Résumé:

Cette génération est celle des années 650 à 670.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 80 associée au psaume 80. C’est dans ce psaume 80 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

La menace musulmane se rapproche de Constantinople. La prise de Rhodes enclenche la riposte byzantine qui est désastreuse. Si Byzance résiste à l’attaque musulmane c’est principalement grâce aux tensions qui commencent à apparaître dans le cadre de la lutte de succession au califat de l’empire musulman.

Omar meurt en 644 (il est assassiné), le problème de la succession se pose à nouveau. Ali aurait dû succéder à Omar car le collège des six prétendants l’avait choisi mais du fait d’un subterfuge c’est finalement Otman qui succède.

En dehors des conquêtes nouvelles, le fait marquant du règne d’Otman est la fixation du Coran : Une version officielle est imposée et toutes les autres versions détruites. Il est assassiné en 656. C’est Ali qui lui succède cette fois, mais l’empire musulman est déjà désuni.

Muawiya conteste le califat d’Ali, ce qui finira par produire la scission (le schisme) de l’empire musulman à la mort d’Ali (assassiné à son tour en 661) et enclenchera le début du siècle des Omeyades.

Les partisans d’Ali et de ses descendants entrent en « dissidence » et forment le mouvement chiite (issu du schisme) après avoir essayé en vain de faire succéder à Ali, son fils Hassan. Ce mouvement s’oppose aux Sunnites (de Sunna, en référence aux actes et paroles du prophète rapportés par la tradition dans les hadiths).

Cette crise entrave la conquête musulmane et permet de conserver au monde sa dualité orient/occident. Sans elle Byzance aurait pu tomber à cette génération et l’Islam aurait pur devenir hégémonique dans le monde connu, comme aurait pu l’être le christianisme sans l’apparition de l’Islam.

Indirectement, les Juifs ne sont pas étrangers à cette crise. De son vivant Mahomet s’est immiscé dans un cas d’adultère dans la communauté juive en ordonnant que le couple fautif soit exécuté par lapidation. Suite à ce jugement, il se retrouve dans une impasse lorsque Aïcha, la seule femme qu’il a épousée vierge est trouvée au petit matin en galante compagnie avec un homme avec lequel elle a passé toute la nuit seule.

Mohamed n’écoute pas Ali quand celui-ci demande qu’à minima il se sépare d’Aïcha. En conseillant à Mahomet de répudier Aïcha, Ali venait de se faire une ennemie irréductible. Aïcha l’accusera d’avoir tué Otman arrivant ainsi à réunir des combattants contre Ali que celui-ci devra combattre.

Sur le plan militaire il réussit. Mais idéologiquement, il échoue, pendant qu’il s’occupe d’Aïcha et de ses partisans, Muawiya s’impose comme réel successeur d’Otman. Ali est assassiné à Koufa par un de ses partisans déçus. La mort d’Ali scelle définitivement la division du monde musulman.

Développement:

L’empire Byzantin menacé

La génération[1] précédente s’est conclut sur de nombreuses conquêtes de la nouvelle puissance musulmane au détriment de la puissance byzantine. Alexandrie est tombée en 642 et Carthage en 647. L’empire byzantin ainsi appauvri doit s’attendre à voir la menace musulmane se rapprocher de Constantinople.

Cela se produit lors de cette génération des années 650 à 670 après JC par une nouvelle approche guerrière des armées musulmanes. Jusqu’à présent elles redoutaient de combattre sur mer.

Cette appréhension disparaît lors de cette génération avec Muawiya dont les victoires lui permettront bientôt de contester le pouvoir d’Ali le quatrième calife:

  • Quand[13] les musulmans s’emparèrent de l’Égypte, Omar b. Al Khattâb écrivit à (son général) Amr b. Al-As et lui demanda de lui décrire la mer. L’autre lui répondit : « La mer est un être immense, chevauché par de faibles créatures – comme des vers sur le bois. » Du coup, le calife interdit aux musulmans de naviguer. Les Arabes qui le firent agirent à son insu et furent punis. C’est ainsi que Omar s’en prit à Arfaja b. Harthama Al-Azdi, chef des Bajîla, qu’il avait envoyé en expédition contre l’Oman, lorsqu’il apprit qu’il avait pris la mer : il le réprimanda de la manière la plus dure. L’interdiction dura jusqu’à l’avènement de Muawiya, qui permit aux musulmans de s’embarquer et de faire la guerre sainte sur mer.

