Résumé:

Cette génération est celle des années 1570 à 1590.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 126 associée au psaume 126. C’est dans ce psaume 126 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

La réforme a pour effet d’ébranler l’hégémonie de Rome sur les Nations européennes. L’Espagne et le Portugal s’étaient partagé le monde sous la bénédiction papale, ce partage n’a plus de sens lorsque cette autorité n’est plus reconnue.

Deux nouvelles puissances émergent au nord de l’Europe: les Provinces Unies contrôlées par Guillaume d’Orange et l’Angleterre qui a défini et adopté l’anglicanisme en 1653, dirigée par la reine Elisabeth 1ère. Après 1570, les relations de l’Angleterre avec l’Espagne se détériorent. Francis Drake dévalise un convoi espagnol avec la bénédiction de la Reine.

Le roi Philippe II d’Espagne réagit en réunissant une flotte de 130 bâtiments qu’il nomme « l’invicible armada » pour mâter l’Angleterre. L’Invincible Armada est vaincue à la fois par les marins anglais et par la tempête. Cette humiliation n’entame pas réellement la domination espagnole sur l’Atlantique, mais l’Angleterre a montré sa puissance et elle peut maintenant se lancer à la conquête du monde.

Cette défaite de l’Espagne et du Portugal (la flotte est partie de Lisbonne) a lieu 80 ans après un massacre de Juifs à Lisbonne. De même cette génération a débuté par la Saint Barthélemy en 1472, également 80 ans après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492. 80 ans c’est la durée de 4 générations …

Le protestantisme a ébranlé le contrôle du pouvoir par l’église romaine. En ces années 1570 cela a pour conséquence une réadmission des Juifs dans les pays du Nord, c’est le cas en Angleterre, le vainqueur des puissances ibériques. C’est le cas aussi en Italie ou en Europe Centrale, à Prague, à Francfort ou à Vienne.

Développement:

Le partage du monde

Au début du siècle, les Turcs ont essayé sans succès de s’installer sur le continent Européen, sur l’Europe occidentale. Après avoir pris Belgrade en 1521, l’échec du siège de Vienne en 1529 et la menace Perse les obligent à renoncer à leur rêve de conquête en Europe Occidentale se contentant du contrôle de la Méditerranée qui prend fin à cette génération.

La réforme a pour effet d’ébranler l’hégémonie de Rome sur les Nations européennes. L’Espagne et le Portugal s’étaient partagé le monde sous la bénédiction papale, ce partage n’a plus de sens lorsque cette autorité n’est plus reconnue.

De fait en même temps que le monde antique axé sur la Méditerranée se stabilise, de nouvelles puissances européennes tournées vers l’Océan émergent, signe annonciateur du basculement du contrôle du monde des puissances du sud vers les nouvelles puissances du nord. C’est le cas des Provinces Unies.

En 1581, Guillaume d’Orange contrôle désormais la nouvelle « République des Provinces Unies » avec comme capitale Amsterdam, nouvel élément de poids dans l’échiquier mondial qui sera officiellement reconnu par l’Espagne en 1648.

Élisabeth 1ère

L’Angleterre, autre puissance en gestation se détache également de la tutelle espagnole :

  • Élisabeth 1ère devient[2] Reine en 1558. Son règne associé au nom de Shakespeare et à la victoire sur l’Invincible Armada, demeure un des plus glorieux de l’histoire d’Angleterre. (Elle succède à Marie Tudor qui a combattu le protestantisme adopté par son prédécesseur). […]
  • Élisabeth revient tout naturellement au protestantisme, mais avec un grand souci de modération. (..) En 1563 sont proclamés les « Trente Neuf articles de religion », qui constituent la véritable charte de l’anglicanisme. […] En 1570, Elizabeth (fille d’Anne Boleyn, bâtarde aux yeux des catholiques) est officiellement excommuniée par le pape, qui n’accepte comme seule souveraine légitime que Marie Stuart, la reine d’Écosse. […]
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L’Invincible Armada

