Résumé:

Cette génération est celle des années 1970 à 1990.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 145 associée au psaume 145. C’est dans ce psaume 145 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

Cette génération débute par « la guerre de 1973 », qui a été catastrophique pour Israël à ses débuts. Le premier choc pétrolier qui s’en suit marque la fin des 30 glorieuses. Les crises économique vont se succéder dans le monde.

Les premiers mouvements sionistes étaient souvent à connotation athée. La guerre de 1973 met fin à l’exaltation suivant les premiers conflits de l’état hébreu. Elle a pour conséquence un « retour aux valeurs juives » en Israël et également dans les communautés juives à travers le monde. Mais également par une nouvelle exaltation pour l’état juif pour les communautés évangélistes principalement aux USA.

Dans ce retour aux valeurs, la communauté des Juifs russes est au premier plan à cette génération. Ayant à la fois résisté à l’élimination physique par Hitler et l’élimination religieuse par Staline, « les Juifs russes » se réapproprient leur religion ancestrale.

Les « refuzniks » vont se battre pour se réapproprier cet héritage et pour pouvoir émigrer en Israël.

« L’implosion de l’URSS » qui se concrétise à l’issue de cette génération (1991) permet cette émigration vers Israël dès cette génération et également à la prochaine génération.

Cette implosion a largement été facilitée par la catastrophe de « Tchernobyl, 80 ans après les pogroms » sanglants en Ukraine.

Développement:

La guerre de 1973

La fin de la Seconde Guerre mondiale a initialisé une période de croissance économique quasiment ininterrompue pour l’ensemble des belligérants. De 1945 à 1975, d’où l’appellation des « trente glorieuses » données à cette période.

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Cette génération établit un équilibre mondial nouveau où l’occident tente de conserver son pouvoir économique sur le monde. De fait les crises se succèdent jusqu’à aujourd’hui faisant perdre petit à petit leurs illusions d’hégémonie aux anciennes puissances mondiales pendant que le tiers-monde d’hier émerge progressivement et se réapproprie lentement sa part de richesses.

La première crise décelée est celle consécutive à la guerre de Kippour en 1973 : le premier choc pétrolier.

La génération précédente a vu les armées israéliennes triompher et imposer leur supériorité. Cette génération commence par la guerre de 1973, la guerre de Kippour.

Si Israël triomphe encore une fois, le doute s’est installé, les débuts de la guerre ont été désastreux, et le monde arabe démontre qu’il ne veut pas de trublions juifs dans ce qu’il considère comme ses territoires.

Le retour aux valeurs

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Mais cette victoire en demi-teinte associée à la reprise récente de Jérusalem fait naître une nouvelle adhésion du peuple Juif à son Dieu. Si les premières générations de sionistes étaient souvent empreintes d’athéisme, un retour à la religion a lieu à cette génération :