En 644, Otman attaque Chypre qui tombe en 649, puis s’en prend à Rhodes en 654.

Constant II avait succédé à l’âge de onze ans à son père Constantin III à l’été 641. Il règne sur l’empire byzantin jusqu’en 668 soit quasiment l’intégralité de cette génération.

Avant de s’attaquer à la menace musulmane, Constant II essaie tout d’abord de réunifier Constantinople une nouvelle fois divisée par des querelles religieuses. La prise de Rhodes enclenche la riposte byzantine qui est désastreuse. Si Byzance résiste à l’attaque musulmane c’est principalement grâce aux tensions qui commencent à apparaître dans le cadre de la lutte de succession au califat de l’empire musulman.

Otman

Omar avait pris le califat en prenant soin dans un premier temps de faire succéder Abou Bekr à Mahomet évitant ainsi qu’Ali accède au pouvoir. En agissant ainsi il pouvait succéder facilement à Abou Bekr, Ali étant toujours écarté du pouvoir. À sa mort en 644 (il est assassiné), le problème de la succession se pose à nouveau.

Ali fait partie des prétendants au Califat, mais c’est Otman qui succède à Omar.

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Selon Tabari, Ali aurait dû succéder à Omar car le collège des six prétendants l’avait choisi mais du fait d’un subterfuge c’est finalement Otman qui succède.

En dehors des conquêtes nouvelles, le fait marquant du règne d’Otman est la fixation du Coran : Une version officielle est imposée et toutes les autres versions détruites. Cela est vraisemblablement la cause de sa mort, il est assassiné en 656.

Ali et Muawiya

C’est Ali qui lui succède cette fois, mais l’empire musulman est déjà désuni.

Muawiya conteste le califat d’Ali lui imputant la mort d’Otman, ce qui finira par produire la scission (le schisme) de l’empire musulman à la mort d’Ali (assassiné à son tour en 661) et enclenchera le début du siècle des Omeyyades (651-750, dynastie issue de Muawiya) dont les califes ont choisi Damas comme capitale.

Les partisans d’Ali et de ses descendants entrent en « dissidence » et forment le mouvement chiite (issu du schisme) après avoir essayé en vain de faire succéder à Ali, son fils Hassan. Ce mouvement s’oppose aux Sunnites (de Sunna, en référence aux actes et paroles du prophète rapportés par la tradition dans les hadiths).

Cette crise entrave la conquête musulmane et permet de conserver au monde sa dualité orient/occident. Sans elle Byzance aurait pu tomber à cette génération et l’Islam aurait pur devenir hégémonique dans le monde connu, comme aurait pu l’être le christianisme sans l’apparition de l’Islam.

Indirectement, les Juifs ne sont pas étrangers à cette crise :

  • Abdallah, fils de Saba[2], était un juif du Yémen, qui avait lu les anciens livres et qui était très savant. Il vint (à Médine) pour faire profession de foi musulmane entre les mains d’Otman, espérant que celui-ci aurait des égards pour lui. Mais Otman ne lui accorda aucune attention, et Abdallah se mit à médire partout du calife. Quand celui-ci en fut informé, il s’écria : Quel est donc ce juif ? Et il le fit chasser de Médine. Abdallah se rendit en Égypte, où il se forma autour de lui un parti nombreux, qui le tenait en grand honneur, à cause de sa science. Lorsqu’il fut assuré de son influence sur ces gens, il exposa sa doctrine en ces termes : Les chrétiens disent que Jésus reviendra en ce monde. Mais les musulmans ont plus de droit de prétendre que Mohammed reviendra ; car il est dit dans le Coran : « Certes, celui qui t’a donné le Coran te ramènera au point de ton départ ». Un certain nombre de gens acceptèrent cette croyance, et lorsqu’elle eut pris racine, Abdallah en émit une autre. Dieu, disait-il, a eu en ce monde cent vingt-quatre mille prophètes, et chacun de ces prophètes avait un ministre (vizir). Or le ministre et lieutenant de Mohammed était Ali, et c’est lui qui devait lui succéder. Otman s’est emparé illégitimement du pouvoir ; car, lorsqu’Omar établit le conseil d’élection, tous (les membres) étaient d’accord pour proclamer Ali, et Abd-er-Rahman, fils d’Auf, avait déjà pris sa main pour lui prêter serment ; mais Ali fut trompé par Amrou, fils d’Al-Aç, de sorte qu’Abd-er-Rahman prit la main d’Otman et prêta le serment à ce dernier. Otman a donc usurpé le pouvoir. […] Le peuple, ayant été séduit par la doctrine du second avènement du Prophète et du droit d’Ali à l’autorité, s’y rallia et déclara Otman infidèle. Mais on gardait cette croyance secrète, tandis que publiquement on prêchait le devoir de bien faire.