  • Après 1570, les relations de l’Angleterre avec l’Espagne se détériorent. Le sort des catholiques anglais et de Marie Stuart ne peut laisser indifférent le roi « très catholique », qui supporte également mal les incursions anglaises dans son empire. Lors de son tour du monde de 1577-1580, le navigateur anglais Francis Drake intercepte un convoi espagnol et s’empare de son or. Comme Elizabeth brave les plaintes de l’ambassadeur espagnol en armant Drake chevalier, Philippe II prend la décision d’éliminer ces adversaires.
  • Il réunit une flotte, considérable pour l’époque, et la baptise lui-même l’Invincible Armada, le 20 mai 1588, 10300 marins et 19000 soldats entassés sur 130 bâtiments quittent le port de Lisbonne. L’Invincible Armada est cependant vaincue à la fois par les marins anglais et par la tempête. Seuls 63 bateaux regagnent l’Espagne. Cette humiliation n’entame pas réellement la domination espagnole sur l’Atlantique, mais l’Angleterre a montré sa puissance et elle peut maintenant se lancer à la conquête du monde.
  • En Angleterre, la seconde moitié du XVIe siècle est marquée par un grand dynamisme démographique et économique.

80 ans

Cette défaite providentielle de l’Invincible Armada a lieu environ 80 ans après le massacre de Lisbonne :

  • La politique[3] royale d’intégration forcée des juifs (portugais) rencontra son obstacle principal dans la haine populaire contre les néophytes, dont témoigne le grand nombre de procès pour offenses et insultes. La violence verbale se transforma rapidement en attaques physiques. Ce fut le cas au printemps de 1504, quand une émeute se produisit à Lisbonne, puis en 1505 à Evora, lorsque la foule soulevée contre les nouveaux-chrétiens détruisit l’ancienne synagogue. Un an plus tard, à Lisbonne, la haine enfla au point de provoquer un terrible pogrom.
  • Tandis que le roi et ses officiers se trouvaient hors de la ville à cause de la peste, le prévôt de justice municipal entreprit, pendant la nuit de la Pâque juive (les nouveaux-chrétiens étaient pour la plupart des Juifs espagnols qui n’avaient pas fait le choix du christianisme), une descente dans plusieurs maisons où des nouveaux-chrétiens célébraient leur fête ancestrale. Conformément à l’immunité qu’il avait octroyée en 1497, le roi ordonna qu’on relâche les dix-sept personnes.
  • Les protestations populaires contre cette indulgence furent récupérées par les dominicains. Dans leur couvent situé sur la place du Rossio, ils commencèrent à prêcher contre les « juifs » et mirent en scène un miracle : sur le crucifix de leur église, un morceau de verre qui représentait la plaie sur le flanc du Christ se mit à émettre de vifs éclats de lumière. Le dimanche après-midi, 19 avril 1506, alors qu’une foule de fidèles était prosternée, dans un délire mystique, devant ce crucifix resplendissant, un nouveau chrétien entré dans l’église eut l’imprudence de faire remarquer qu’il y avait une bougie derrière le verre.
  • Accusé de blasphème, il fut immédiatement lynché par la foule. Deux dominicains parcoururent alors les rues de Lisbonne en appelant les bons chrétiens à venger ce sacrilège. Cette foule se composait notamment de cinq cents marins néerlandais et français, venus probablement de vaisseaux appartenant à des marchands rivaux des nouveaux-chrétiens. À ces marins se joignirent le bas peuple lisboète et de nombreux esclaves. La foule mit en échec les quelques agents de la justice qui n’avaient pas quitté la ville, puis elle entreprit à l’encontre de la population néo-chrétienne une tuerie sauvage accompagnée de pillages et de viols. Les victimes mortes ou vivantes, furent traînées sur de grands bûchers ; le receveur des impôts Mascarenhas, cible principale de la haine, fut pourchassé et assommé par la foule. Au bout de trois jours, alors qu’au moins deux mille nouveaux-chrétiens avaient déjà perdu la vie, la justice royale reprit difficilement la ville en main.

Le roi Manuel fit punir durement les meneurs de l’émeute. En 1507, il autorisa même les nouveaux chrétiens à quitter librement le royaume tout en ayant la possibilité d’y revenir. En 1512, il prolongea de 20 ans l’immunité décrétée en 1497 des nouveaux chrétiens contre toute enquête relative à leurs pratiques religieuse.