  • En Israël[1], une véritable tornade idéologique s’est abattue sur le pays depuis la guerre du Kippour, balayant sur son passage la plupart des ancrages identitaires des premières années de l’État. Ses effets sont d’autant plus spectaculaires qu’ils sont survenus à un moment de grand vide idéologique et de désarticulation du système politique datant de l’époque héroïque du Yishouv : usure des grandes formations socialistes laissant un bilan social calamiteux, sclérose du mouvement kibboutzique, blocage du système parlementaire et montée de mouvements extraparlementaires qui s’entre-déchirent sur l’avenir des territoires occupés comme sur la nature du repos sabbatique hebdomadaire. […]
  • En même temps que l’essoufflement du sionisme et l’érosion de la synthèse plus ou moins réussie entre socialisme, sionisme et judaïsme des Lumières qui longtemps a servi d’assise idéologique et culturelle à une large partie de la population, c’est aussi depuis 1973 le désir d’un judaïsme plus « enraciné » et moins éthéré, un judaïsme fleurant le ghetto et la diaspora, auquel beaucoup d’écrivains et d’artistes réputés « cananéens » ou « athées » ont succombé.
  • Les expressions de cette flambée spirituelle sont multiples : développement spectaculaire des « études juives » dans les universités, multiplication spontanée et sans intervention aucune des institutions de l’État de cercles d’initiation à la mystique, à la philosophie et à la liturgie juives ; mouvement de repentir (tshuva) et retour à un style de vie de stricte observance religieuse ; invention de pratiques religieuses « new age » et adhésion de milliers d’anciens agnostiques, appartenant à toutes les classes de la société – membres de kibboutzim, artistes célèbres, officiers de l’armée… – à des communautés hassidiques de toutes obédiences ; affluence record aux offices de Rosh Hashana et du Kippour organisés dans les oratoires de fortune des kibboutzim. […] (de nombreuses) manifestations de « re-judaïsation » qui, ajoutées à l’extraordinaire poussée démographique de la population ultra-orthodoxe, ont mis à mal la laïcité de base de la société israélienne, héritière de deux siècles de Haskalah.

Cette exaltation religieuse ne touche pas que les populations juives, le retour de la souveraineté juive sur sa terre et plus particulièrement sur Jérusalem créent une effervescence religieuse en particulier parmi les évangélistes qui aux États Unis deviennent le principal lobby pro-israélien plus engagé encore que la communauté juive américaine dans son soutien à Israël :

  • Le fait[2] de posséder Jérusalem a peu à peu modifié l’esprit de gouvernance d’Israël, traditionnellement laïque, socialiste, moderne, et si l’État avait une religion, c’était autant la science historique de l’archéologie judéenne que le judaïsme orthodoxe.
  • La prise de Jérusalem avait ravi jusqu’aux Juifs les plus laïques. Le désir de Sion était si profond, si enraciné dans les chansons, les prières et la mythologie, l’interdiction du Mur si longue et si douloureuse, et l’aura de sainteté si puissante que, d’un bout à l’autre du monde, les Juifs les plus agnostiques éprouvèrent un sentiment d’euphorie proche de l’extase religieuse – l’expérience qui, dans le monde moderne, s’en rapprochait le plus.
  • Pour les Juifs religieux, héritiers de ceux qui, depuis des millénaires, de Babylone à Cordoue et à Vilnius, attendaient, comme nous l’avons vu, la salvation imminente, c’était un signe, une délivrance, une rédemption, l’accomplissement des prophéties bibliques, la fin de l’exil et le retour aux portes et aux cours du Temple dans la cité de David rétablie. […]
  • Les Juifs ne furent pas les seuls à se laisser émouvoir : les évangélistes chrétiens, bien plus nombreux et puissants, surtout aux États-Unis, vécurent également cet instant comme une extase apocalyptique. Ils étaient persuadés que deux des conditions préalables au Jugement dernier étaient désormais réunies : Israël était rétabli et Jérusalem était juive.

Cette exaltation vers Dieu fait l’objet du début du psaume de cette génération :