Un autre Juif prend le parti du camp opposé. Celui-ci est d’abord un des conseillers d’Omar :

  • Ka’b al-Akhbar[3], un juif, qui en cette année, avait embrassé l’islamisme, homme très savant, qui avait lu beaucoup de livres, était présent à l’assemblée ; il prit la parole et dit : Prince des croyants (il s’adresse à Omar), de quel côté veux-tu aller d’abord (Omar s’interrogeait s’il fallait aller en Syrie, où régnait une épidémie, ou en Irak) ?

Suivant Tabari, ce personnage prédit à Omar sa prochaine mort :

  • Le lendemain[4] (où Omar a eu un dialogue avec un esclave dont il pressent qu’il sera son assassin), Ka’b al-Akhbar vint trouver le calife et lui dit : Prince des croyants, fais ton testament ; car il ne te reste que trois jours à vivre. – Comment le sais-tu ? Demanda Omar ; as-tu trouvé dans le Pentateuque le nom d’Omar, fils de Khattâb ? Ka’b répondit : je n’y ai pas trouvé ton nom, mais ta description, avec celle du Prophète, il y est dit que tu seras son vicaire et combien de temps durera ton règne. Or ton règne finit dans trois jours.

C’est encore ce personnage, qui toujours selon Tabari prédit à Muawiya son prochain avènement, alors que les conjurés favorables à Ali dans le même temps élaborent leur plan pour déposer Otman :

  • Or [5]de tous les agents d’Otman, le plus mauvais était Abdallah, fils de Sa’d, fils d’Abou Sarh, gouverneur d’Égypte. Les gens d’Égypte adressèrent partout des lettres, dans lesquelles ils formulèrent des plaintes contre Abdallah et contre Otman, et l’on se concerta pour déposer Otman et mettre un autre à sa place. Mais dans aucune lettre on ne mentionna le nom d’Ali. Les agents du calife eurent connaissance de cette correspondance entre les différentes villes. Les conjurés convinrent d’envoyer, tel mois et tel jour, un certain nombre de gens à Médine, de déposer Otman et de mettre à sa place l’un des compagnons du Prophète, soit Ali, soit Zobaïr, soit Tal ‘ha. Personne ne mit en avant le nom de Muawiya, et celui-ci n’avait pas de telles vues. Cependant il causait un jour avec Ka’b al-Akhbar, et celui-ci lui dit : J’ai trouvé dans les livres qu’Otman sera renversé et tué. Muawiya dit : Que ne puis-je connaître celui qui régnera après Otman, pour lui faire ma cour ! Ka’b répliqua : C’est toi qui régneras mais ce sera après bien des luttes, des révolutions et après que beaucoup de sang aura été versé. Ce fut à partir de ce jour que Muawiya conçut l’idée de convoiter le pouvoir.

Des insurgés, principalement en provenance d’Égypte, assiègent Otman à Médine et finissent par le tuer. On lui refuse une sépulture dans le cimetière musulman et sa dépouille est « reléguée » dans un cimetière juif :

  • Lorsque[6] la prière fut terminée, trois Ançar […] accompagnés de plusieurs autres, se présentèrent et défendirent de l’enterrer dans le cimetière des musulmans. Or, à coté du Baqi’, et séparé de ce lieu par un mur, se trouvait le cimetière des Juifs ; c’est là que l’on enterra Otman. Plus tard, lorsque Muawiya, fils d’Abou-Sofyân, fut le souverain incontesté de l’empire musulman, il fit abattre le mur qui séparait les deux champs, et réunit le cimetière des juifs au cimetière musulman. Le côté où est enterré Otman est appelé le cimetière des Béni-Omayya.

La mort d’Otman fait tomber le dernier obstacle à l’accession au califat d’Ali.