Bien que l’histoire de la fin du judaïsme Ibérique ait été émaillée d’autres morts et d’autres exactions et injustices, ce massacre a une particularité. L’expulsion d’Espagne de 1492 laissait le choix aux Juifs de se convertir ou de quitter le pays. Nombreux alors se sont réfugiés au Portugal. Mais au Portugal ces mêmes Juifs qui avaient préféré l’exil de leur terre natale et ancestrale à la conversion se trouvèrent piégés en 1497, le roi leur imposant la conversion sans possibilité d’un nouvel exil.

Cette conversion fut quand même assortie d’une liberté de culte de fait, puisqu’une immunité sur la pratique religieuse leur fut accordée pendant vingt ans, soit en théorie jusqu’en 1512. Or ce massacre, même s’il n’est pas de l’initiative du pouvoir royal, est de sa responsabilité car c’est lui qui a piégé les Juifs espagnols réfugiés au Portugal, massacrés du fait de ce piège quelques années plus tard.

Cette responsabilité a dû être ressentie à sa juste valeur par le roi du Portugal si on en juge sa réaction au massacre. Même si la réaction royale est salutaire, en 1531 avant l’expiration de cette nouvelle période, le roi Joao III décide d’instaurer l’Inquisition au Portugal pour combattre le judaïsme des nouveaux-chrétiens réduisant à néant la volonté d’expiation de son prédécesseur.

En 1497, le Portugal avait piégé les Juifs espagnols afin de les conserver sur son sol en espérant ainsi qu’ils aideraient le Portugal dans son expansion économique. Et c’est donc naturellement que 80 ans après le massacre de Lisbonne l’Invincible Armada partie de Lisbonne trouva en plus des Anglais la colère divine qui envoya la Tempête, air et eau, sur les bateaux espagnols.

À la génération précédente, le psalmiste évoquait la présence divine qui avait épargné le peuple Juif des « eaux impétueuses » (l’eau du baptême), à cette génération, la présence divine a fait passé d’autres « eaux impétueuses » sur ceux qui voulaient submerger le peuple d’Israël : les Portugais et les Espagnols.

Cette défaite ouvrira la voie à l’Angleterre et autres dynasties émergentes du nord de l’Europe dans la conquête du monde au détriment des intérêts Ibériques, Portugal et Espagne confondus. Si le Portugal est déjà sur la pente descendante à cette génération, les effets de cette concurrence nouvelle pousseront bientôt l’Espagne à s’exclure des nations dominant le monde dans les prochaines générations.

Avant cette défaite, le Portugal venait de passer sous le contrôle de l’Espagne. Ainsi lorsque l’Espagne envoie son Invincible Armada vers l’Angleterre, c’est en fait les deux royaumes ibériques qui sont associés : l’Espagne et le Portugal. Ces deux pays qui, quatre générations auparavant, s’étaient associés pour faire disparaître de la péninsule Ibérique la présence juive qui datait pourtant de plus d’un millénaire se retrouvent liés, à la présente génération, pour subir la colère divine. Symboliquement, l’Invincible Armada est partie de Lisbonne 80 ans après le massacre, dans cette même ville, de Juifs pris au piège d’une conversion forcée.

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Ainsi à la quatrième génération, comme les Égyptiens lors de la sortie d’Égypte, les Portugais et les Espagnols sont punis par l’air et par l’eau. Le massacre de Lisbonne a eu lieu le jour de Pâques qui célèbre la sortie d’Égypte, quatre générations plus tard, ils subissent le même sort que l’armée égyptienne, engloutie par les eaux.

Cette génération est également marquée également par la Saint Barthélemy le 24 août 1572. Alors qu’achevant la reconquête, l’Espagne avait décidé de l’expulsion des Juifs en 1492 dans l’espoir d’unifier l’Espagne puis l’Europe derrière la bannière unifiée du catholicisme, quatre générations plus tard, exactement 80 ans après, cette unification vole en éclat.

Le monde chrétien ne sera plus unifié.

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La réadmission des Juifs en Europe

En 1492, les Juifs avaient été les victimes de cette volonté d’unification.