  1. Hymne de David. Je veux t’exalter, ô mon Dieu, bénir ton nom jusque dans l’éternité.
  2. Chaque jour je te bénirai, je célébrerai ton nom à jamais.
  3. Grand est l’Éternel et justement glorifié, sa grandeur est sans bornes.
    • Le début du psaume illustre bien le renouveau de l’adhérence à Dieu au sein d’Israël, adhésion religieuse qui bouleverse les fondements laïques de l’État d’Israël.
  4. Une génération vante tes œuvres à l’autre, et proclame tes hauts-faits.
  5. La splendeur de ta glorieuse majesté, le détail de tes merveilles, voilà ce que je veux exposer.
    • Ce passage fait écho aux termes utilisés dans le psaume 111 qui se rapportait à l’éclosion de la mystique juive concrétisée par la diffusion du Zohar à la fin du XIIIe siècle. Les principes cabalistes qui sont en pleine expansion en Israël à cette génération définissent un idéal d’harmonie, surtout entre l’élément masculin et l’élément féminin, entre la sefira Tifferet (la « Splendeur ») et la sefira Malkhout (le « Royaume »). Termes qui sont repris à bon escient dans ce passage du psaume de cette génération.
  6. Tous célèbrent la puissance de tes prodiges, et moi aussi je veux annoncer ta grandeur.
  7. Ils ne tarissent pas sur la gloire de ta grande bonté, et ils chantent ta justice.
  8. Clément et miséricordieux est l’Éternel, tardif à la colère et abondant en grâce.
  9. L’Éternel est bon pour tous, sa pitié s’étend à toutes ses créatures.
  10. Toutes tes œuvres te louent, Seigneur, et tes fidèles adorateurs te bénissent.
  11. Ils célèbrent l’honneur de ta royauté, et disent ta puissance,
  12. pour faire connaître aux fils de l’homme tes hauts faits et l’éclat glorieux de ton règne.
    • Ce passage du psaume de cette génération évoque l’adhésion progressive des nations à la puissance de l’Éternel dont les promesses se réalisent à l’image du retour des Juifs sur leur terre et de retour de leur souveraineté sur Jérusalem. Cette reconnaissance n’est pas limitée au peuple Juif mais est aussi reconnue progressivement par les nations comme le démontre l’adhésion des évangélistes. Les autres nations se laisseront bientôt convaincre également. Même le résultat de la guerre de Kippour qui a vu le triomphe des armées israéliennes malgré un déclenchement de la guerre qui leur était défavorable démontre la puissance divine, et fait partie des hauts faits et de la gloire divine.

Les Juifs russes

Le judaïsme européen a été décimé pendant la Shoah, la dernière grande communauté qui survit à l’aube de cette génération est celle de Russie.

Les Juifs de Russie ont souffert et ont été brimés dans la sphère d’influence russe depuis des siècles, il résulte que la défaite des Allemands à Stalingrad a empêché que celle-ci disparaisse complètement lors de la Seconde Guerre mondiale.

Les Juifs polonais ont été complètement décimés pendant la guerre et l’antisémitisme toujours vivace des Polonais matérialisés entre autres par de nouveaux pogroms après la guerre a contraint les rares survivants à quitter la Pologne la plupart pour émigrer en Israël.

Après la Pologne avec près de 3 millions de Juifs polonais exterminés par les nazis, les Juifs russes ont quantitativement eu les plus grosses pertes avec près d’un million et demi de victimes tuées par les nazis. Si seulement environ 10 % des Juifs polonais survivent à la Shoah, près de 50 % des Juifs soviétiques, principalement ceux de Russie, survivent à la Shoah.

Ainsi avec près d’un million et demi de Juifs à la fin de la Guerre, la communauté Juive de Russie est la dernière grande communauté juive d’Europe. Mais à l’élimination physique mise en place par les nazis, s’ajoute la tentative d’élimination spirituelle effectuée par les Soviétiques quasiment depuis la révolution russe de 1917 et qui se poursuit intensivement après la guerre avant et après la mort de Staline.

Staline[3] mort en mars 1953, la terreur physique fait place à une grisaille qui ne change pas fondamentalement la vie des Juifs soviétiques, pas plus que celle de leurs compatriotes non juifs. […] L’antisémitisme officiel ne disparaît pas, déguisé désormais, au début des années 1960, sous Khrouchtchev, en une violente campagne contre les « délits économiques ».