Aïcha

Celui-ci est donc nommé, mais la contestation arrive rapidement. Les Béni-Omayya, lui imputant la mort d’Otman, sont les premiers à contester et se réfugient auprès de Muawiya. Ce dernier ne reconnaît pas le califat d’Ali et reste souverain sur la Syrie.

À cette rivalité naissante, une autre, issue de vieilles rancunes, vient s’y ajouter affaiblissant plus encore la position d’Ali.

Cette autre rivalité a pris indirectement naissance lorsque Mahomet voulu se mêler de l’interprétation de la loi juive lors d’un adultère commis dans la communauté juive d’alors.

Il s’agit d’un cas d’adultère commis entre un homme et une femme juifs tous les deux mariés (pour Ibn Ishâq, ce sont les Juifs qui demandent un jugement à Mahomet pour tester s’il est réellement prophète, il est peu vraisemblable que ceux-ci mettent en danger la vie de deux de leurs coreligionnaires pour un tel test), la sentence initiale des rabbins consistent à une flagellation humiliante, conforme à la tradition rabbinique qui n’applique jamais la peine de mort, respectant une interprétation raisonnée de la Torah (qui par ailleurs condamne dans les dix commandements le fait de tuer). Lorsque Mahomet intervient sur cette affaire, il réclame la lapidation:

  • Ibn Ishâq[7] dit : Muhammad b. Talhah b. Yazîd b. Rukânah sur l’autorité de ‘Ismâ’îl b. ‘Ibrahim, d’après Ibn ‘Abbâs, m’a rapporté que celui-ci a dit : l’Envoyé d’Allah ordonna de les lapider. Ils le firent devant la porte de sa mosquée. Lorsque le Juif sentit les pierres, il alla à sa compagne et la protégea pour lui éviter les coups de pierres, jusqu’à ce qu’ils fussent tués ensemble.

Le geste d’amour désespéré du supplicié envers sa compagne, qui visiblement n’a pas laissé insensible le commentateur, prouve à lui seul que la lapidation n’était pas la bonne sentence dans ce cas.

Elle l’est d’autant moins que Mohammad suite à ce jugement se retrouvera dans une impasse lorsque Aïcha, la seule femme qu’il a épousée vierge est trouvée au petit matin en galante compagnie avec un homme avec lequel elle a passé toute la nuit seule.

En effet celle-ci avait quitté sa litière la nuit, et s’étant égarée (suivant la version officielle d’Aïcha) se réfugie auprès de celui chargé d’escorter les arrières du convoi.

Au petit matin, Mahomet ne la trouvant pas la fit chercher par Ali :

  • Le Prophète[8], ayant remarqué, à la première station, l’absence d’Aïcha, envoya Ali en arrière. Celui-ci rencontra Çafwân conduisant Aïcha, demanda ce qui était arrivé, et Aïcha le lui raconta. Ali retourna en toute hâte et informa le Prophète. On avait su dans l’armée qu’Aïcha n’avait pas été trouvée dans sa litière. Lorsqu’on la vit arriver conduite par Çafwân, Abdallah, fils d’Obavy, dit : Aïcha est excusable en ce qu’elle vient de faire ; car Çafwân est plus beau et plus jeune que Mahomet. Chacun exprimait ainsi son opinion.

Même si l’adultère n’est pas prouvé, la situation pour le moins délicate de Aïcha, suivant les règles de l’époque aurait du entraîner une sentence identique à celle appliquée au couple Juif : la lapidation.

Mais, si Mahomet resta circonspect envers sa femme pendant une certaine période, il finit par l’absoudre malgré l’avis d’Ali :

  • Ensuite[9] le Prophète appela Ali, fils d’Abou-Talib, et Osâma, fils de Zaïd, et les interrogea sur le compte d’Aïcha. Osâma, qui avait été élevé dans la maison du Prophète, dit : je n’ai jamais vu qu’elle ait commis rien de répréhensible, ni en faits, ni en paroles ; je le jure. Ali parla ainsi : Apôtre de Dieu, délivre-toi de ces embarras ; il y a beaucoup de femmes dans le monde ; s’il y a dans ton esprit un soupçon à l’égard de celle-là, choisis-en une autre.

Finalement, Mohamed n’écoute pas Ali. Suivant la tradition musulmane, une intervention de l’ange Gabriel vient disculper Aïcha. Suite à cette révélation, le Coran lui-même intègre des conditions qui rendent difficile la condamnation de la femme adultère, car il faut pour cela que quatre témoins acceptent de témoigner. Dans le cas contraire, ce sont ceux qui auront osé témoigner qui sont punis :

  • Et[10] ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire par la suite quatre témoins, fouettez-les de quatre-vingts coups de fouet, et n’acceptez plus jamais leur témoignage. Et ceux-là sont pervers.

