste d’Evry (Essonne), aux repreneurs d’un Franprix situé aux Pyramides, un quartier réputé difficile de sa ville. Les frères Djaiziri, qui ont racheté ce fond de commerce de la place Jules-Vallès en octobre, ont opté pour une boucherie halal et banni les alcools. (…)
  • «Inacceptable, intolérable», s’emporte le maire qui fustige cette «approche communautariste» du métier de commerçant. «Je vous saurai gré de bien vouloir rétablir le fonctionnement normal de ce magasin se prévalant de l’enseigne Franprix ­ que j’ai également saisie du dossier ­ dans les plus brefs délais», intime Manuel Valls. (…)

Il juge que cette enseigne se doit d’être généraliste. «Si même le Franprix se spécialise, c’est le signe qu’il vaut mieux que tous ceux qui ne mangent pas halal quittent le quartier, analyse-t-il. Si on ne fait rien, si on accepte un échelon supplémentaire dans la spécialisation, le quartier va devenir un ghetto.»

Ce courage exprimé par Manuel Valls, à l’encontre des usages de la classe politique, aurait pu signifier la fin de sa carrière politique. Il n’en est rien : Candidat à la primaire présidentielle socialiste de 2011, il recueille 5,6 % des voix et apporte son soutien à François Hollande. Il est ensuite Ministre de l’Intérieur dans les gouvernements Jean-Marc Ayrault, de 2012 à 2014. François Hollande le nomme Premier ministre le 31 mars 2014. Il sera vraisemblablement candidat à la prochaine primaire socialiste avec de fortes chances d’être ainsi le futur candidat de la gauche à la Présidentielle en 2017.

Il faut admettre que pendant tout le temps ou  il exerçait des responsabilités au cœur de l’État, que l’on adhère ou non à ses options politiques, Manuel Valls s’est montré un homme déterminé, fidèle à ses idées et courageux.

Cette détermination serait-elle héréditaire ?

petrusbertius

En fait il a existé des Marranes portant le nom de Valls. Il est évidemment impossible d’établir une filiation entre ces derniers et notre premier ministre. Nous ne ferons donc aucune spéculation à ce sujet, toutefois cela nous permet de rappeler la mémoire d’autres Valls, marranes de l’Ile de Majorque qui avait au moins le même courage et la même détermination que notre premier ministre.

C’est[2] Gabriel Valls qui introduisit aux Marranes de Majorque les livres de prières en Hébreu, en Espagnol, peut-être même en Catalan, et des ouvrages concernant les pratiques quotidiennes du judaïsme.

La destinées des Chuétas (nom donné aux Marranes à Majorque) fut tragique :

  • Lorsque[2] l’on se penche sur le destin des séfarades, on ne peut passer sous silence la tragédie des chuetas de Majorque, une tragédie qui s’est perpétuée depuis le XVe siècle jusqu’à nos jours. Bien qu’un petit nombre ait réussi à fuir l’Inquisition, ceux qui restèrent prisonniers de l’insularité méritent que l’on commémore leur attachement courageux à la loi de Moïse et les souffrances qu’ils endurèrent, même si cette communauté émigra de façon très partielle après sa conversion forcée. La présence du peuple juif dans les îles Baléares est attestée depuis le XVe siècle ; il est notoire que toute la population de Mahon, dans l’île de Minorque, est d’origine juive, et le peuple Juif a laissé des traces évidentes à Majorque. (…)
  • De la fin du XVe siècle jusqu’au XVIIe siècle, l’activité du tribunal (de l’Inquisition) s’assoupit, ce qui permit à un groupe importants de chuetas de s’organiser afin de demeurer Juifs. (…)
  • (après avoir découvert un Juif de 16 ans anciennement converti et après l’avoir condamné au bucher) en 1677, un important coup de filet permit à l’Inquisition de découvrir un lieu de prières, que l’on qualifia de synagogue et de capturer 237 conversos. Parmi eux se trouvaient les chefs spirituels du groupe, Pedro Onofre Cortès, et Raphaël Valls. (…) Les procès durèrent un an et demi, mais pendant leur incarcération les chuetas continuèrent à judaïser. (…)
    (les chuetas furent remis en liberté mais ruinés et tentèrent de s’enfuir par petits groupes mais certains se trouvèrent à nouveau sur l’île aux mains de l’Inquisition ce qui donna lieu à quatre autodafés)
  • (au troisième autodafé) Ceux qu’on ne put offrir au bras séculier furent brûlés en effigie et l’on déterra les ossements de ceux qui étaient morts dans les tourments. Quatorze personnes furent livrés aux flammes, parmi lesquelles celles que l’on considérait comme les chefs spirituels de la communauté clandestine, Raphaël Valls, son disciple Benito Tarongi et sa sœur Catalina qui moururent brûlés vifs puisque, jusqu’au dernier moment, ils refusèrent d’abjurer, ce qui les privait du soulagement d’être garrotés avant qu’on allumât le bûcher. Leur supplice fut exemplaire par la constance et la sérénité qu’ils manifestèrent.

Les chuetas ont réussit à survivre jusqu’au XXe siècle en  cachant leur judaïsme :

  • Nous nous sommes[2] entretenus avec Gabriel Cortès y Cortès, écrivain, auteur d’un ouvrage sur les Juifs majorquins et leurs descendants chrétiens, et il nous a rappelé que, jusqu’en 1936, il avait connu des familles de chuetons – une variante populaire et péjorative de chuetas –  qui continuaient à pratiquer des rites typiquement crypto-juifs ; la plupart le faisaient par routine, d’autres par choix religieux. Entre autres coutumes d’origine juive pratiquée sans le savoir par la population majorquine en général, on peut noter la confection, à Pâques, de galettes de farine sans levain nommées crespells auxquelles on donne la forme d’étoiles de David. Sans qu’ils accordent de signification religieuse à leurs actes, de nombreux descendants de Juifs convertis convertis tels les Aguiló, Bonnin, Cortès, Forteza, Fuster, Martí, Miró, Piña ou Pinya, Picó, Pomar, Segura, Tarongí, Valentí, Valleriola et Valls s’abstiennent, nous le savons par expérience, de tout travail le samedi, s’habillent avec recherche le samedi comme le dimanche et mangent ce jour-là une nourriture frugale à base de poisson. (…) Enfin nous le savons aussi, les grandes pierres qui autrefois servirent de fondement à l’école qu’abritait la synagogue de la « Call Major », la rue principale de la Juiverie, aujourd’hui transformée en église,  sont conservées dans un certain endroit de la « Calle de Les Escoles ». Lorsque certains descendants de Juifs convertis passent dans cette rue, ils ralentissent le pas, touchent discrètement les pierres du bout des doigts, qu’ils portent ensuite à leurs lèvres.

Paul David


[1] http://www.liberation.fr/societe/2002/12/09/a-evry-le-maire-contre-le-franprix-halal_424063

[2] (collectif) dirigé par Henry Méchoulan : « Les Juifs d’Espagne, histoire d’une diaspora, 1492-1992 ». Article de Josep Mascaro Pasarius : « Les chuetas de Majorque ».