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Les Refuzniks

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Cependant l’étau se desserre quelque peu, des Juifs occidentaux commencent à visiter l’Union soviétique. A l’étranger, des voix de plus en plus nombreuses et fortes exigent le respect des droits individuels et communautaires des Juifs de l’empire, et le Kremlin, manifestement, n’y est pas insensible:

  • Sous[4] le « dégel » khrouchtchévien (1956-1964), la « stagnation » brejnévienne (1964-1985) et l’amorce de la « perestroïka » gorbatchévienne (1985-1987), les Juifs soviétiques se trouvent pris en étau entre deux contraintes inconciliables : celle d’une déculturation imposée par la suppression de leurs institutions culturelles et éducatives ainsi que par la condamnation idéologique de la langue hébraïque et du sionisme, et celle d’une discrimination socioprofessionnelle, systématisée dès 1956 par la politique des quotas nationaux, pratiquée dans de nombreux secteurs universitaires et professionnels.
  • Par conséquent, les Juifs se voient graduellement marginalisés de la société soviétique et en viennent, pour certains, à se percevoir comme des citoyens de seconde zone. De surcroît, la création de l’État d’Israël en 1948 et la détérioration rapide des relations diplomatiques entre l’URSS et l’État Hébreu (1951-1953) accroissent leur sentiment d’isolement : les Juifs sont soupçonnés d’une double allégeance à Moscou et Jérusalem, dont le mythe est régulièrement mobilisé dans la presse officielle pour triompher lors de la virulente campagne antisioniste de l’immédiat après-guerre des Six Jours (1968-1971). […]
  • Dès la seconde moitié des années 1960, trois voies majeures se dessinent au sein de la minorité juive en réponse directe à la politique de discrimination sociale et culturelle pratiquée par l’appareil administratif soviétique, dont les effets sont renforcés par les relents antisémites de la propagande antisioniste : l’émigration en Israël, dont la taille par année est dictée par les calculs politiques immédiats du gouvernement soviétique, la contestation réformiste lancée courageusement par les dissidents et les refuzniks – désignant les candidats à l’émigration en Israël privés de visa -, et l’adaptation au quotidien des « Juifs du silence » selon l’image de l’écrivain Elie Wiesel. […]
  • La religion juive, dont la pratique avait timidement réémergé durant la guerre et dans l’immédiat après-guerre, est anéantie par la campagne menée par Khrouchtchev (1957-1964). Cette campagne, touchant la majeure partie du territoire soviétique et toutes religions confondues, s’est traduite par de virulentes attaques contre le judaïsme, la fermeture de plus de cinquante synagogues sur le peu d’établissements demeurés ouverts après la révolution de 1917 ainsi que l’interdiction de la pratique religieuse juive avec, au premier rang, la fabrication de pains azymes (matsa) pour la Pâque et le rite de la circoncision (brit mila). La circoncision a fait l’objet d’un traitement particulièrement sévère de la part des services de propagande et de police : elle était perçue comme une menace pour la politique officielle d’assimilation et stigmatisée comme un acte barbare aux conséquences médicales néfastes. […]
  • La rhétorique antisioniste, faisant jouer aux Juifs le rôle d’« agents de l’impérialisme et du capitalisme américains », devient une constante de la propagande soviétique. […](elle) triomphe lors de la campagne antisioniste lancée à l’issue de la victoire israélienne dans la guerre des Six Jours (1968-1971). […] Empruntant à la propagande hitlérienne tout un stock de caricatures antisémites, la presse présente les Israéliens comme des nazis […]
  • Or, la violence antisémite de la propagande antisioniste ainsi que l’institutionnalisation officielle de l’exclusion sociale et culturelle de la minorité juive contribuent précisément à nourrir un intérêt inédit pour le sionisme aboutissant, à un mouvement majeur d’émigration vers Israël. […]
  • En 1971, première année d’émigration massive, 14 000 visas pour Israël sont accordés dont le chiffre double en 1972 et 1973 (30 000) avant de s’infléchir au milieu de la décennie puis de remonter en 1978 (30 000) pour atteindre un sommet en 1979 avec 51 000 départs. […]