Quatre générations plus tard, ils peuvent retrouver leur place dans ce monde chrétien nouveau, pas dans la péninsule Ibérique, sclérosée par cette volonté d’unification, de pureté, mais dans le reste de l’Europe. Également dans le nouveau monde en particulier en Amérique du Nord dont les premières tentatives d’installation sont effectuées à cette génération, par des protestants qui essaieront d’y trouver leur salut en dehors d’une Europe qu’ils considèrent trop imprégnée de catholicisme.

Ainsi cette génération est un nouveau point de départ pour les Juifs qui ayant refusé de se soumettre et de succomber à la pression catholique des puissances Ibériques :

  • Pendant[6] qu’à Lépante se consommait le choc armé entre Orient et Occident, l’Europe chrétienne fut en proie à de si grands changements que de nombreux historiens ont considéré ces années 1570 comme une date symbolique. La dure lutte entre catholiques et protestants avait transformé la philosophie politique des gouvernants et des puissants, et l’Église romaine ne pouvait plus exercer un contrôle exclusif du pouvoir.
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  • Une société économiquement plus souple et plus vive accouchait de nouvelles valeurs : la raison d’État par exemple, glissée dans l’embryon des nations modernes, s’opposait drastiquement à des modèles politiques, culturels et religieux décadents. Certains intellectuels, Montaigne, Bacon, Bodin, Lipse, se firent les interprètes de ce changement spirituel (peut-être pas aussi instantané que le voudraient certains historiens, mais certainement drastique et rapide) et ils donnèrent expression philosophique et culturelle à ce scepticisme radical né d’un conflit de valeurs ambivalentes. Quant au front économique, l’intérêt de l’État prévalait sur les anciennes exigences religieuses et accroissait la pression, collective et individuelle vers le bien-être. Tout ceci ne pouvait être sans retombées sur les destinées des Juifs, si sensibles malgré eux à toute fluctuation politique, économique, sociale et religieuse. Ce profond bouleversement des points de vue a amené certains historiens à oser considérer 1570 comme le début de l’histoire moderne juive, car ces années furent justement celles du début de la réadmission juive en Occident et en Europe Centrale : un changement diffus et simultané, en Italie, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, qui prit place dans une transformation plus vaste de toute la mentalité européenne. Après d’âpres luttes religieuses, une stabilité fondamentale prenait corps : l’édit de Nantes (1598) avait reconnu la liberté de culte aux calvinistes, aux Pays-Bas, catholiques et protestants s’étaient partagés leurs zones d’influence.
  • Dans certains pays, ce ne fut pas seulement un retour : en un geste spectaculaire, Maximilien II (1564-1576) et sa cour au grand complet visitèrent en 1571 la Judenstadt à Prague. Son successeur Rodolphe II approfondit en 1577 la politique de son père, par une charte qui précisait des conditions si favorables qu’en 1600, la communauté de Prague comptait trois mille personnes venues en partie de l’est, inversant ainsi la tendance des grands flux occidentaux du XVIe siècle. […]
  • De profonds changements affectèrent aussi la population juive : le prêt sur gage, son ancienne spécialité, perdit rapidement son importance, au profit de l’intermédiaire marchand et commercial. De nouvelles figures apparurent, comme les Hofjuden, les Juifs de cour, hommes de confiance des feudataires. Le retour fut plus notable en Allemagne et en particulier à Francfort, en Autriche à Vienne, où, malgré quelques flambées et contradictions, les tensions anti-juives retombaient. En Italie, après le sectarisme pontifical des années cinquante, Urbino, Ancône, Rome, Venise, et surtout Mantoue favorisèrent, avec quelques décalages temporels, l’installation et le renforcement de noyaux juifs. Des courants croisés et hétérogènes mêlèrent les survivants du judaïsme européen séfarades et ashkénazes, au-delà de leurs divisions traditionnelles.
  • Le siècle s’achève donc sur un processus de réadmission et de réintégration qui touche pratiquement toute l’Europe : de nouveaux groupes juifs se greffèrent en pleine lumière sur les communautés clandestines de marranes. Le grand tumulte qui avait éprouvé l’Europe Centrale parut se calmer. Une nouvelle page convulsive de l’histoire juive semblait tournée.