Cette sentence fut d’ailleurs appliquée à ceux qui avaient mis Aïcha en accusation.

Cette Sourate (toute ou partie) est considérée comme descendue spécialement à Mahomet pour contrer la calomnie sur Aïcha. Le Coran dans sa version actuelle fut figé par Otman ; Ali qui avait vécu l’événement relaté n’a peut-être pas apprécié cette insertion qui disculpe Aïcha.

Le schisme

En tout état de cause, Ali en conseillant à Mahomet de répudier Aïcha, venait de se faire une ennemie irréductible. Ce qui allait lui être fatal :

  • Aïcha[11] était l’ennemie d’Otman ; elle avait constamment déclaré qu’il devait s’amender ou abdiquer. Au moment où il fut assiégé dans son hôtel, elle était partie pour le pèlerinage. Mais lorsqu’Ali eut été proclamé calife, elle en fut très fâchée, car elle gardait rancune à Ali du langage qu’il avait tenu au Prophète, du temps qu’elle avait été calomniée et accusée d’adultère. […] Comme Aïcha était mécontente de la nomination d’Ali, elle disait qu’Otman avait été tué injustement et qu’il fallait venger sa mort. C’est au moment où elle venait de quitter La Mecque, qu’elle apprit ces derniers événements. Elle revint immédiatement sur ses pas, en disant : Ma place n’est plus maintenant à Médine. Tous ceux qui s’étaient enfuis de Médine se réunirent autour d’elle et s’engagèrent envers elle. Ils lui racontèrent en détail de quelle manière cruelle on avait tué Otman, et elle pleura et s’écria : Que Dieu ait pitié d’Otman ! C’est un devoir pour tous les musulmans de venger sa mort !
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Ali devra d’abord combattre les partisans d’Aïcha, sur le plan militaire il réussit.

Mais idéologiquement, il échoue, pendant qu’il s’occupe d’Aïcha et de ses partisans, Muawiya s’impose comme réel successeur d’Otman.

Ali arrive encore militairement à prendre le dessus, mais quand il demande l’avis du conseil pour désigner une nouvelle fois le successeur d’Otman, c’est Muawiya qui est élu. Le fait de ne pas avoir su s’imposer fera qu’il sera délaissé y compris de ses partisans.

Il est assassiné à Koufa par un de ses partisans déçus.

Hasan, son fils, essaie sans succès de lui succéder ; il négocie rapidement son abdication avec Muawiya et selon la tradition il meurt empoisonné par ce dernier.

La mort d’Ali scelle définitivement la division du monde musulman, d’une part, les tenants de la « tradition », les sunnites, et ceux qui accordent et accorderont une place prépondérante à Ali et à sa descendance : les Chiites.

Constantinople ne tombe pas

Avec le Califat de Muawiya, l’empire musulman, qui déplace sa capitale à Damas, s’étend. Mais la parenthèse du califat d’Ali, et le schisme font que cet empire ne parvient pas à s’emparer de Constantinople (tout du moins pendant quasiment près d’un millénaire) et doit se « contenter » d’une extension vers l’Asie, et du côté méditerranéen vers l’ouest, vers le Maghreb et bientôt l’Espagne.

L’Islam a empêché que le monde devienne entièrement Chrétien, ce qui aurait été fatal au Judaïsme. Par le schisme, il a échoué à supplanter le Christianisme. Le monde sera Chrétien et Musulman, cela laisse une place pour le judaïsme.

L’empire initialisé par Mahomet a rapidement perdu son unicité comme auparavant celui construit par David et Salomon. À la mort de Salomon[12], Jéroboam de la tribu d’Ephraïm mena la révolte qui conduisit au schisme entre Juda et Israël.

Le schisme fut à la fois politique et religieux car pour éviter de dépendre du culte du temple à Jérusalem, Jéroboam créa un culte concurrent idolâtre à Bethel et Dan.