  • Les restrictions de la politique des visas, fluctuantes dans les années 1970 et presque totales dans les années 1980, conduisent à l’émergement de mouvements informels d’opposition en lutte pour le respect général du droit juridique à l’émigration et pour l’objectif sioniste du rapatriement des Juifs dans leur foyer national. […] Les Juifs sont surreprésentés dans les courants contestataires préconisant la libéralisation et la démocratisation du régime. […] De nombreux Juifs soviétiques se sont d’abord faits connaître comme des activistes du mouvement démocratique afin de se tourner vers la culture juive et la défense de l’aliyah à l’instar d’Alexandre Voronel, Maïa Oulanovskaîa ou Dora Chtourmann.
  • C’est dans ce contexte d’émergence de réseaux contestataires informels que grandit le mouvement refuznik dans les années 1970 et 1980. L’appellation de refuznik (otkaznik) désigne les candidats à l’émigration en Israël qui ne se voient pas accorder de visa de sortie. Restreint dans les années 1970, le nombre de refuzniks augmente considérablement dans la décennie suivante, marquée par un durcissement net de la politique migratoire : à Moscou par exemple, ils se comptent par centaines dans les années 1970 et par milliers dans la décennie suivante. […]
  • De nouvelles expressions de la culture juive voient le jour, contournant la surveillance et la censure officielles et revêtant par là même une dimension contestataire. L’héritage juif réapparaît en URSS dès les années 1950 dans les pays baltes, terrain d’effervescence de la culture et de la joute politique juives avant la guerre. S’y mettent spontanément en place des cercles sionistes informels, des groupes de théâtre et de danse amateurs, des rassemblements privés de jeunes à la synagogue ainsi que des recueillements secrets sur les lieux de massacre de la Shoah, qui posent les premiers jalons d’un mouvement de renouveau national chez les Juifs soviétiques. […] Moscou prend la relève des pays baltes en s’offrant comme l’épine dorsale des activités sionistes en Union soviétique. C’est dans la capitale que le nombre de refuzniks et d’activistes juifs est proportionnellement le plus élevé et que les contacts se nouent entre les militants juifs venus d’Ukraine, de Biélorussie, des pays baltes, du Caucase et d’Asie centrale. […]
  • Cette renaissance culturelle se poursuit avec la mise en place à la fin des années 1960 de cours de langue hébraïque informels auxquels les refuzniks déchus de leur emploi consacrent une grande partie de leur temps. L’hébreu est étudié d’abord comme propédeutique à l’émigration, puis comme une voie privilégiée de retour culturel et spirituel à la judéité mise à mal par le régime soviétique. […]
  • Le combat culturel et l’opposition politique sont distingués théoriquement et stratégiquement dans le débat opposant, dès 1973, les partisans du renouveau culturel (koultourniki), dont la priorité est de renforcer la culture juive en Union soviétique au détriment du sionisme, et les militants du droit au départ (politiki), qui ne croient pas à la possibilité d’une renaissance authentique de la vie juive en URSS et préfèrent se concentrer sur la lutte politique et juridique pour l’émigration en Israël.
  • Une troisième tendance voit le jour dans les années 1980 suite à la quasi-fermeture des frontières soviétiques supprimant toute perspective migratoire immédiate, le retour à l’étude et la pratique religieuse juive. […]
  • Dès l’ouverture des frontières soviétiques en 1989 au milieu des années 2000, la carte juive russe se redessine, épousant un mouvement de dispersion mondiale et de dépopulation locale. Dans la décennie suivant la chute du gouvernement gorbatchévien, plus d’un million de Juifs soviétiques, accompagnés des membres non juifs de leur famille, quittent le territoire pour s’installer en Israël, aux États-Unis, au Canada, en Allemagne ou en Australie, où ils constituent bientôt des communautés au profil socioculturel bien distinct. […]
  • À la fin de l’ère Gorbatchev, la liberté d’émigration à l’étranger a été précédée de peu par celle de reconstituer sur place les institutions et communautés juives décimées par soixante-dix ans de communisme. En effet, les politiques de Glasnost et de la Perestroïka ont contribué à libéraliser l’expression des aspirations ethniques et religieuses de l’Union Soviétique tout en autorisant de manière limitée la constitution d’associations indépendantes du pouvoir. À l’instar d’autres minorités de l’Union, les Juifs soviétiques ont spontanément mis en place une multitude d’organisations culturelles, éducatives, religieuses et caritatives dont l’institutionnalisation et la hiérarchisation allaient, non sans heurts, prendre forme dans les années suivantes.