Ainsi, malgré les attaques subies, les Juifs n’ont pas chancelé et ont gardé leur foi intacte, c’est ce qu’exprime le début du psaume de cette génération :

  1. Cantique des degrés. Ceux qui ont confiance en l’Éternel seront comme la montagne de Sion, qui ne chancelle pas, inébranlable à jamais.

Cette résurgence inespérée du peuple Juif s’accompagne d’une place accrue de la terre promise avec une attention privilégiée pour Jérusalem :

  • Dans[7] les années quatre-vingt du (seizième) siècle, les plus hautes sommités rabbiniques de la diaspora transportent leurs pénates et leur cour à Jérusalem ; parmi elles, Rabbi Haïm Vital Calabrèse, principal disciple d’Isaac Luria Ashkenazi, et Rabbi Bezalel Ashkenazi, tous deux disciples de l’autorité suprême de la génération, David ben Salomon Ibn Avi Zimra, qui a abandonné l’opulente communauté du Caire pour occuper la chaire majeure de Jérusalem en 1587. L’itinéraire de Salomon ben Joseph Sirillo fournirait un modèle du rabbin hiérosolymite au XVIe siècle. Couronnement d’une carrière, la Jérusalem terrestre exhale les parfums de la Jérusalem céleste. Des centaines de rabbins vivent et enseignent alors à Jérusalem dans l’entente ou la mésentente.

Bien que l’exil ne soit pas terminé, Jérusalem a déjà repris une place prépondérante pour les Juifs de cette génération.

Les Juifs peuvent continuer à vivre au sein des nations qui comme nous l’avons vu à de nombreuses reprises sont symboliquement associées aux montagnes surtout pendant l’exil du peuple Juif. Ainsi la suite du psaume évoque cette nouvelle phase de l’exil au sein des nations, pendant laquelle les Juifs seront aspirés vers la modernité sans renier à leur foi.

C’est ce qu’exprime la suite du psaume :

  1. Jérusalem a des montagnes pour ceinture ; ainsi l’Éternel entoure son peuple, maintenant et pour toujours.

Ainsi le psalmiste peut conclure le psaume de cette génération en réaffirmant la foi inébranlable du peuple Juif envers son Dieu à travers l’alliance conclue que la fin de l’exil ne pourra rompre :

  1. Car le sceptre de l’impiété ne se posera pas sur le patrimoine des justes, pour que les justes n’appliquent pas leurs mains au mal.
  2. Seigneur, fais du bien aux bons, à ceux qui ont le cœur droit.
  3. Mais ceux qui se détournent vers des voies obliques, que l’Éternel les entraîne avec les artisans d’iniquité ! Paix sur Israël !
  • Cette génération fait partie de la 3ème garde de la nuit (générations 99 à 147).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Au niveau du rayonnement intellectuel dans les sphères juives, Safed n’est pas en reste vis-à-vis de Jérusalem en particulier en ce qui concerne la diffusion de la Kabbale :

  • Avec[8] l’arrivée de Louria à Safed en 1569, la mystique juive entre dans une phase nouvelle. Isaac Louria (1534-1572) est né à Jérusalem, dans une maison restée vénérée à travers les siècles et transformée vers 1970 en Musée du vieux Yishouv[9]. […]
  • À trente-cinq ans, précédé d’une réputation peu commune, il se fixe à Safed où il devient d’emblée la personnalité dominante, éclipsant toutes les autres. On le surnomme Ari, initiales de son nom : Ashkenazi Rabi Isaac (Ashkenazi : du fait des origines de son père). Mais on ne manque pas de faire suivre de l’épithète « le saint » : Ari Ha-Kadosh. C’est-à-dire le prestige dont il est entouré, de son vivant déjà, et plus encore après sa mort prématurée à trente-huit ans, victime d’une de ces épidémies endémiques dans la région.
  • Louria n’aura vécu que trois années à Safed. Mais elles ont suffi pour lui donner des disciples fidèles et passionnés qui perpétueront son enseignement. En particulier, Haïm Vital (1542-1620), né lui-même à Safed. La vie de Louria a été trop courte pour lui permettre de donner une forme écrite à son enseignement. C’est Haïm Vital qui le fait, et se proclame d’ailleurs le seul disciple qualifié pour propager l’enseignement du maître et son interprétation renouvelée de la Kabbale. […] Le long travail de mise par écrit d’un enseignement si riche lui prend vingt ans, durant lesquels il se partage entre Safed et Jérusalem et finalement Damas, où il meurt, après avoir largement répandu l’enseignement de Louria. Il en a rassemblé l’essentiel dans un livre monumental : Ets Ha-Hayim (l’arbre de la vie). […] À partir du XVIIe siècle se répand l’enseignement de Louria qui marque de manière décisive toute la tradition juive ultérieure.