C’est par ce parallèle que le psaume de cette génération commence à illustrer cette génération marquée par le schisme au sein de l’Islam :

  1. Au Chef des chantres. Sur les Chochanim, Edouth. Psaume d’Assaf.
  2. Pasteur d’Israël, prête l’oreille, toi qui mènes Joseph comme un troupeau ! Révèle-toi dans ta splendeur, toi qui trônes sur les Chérubins !
  3. Aux regards d’Ephraïm, Benjamin et Manassé, déploie ta puissance, et marche à notre secours !
    • Avant l’arrivée de l’Islam, le sort des Juifs soumis au pouvoir chrétien n’était pas très prometteur. Ephraïm et Manassé sont les enfants de Joseph nés en Égypte. C’est d’Ephraïm que naîtra le schisme avec Juda, Manassé ne peut être dissocié d’Ephraïm. Quant à Benjamin, il joue un rôle d’arbitre dans le schisme entre Juda et Israël.

Équilibre entre loi et foi

La légende arabe donne à Ka’b et Abdallah, deux juifs, un rôle non négligeable dans le schisme musulman. Mais c’est plus sur le plan de la doctrine que le schisme se produit.

Les chrétiens ont adopté le monothéisme juif en en écartant les lois, jugées trop contraignantes pour les peuples païens à convertir. La loi a été remplacée par la foi et compensée principalement par la part de divinité donnée à Jésus, le « Prophète des chrétiens ». C’est sur la nature de cette divinité que les chrétiens se sont divisés, interprétant différemment la part d’humain et la part de divin de Jésus.

Les musulmans, riches de cette expérience, écarte toute part de divinité à leur prophète Mahomet, et, à l’image des Juifs, essaient de cimenter leurs fidèles autour de la loi.

Une loi basée sur la loi juive mais adaptée pour permettre une diffusion aisée au sein des peuples conquis et convertis. Mais cela sera l’écueil qui mènera au schisme, comme l’illustre l’accusation d’adultère d’Aïcha, où le manque de maturité de la théologie musulmane va, dans la divergence d’interprétation des textes coraniques ; amener à la division et au schisme.

C’est ce schisme au sein de l’Islam que la suite du psaume évoque :

  1. Ô Dieu, régénère-nous, fais luire ta face et nous serons sauvés !
  2. Éternel, Dieu Cébaot ! Jusques à quand accueilleras-tu avec colère la prière de ton peuple ?
  3. Tu leur fais manger un pain (trempé) de pleurs, Tu les abreuves d’un déluge de larmes.
  4. Tu fais de nous un brandon de discorde pour nos voisins, et nos ennemis se livrent à leurs moqueries.
    • Nos voisins, comme cela a été illustré au psaume précédent, représente les Arabes. La légende arabe donne à Ka’b et Abdallah, deux juifs, un rôle non négligeable dans le schisme musulman. Mais c’est plus l’adaptation de la loi juive en loi musulmane qui crée les conditions du schisme. Pendant ce temps, le sort des Juifs en royaumes chrétiens (nos ennemis) se détériore en particulier en royaume Wisigoth (Espagne).

Vers un monde dichotomique

Pendant que les partisans d’Ali et de Muawiya se combattent, les musulmans offre un répit inespéré aux Byzantins qui a pour conséquence que la poussée musulmane est vaine pour faire tomber Constantinople et qu’en conséquence les conquêtes arabes sur l’Europe et la Méditerranée se poursuivront vers l’ouest, vers le Maghreb et bientôt sur l’Espagne.

Pour les Juifs, c’est une opportunité de développement inespéré. Les Juifs accompagnent les Arabes dans leurs nouvelles conquêtes et de nombreuses nouvelles communautés se construisent sur les nouveaux territoires conquis.

Cela permet aux Juifs un épanouissement salutaire pour quelques siècles. C’est ce développement qui est évoqué dans la suite du psaume :

  1. Ô Dieu-Cébaot, régénères-nous, fais luire Ta face et nous serons sauvés.
  2. Tu as fait émigrer une vigne de l’Égypte, et expulser des nations pour la replanter.
  3. Tu as fait place nette devant elle ; aussi elle jeta de profondes racines, et s’étendit sur le pays.
  4. Les montagnes furent couvertes de son ombrage, ses branches égalèrent les cèdres de Dieu.
  5. Elle poussa ses sarments jusqu’à la mer, jusqu’au fleuve ses rejetons.
    • Un des foyers du schisme musulman est l’Égypte, où les choix politiques des différents califes vont créer le terreau favorable à la révolte et d’où vont partir ceux qui vont assassiner Ali et matérialiser définitivement le schisme. Cela permet indirectement au peuple d’Israël de pouvoir créer de nouvelles implantations sur les rivages de la Méditerranée conquis par les Arabes de la terre d’Israël à l’extrémité du Maghreb en attendant que les communautés d’Espagne soient libérées du joug Wisigoth et enrichis de nouveaux apports accompagnant les conquérants arabes.