Cependant l’étau se desserre quelque peu, des Juifs occidentaux commencent à visiter l’Union soviétique. A l’étranger, des voix de plus en plus nombreuses et fortes exigent le respect des droits individuels et communautaires des Juifs de l’empire, et le Kremlin, manifestement, n’y est pas insensible:

Rappelons que le « statut » de refuznik n’était pas enviable :

  • Les plus entêtés[5] des criminels politiques, les dissidents, et les refuzniks, ces Juifs à qui on a refusé le visa de sortie et qui ont eu la mauvaise idée de se plaindre en public, ont droit à un traitement de faveur : les hôpitaux psychiatriques. Leur nombre est passé à trente par les bons soins d’Andropov, alors patron du KGB (jusqu’en 1982).

Ainsi à cette génération, une des communautés juives les plus combattues au long des siècles et qui a dû depuis la révolution russe vivre en dehors de sa foi se redresse et peut à l’intérieur des territoires de l’ex URSS ou à l’extérieur revenir vers le judaïsme. Après avoir subi pogroms et extermination (ceux qui tombent) et avoir « courbé » l’échine en matière de religion sous la domination soviétique, les Juifs de l’ex URSS se redressent.

C’est ce qu’exprime la suite du psaume de cette génération :

  1. Ta royauté remplit toute l’éternité, et ta domination se prolonge d’âge en âge.
  2. L’Éternel soutient tous ceux qui tombent, et redresse ceux qui sont courbés.
  3. Tous les yeux se tournent avec espoir vers toi, et toi, tu leur donnes leur subsistance en temps voulu.
  4. Tu ouvres la main et rassasies avec bienveillance tout être vivant.
  5. L’Éternel est juste en toutes ses voies, et généreux en tous ses actes.
  6. L’Éternel est proche de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’appellent avec sincérité.
  7. Il accomplit les désirs de ses fidèles, entend leur supplication et leur porte secours.

L’implosion de l’URSS

Pendant que les Juifs d’URSS s’émancipent, l’URSS périclite avant de définitivement exploser en 1991. Le bloc soviétique a déjà été ébranlé à la fin de la génération précédente. En 1968, les Tchécoslovaques essaient d’obtenir plus de libertés. Les armées du Pacte de Varsovie interviennent en août 1968 suivi par des interventions de l’armée tchécoslovaque en août 1969 qui définitivement mettent fin au Printemps de Prague. Le communisme dans le bloc soviétique est en sursis, celui-ci durera une génération.

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À la fin de cette génération (1991), l’URSS et le communisme s’effondrent.

Un nouvel empire qui a comme les précédents accordé une place de paria aux Juifs est en train de se disloquer, cette dislocation étant quasiment aboutie à la fin de cette génération.

L’application du communisme en URSS a été imposée comme dogme fondateur incompatible avec les religions, principalement les religions monothéistes.

Ainsi si le communisme en URSS est une forme d’athéisme, l’opposition à la religion juive est la plus forte car malgré ces nouvelles croyances, les Russes comme les autres nationalités de l’URSS n’ont pas abandonné leur antisémitisme traditionnel l’adaptant aux nouveaux dogmes. Le combat contre le sionisme et le capitalisme est une voie privilégiée pour arborer un antisémitisme réactualisé.