La mort de Louria est due à une des nombreuses épidémies qui frappe la Terre sainte, plus durement les juifs que les autres populations, du fait de l’effet de surpopulation des quartiers Juifs :

  • Aux conflits[10] incessants entre les pouvoirs locaux, il faut ajouter aussi, pour comprendre le déclin de Safed, des épidémies qui déciment la région à intervalles répétés. L’une d’elles, en 1572, a causé la mort, d’Isaac Louria. Le terme très général « maguéfa » pour désigner ces catastrophes répétées ne permet pas de préciser de quelle maladie spécifique, il s’agit. L’épidémie de 1594, a été particulièrement sévère. Il s’est agi probablement du choléra. Quand de telles épidémies apparaissent, la population affolée fuit Safed et cherche un asile plus aéré dans les villages de Galilée.

En effet les épidémies sont fréquentes :

  • Si[11] une épidémie se déclare – la plaie majeure dans des sites d’entassement démographique -, le choc peut s’avérer irrémédiable pour la population. […]
  • Si les gens de Safed possèdent un large « hinterland » (zone où se réfugier), ceux de Jérusalem doivent se contenter des abords du tombeau du prophète Samuel. Le naguid Isaac Cohen-Solal y prit ses quartiers lors de la peste qui sévit à Jérusalem de 1523 à 1525 ; il devait y mourir. Le fléau porta à la ville et à sa vocation d’hégémonie sur toute la Terre sainte un coup dont elle ne sut pas vraiment se relever au XVIe siècle. D’autres épidémies, en 1533, 1550, 1553, 1572 et 1594, se montrèrent aussi nocives. Lors de la peste de 1553, des notables de Safed, dont Rabbi Moïse Baruch et Rabbi Moïse ben Méir, se réfugièrent à Tripoli. L’épidémie de 1572 emporta le maître kabbaliste par excellence Isaac Luria Ashkenazi, Ari Ha-Kadosh. Pratiquement tout individu traverse au moins deux épidémies au cours de son existence, à moins qu’il ne succombe à la première.

La génération 125 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 128 du Deutéronome:

  1. (L’Éternel rendra extraordinaires tes plaies et les plaies de ta descendance, des plaies grandes et fidèles et) des maladies mauvaises et fidèles,

Paul David

[1] (préface de) Jean Delumeau : « Une histoire du monde aux temps modernes ». Chapitre : « Les grandes puissance européennes, 1555-1600 ». (p. 98,99)

[2] (préface de) Jean Delumeau : « Une histoire du monde aux temps modernes ». Chapitre : « Les grandes puissance européennes, 1555-1600 ». (p. 110 à 117)

[3] Carsten L. Wilke : « Histoire des Juifs portugais ». (p. 91,92)

[4] (préface de) Jean Delumeau : « Une histoire du monde aux temps modernes ». Chapitre : « Les grandes puissance européennes, 1555-1600 ». (p. 107 à 110)

[5] Henry Méchoulan : « Les Juifs du silence au siècle d’or espagnol ». (p.155)

[6] Riccardo Calimani : « L’Errance juive ». Chapitre XV : « L’ère des ghettos ». (p. 264-265)

[7] Gérard Nahon : « La terre sainte au temps des Kabbalistes ». (p. 99,100)

[8] Renée Neher-Bernheim : «La vie juive en Terre sainte, 1517-1918». Chapitre : « Le XVIe siècle ». (p. 62-63)

[9] Yishouv : « Terre habitée » en hébreu désigne globalement la communauté juive implantée en terre d’Israël.

[10] Renée Neher-Bernheim : «La vie juive en Terre sainte, 1517-1918». Chapitre : « Le XVIe siècle ». (p. 86)

[11] Gérard Nahon : « La terre sainte au temps des Kabbalistes ». (p. 32,33)