Toutefois en regard de l’espoir apporté par l’essor des communautés juives en accompagnement de la conquête arabe, le début des Omeyades (du nom de la tribu auquel appartient Muawiya) est aussi associé à la construction à Jérusalem de la première Mosquée ; Muawiya s’étant autoproclamé calife de Jérusalem.

Cette Mosquée sert de base à la construction de la Mosquée Al-Aqsa, source de conflits jusqu’à nos jours entre Juifs et Musulmans et empêchant la reconstruction du Temple.

C’est ce point qu’évoque la suite du psaume :

  1. Pourquoi as-tu démoli ses clôtures, si bien que tous les passants la dépouillent,
  2. que le sanglier de la forêt la mutile, et qu’elle sert de pâture à ce qui se meut dans les champs ?
    • Le sanglier évoque Rome qui avait saccagé Jérusalem. Ce qui se meut dans les champs évoque les Arabes en évoquant leur caractère nomade, et donc la prise de possession de Jérusalem par les Arabes, qui contrairement au Chrétiens vont tout de même en respecter la sainteté.
  3. Ô Dieu-Cébaot ! Reviens de grâce ! Du haut du ciel regarde et vois ; prends sous ta protection cette vigne,
  4. ces ceps que Ta droite a mis en terre, cette plantation que tu avais voulue si vigoureuse.
  5. La voilà consumée par le feu, mise en pièces ; sous la colère menaçante de Ta face, tout périt !
    • Le rédacteur du psaume adresse une nouvelle foi sa prière envers Dieu, afin que celui-ci ne se contente pas de faire survivre son peuple mais lui redonne sa splendeur passée.
  6. Oh ! Que Ta protection s’étende sur l’homme élu par ta droite, sur le fils de l’homme que Tu avais rendu fort en Ton honneur !
  7. Nous ne nous éloignerons plus de Toi ; ranime notre vie, et nous invoquerons Ton nom.
  8. Ô Éternel, Dieu-Cébaot, régénère-nous, fais luire Ta face et nous serons sauvés.
    • La conclusion du psaume, rappelle la foi du peuple d’Israël envers son Dieu et la confiance au salut final malgré les épreuves de la nuit.
  • Cette génération fait partie de la 2ème garde de la nuit (générations 50 à 98).
  • Elle est donc associée à une malédiction du Deutéronome (malédictions numérotées 50 à 147 en continuité avec celles du Lévitique).
  • En effet les 2ème et 3ème gardes de la nuit sont celles du long exil des Juifs hors de leur terre et sans Temple à Jérusalem et donc sans service du Temple (défini dans le Lévitique). Le Deutéronome est une « redite » des lois adaptée à l’exil puisque ne reprenant pas les lois associées au service du Temple.

Pendant ce temps, la position des Juifs en monde chrétien ne s’améliore pas. En Espagne Wisigoth, ou la présence juive est attestée depuis de longs siècles, les pressions se font de plus en plus fortes à la veille de la conquête musulmane en Espagne.

Dans les générations précédentes (sous le règne de Sisebut 612-621) de nombreux Juifs avaient été convertis de force ou s’étaient convertis du bout des lèvres pour éviter l’exil, mais restaient en secret attachés au judaïsme.

Après un épisode de calme sous le règne du roi Chindaswind, ses successeurs resserrent l’étau :