Mais cet empire impie qui a combattu les Juifs ne leur survivra pas comme beaucoup d’autres empires puissants avant lui.

Cet effondrement mis en parallèle avec la renaissance du judaïsme de la sphère Russe, à l’intérieur en et en dehors des frontières de l’ex URSS est l’objet de la suite du psaume de cette génération :

  1. L’Éternel protège tous ceux qui l’aiment, mais anéantit tous les impies.

Tchernobyl, 80 ans après les pogroms

Il est à remarquer que la dislocation de l’empire soviétique a réellement débuté en 1986 dans la continuité de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Or la catastrophe de Tchernobyl a lieu 80 ans après une série de pogroms épouvantables et plus atroces que ceux de 1881-1882.

Le premier est celui de Kichinev le 6 avril 1903 avec 49 morts de nombreux blessés et des dégâts considérables. D’autres suivent:

  • L’année[7] 1904 voit s’allonger la liste des lieux de Pogroms (Smela, Rovno, Mohilev). […]
  • Durant tout le début d’avril 1905, des violences antijuives (perpétrées par des bandes contre-terroristes – les « Cents Noirs » mises en place par la police gouvernementale) ont lieu dans différentes bourgades, notamment Doussiati, Melitopol, Simferopol. Le 23 avril, les Cent Noirs déclenchent un terrible pogrom à Jitomir : il dure trois jours. […] À Minsk et Brest-Litovsk (en mai 1905), à Lodz en Juin, à Bialystok et à Kertch en juillet, des violences antijuives éclatent. […]
  • Du 18 au 25 octobre 1905, des pogroms sanglants se déroulent dans 50 villes (notamment Kiev, Odessa, Kichinev, Ekaterinoslav), et des violences anti-juives se manifestent dans plus de 100 autres localités. […] 300 Juifs sont tués dans la seule ville d’Odessa. […]
Scherl Bilderdienst Russland, St. Petersburg.- Eröffnungsfeier der russischen Parlamente, Zar Nikolaus II. verliest die Thronrede. 3662-06 Zentralbild St. Petersburg 1906 Die Eröffnung der russischen Parlamente. UBz.: Der Zar verliest die Thronrede im Georgsaal des Winterpalais.

Au printemps 1906 se réunit la Douma d’empire (accordée par le manifeste d’octobre 1905) ; on en attend beaucoup. 12 députés juifs y siègent et on espère qu’ils arriveront à faire progresser la question des droits des Juifs. Mais, au bout d’à peine plus de deux mois, la Douma est dissoute par oukase, le 8 juillet 1906.
Quelques jours plus tôt, un nouveau et sanglant pogrom a lieu à Bialystok, le 1er juillet 1906.

Les atrocités commises à Kichinev se renouvellent. 80 tués dans des conditions horribles, des centaines de blessés (membres arrachés, viols, mutilations, clous dans la tête, sauvageries en tout genre). Un rapport est présenté à la Douma, qui, dans sa séance du 7 juillet, ose protester contre ces agissements indignes d’un pays civilisé et exige la démission du ministre de l’Intérieur. Le lendemain, elle est dissoute.

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  • La situation redevient chaotique. Une cour martiale siège de septembre 1906 à janvier 1907. Elle condamne à mort plus de 1000 « criminels politiques », dont un grand nombre de Juifs.
  • La nouvelle Douma ne comporte plus que 3 députés juifs. Elle est d’ailleurs également dissoute (juillet 1907), au moment même où un nouveau pogrom éclate à Siedlce : 26 juifs y sont tués et des dizaines blessés. (par la suite, les mesures anti-juives vont se durcir)

Pendant les 80 ans qui suivent, de nombreux massacres auront lieu dans ces mêmes régions que ce soit pendant la révolution russe ou pendant la Seconde Guerre mondiale en particulier en Ukraine dans la région de Kiev.

C’est près de Kiev que 80 ans après le pogrom de Bialystok de 1906 a lieu la catastrophe de Tchernobyl. Ce pogrom est d’autant plus dramatique qu’il a été suivi d’une « validation » par le pouvoir d’alors. Les générations suivantes ont largement reproduit les crimes de leurs pères, les Ukrainiens en particulier ayant largement contribué à l’élimination des Juifs ukrainiens en coopération avec les nazis.

Tchernobyl vient donc à la quatrième génération apporter la vengeance divine par l’eau et l’air, car la catastrophe nucléaire s’est répandue par l’air et a pollué l’eau. Si cette catastrophe n’explique pas à elle seule la chute de l’empire soviétique, elle a mis a nu les faiblesses, l’impuissance et l’incapacité de l’Union Soviétique ce qui a permis aux peuples soumis d’être plus courageux dans leur volonté de se séparer de l’URSS.

En tout état de cause, cette génération voit la fin du communisme dans sa version totalitaire, les Juifs soviétiques étaient la dernière population d’importance encore soumise à un statut de paria et entravée dans la pratique de son culte. Après la chute du nazisme, les pages les plus noires du vingtième siècle se ferment pour le bénéfice du peuple Juif mais aussi de tous les peuples de la terre.

Cela justifie, malgré le prix payé, la conclusion du psaume de cette génération :

  1. Que ma bouche dise les louanges de l’Éternel, et que toute créature bénisse son saint nom à jamais.
  • Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

La victoire arrachée par les Israéliens lors de la guerre de Kippour pousse le monde arabe a combattre Israël autrement que militairement :

  • Pour[8], la première fois dans leur histoire (1973), les Arabes utilisent avec succès l’arme du pétrole et imposent un embargo sur les exportations à destinations des pays occidentaux favorables à Israël. Une mesure redoutable qui a affecté les consommateurs du monde entier, victimes de « l’intransigeance d’Israël », comme ne cessait de clamer la propagande arabe.
  • L’État juif est sur la sellette. Son image se dégrade dans les médias internationaux. C’en est fini du petit pays assiégé et sans défense. Pendant que Claude Lanzmann rappelle dans un film sensible et intelligent »Pourquoi Israël ? », les radios israéliennes diffusent à longueur de journée une chanson intitulée « Le monde entier est contre nous » :
    • Le monde entier est contre nous
    • Ceci est une très vieille antienne
    • Que nous ont apprise nos ancêtres à chanter et à danser
    • Cette chanson nous l’avons apprise
    • De nos vieux ancêtres
    • Nous-même la chantons
    • Et nos enfants après nous
    • Nos petits-enfants et nos arrières-petits-enfants la chanterons
    • Ici en Terre d’Israël

La génération 145 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 74 du Deutéronome:

  1. (et) tu seras un objet de tremblement pour tous les royaumes de la terre,

Paul David

 

[1] Michel Abitbol : « Histoire des Juifs ». Chapitre : « L’Après-guerre ». (p 641,642)

[2] Simon Sebag Montefiore : « Jérusalem, Biographie ». (p. 595,596)

[3] (sous la direction de) Elie Barnavi : « Histoire universelle des Juifs ».  Chapitre : « De Khrouchtchev à Gorbatchev, 1953 – 1991 ». (p. 272).

[4] (Collectif Antoine Germa/Benjamin Lellouch/Evelyne Patlagean) : « Les Juifs dans l’histoire ». Chapitre de Sarah Fainberg: « De la déstalinisation à la grande migration ». (p. 734 à 756).

[5] Andreï Kozovoï : « La chute de l’Union Soviétique, 1982-1991 ». (p. 33)

[7] Renée Neher-Bernheim : « Histoire juive de la Révolution à l’Etat d’Israël ». (p. 490 à 492)

[8] Michel Abitbol : « Histoire des Juifs ». Chapitre : « L’Après-guerre ». (p. 637 à 639)