  • Avec[14] le nouveau concile de Tolède, voulu par Chintila (635-639), les Juifs convertis durent souscrire un document dit Placitum par lequel ils s’engageaient, sous peine de graves sanctions, à demeurer dans l’observance de la religion chrétienne. La politique à l’égard des Juifs en Espagne fut souvent le résultat des humeurs du roi et des équilibres politiques contingents avec l’Église, Chindaswind (641-652), qui détestait le clergé, raviva les espérances juives. Son fils Receswind (652-672), s’efforça au contraire de réaliser les anciennes dispositions à l’égard des Juifs, surtout des convertis. La formule d’abjuration fut réécrite pour rendre leur conversion plus sincère. Lisons Graetz:
    • (les Juifs de Tolède) signèrent, le 18 février 654, pour le roi Receswind, un acte de foi dans lequel ils déclaraient : « que déjà sous le roi Chintila, ils avaient fait vœu de persister dans la religion chrétienne, mais que leur incrédulité et leurs erreurs héréditaires les avaient empêchés de reconnaître la divinité du Christ ; que maintenant ils promettaient, de par leur libre volonté, eux, leurs femmes et leurs enfants, de ne plus observer les rites et les usagers des Juifs ; qu’ils s’abstiennent d’entretenir des relations condamnables avec des Juifs non baptisés, de se marier entre parents (oncles et nièces), d’épouser des femmes juives, de pratiquer la circoncision, de célébrer la Pâque, le sabbat et les autres fêtes juives, de suivre les prescriptions alimentaires et, en général, tous les usages abominables du judaïsme ; qu’ils s’engageaient au contraire à reconnaître sincèrement les enseignements des Évangiles ; que, ne pouvant surmonter leur répugnance pour la chair du porc, à laquelle il leur était impossible de goûter, ils promettaient cependant de manger sans aversion ce qui était cuit avec le porc ; que quiconque d’entre eux violerait un de ces engagements périrait de leurs propres mains ou des mains de leurs fils par le feu ou la lapidation ; qu’ils juraient par La Trinité de rester fidèles à cette déclaration. »
  • Receswind (et les signataires l’espéraient sans doute) savait que les édits royaux restaient souvent lettre morte, puisque dans les provinces, les nobles permettaient à leurs sujets de vivre selon leur conscience : il brandit alors la menace d’expulsion et d’excommunication, en cas d’inobservance des décrets royaux. Il n’obtint pourtant pas les résultats espérés : les chrétiens judaïsants demeurèrent une réalité nationale, même si le clergé les surveillait de près en les obligeant à suivre à l’église les fêtes juives et chrétiennes.

Les Juifs d’Espagne subissent la domination de leurs ennemis et se doivent de consommer les nourritures interdites imposées par le pouvoir Wisigoth.

La génération 80 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 52 du Deutéronome:

  1. Maudit seront ton panier,

Paul David

[1] Suivant John Julius Norwich : « Histoire de Byzance ». Chapitre : « Les premiers siècles » (p 121 à 123, extraits : p.122)

[2] TABARI : « La chronique/Les quatre premiers califes ». Chapitre : « Apparition de la doctrine du second avènement. Révoltes contre Otman » (p. 306/307)

[3] TABARI : « La chronique/Les quatre premiers califes ». Chapitre : « Voyage d’Omar en Syrie » (p. 182)

[4] TABARI : « La chronique/Les quatre premiers califes ». Chapitre : « Mort d’Omar » (p. 255/256)

[5] TABARI : « La chronique/Les quatre premiers califes ». Chapitre : « Apparition de la doctrine du second avènement. Révoltes contre Otman » (p. 307/308)

[6] TABARI : « La chronique/Les quatre premiers califes ». Chapitre : « Mort d’Otman » (p. 328)

[7] Ibn Ishâq : « Muhammad » (Traduction de Abdurrahmân Badawî), chapitre : « Ils (les Juifs) se réfèrent à l’envoyé d’Allah au sujet de la lapidation». (T.I, p. 470 à 472)

[8] TABARI : « La chronique/Mohammed, sceau des prophètes ». Chapitre : «Aïcha, victime d’une calomnie» (p. 237/238)

[9] TABARI : « La chronique/Mohammed, sceau des prophètes ». Chapitre : «Aïcha, victime d’une calomnie» (p. 239)

[10] CORAN, Sourate 24 (An Nür – La lumière), verset 4

[11] TABARI : « La chronique/Les quatre premiers califes ». Chapitre : « Ali nomme de nouveaux gouverneurs » (p. 340/341)

[12] Voir I ROIS, Chapitre 12

[13] Ibn Khaldûn : « Discours sur l’Histoire universelle » (traduction de Vincent Monteil). Chapitre : « Dynasties, Monarchie, Califat. 32 : Dignités et titres du pouvoir/Le commandement de la flotte » (p. 394)

[14] Riccardo Calimani : « L’errance juive ». Chapitre 6: Les Juifs à l’époque impériale et dans le haut moyen-âge (p. 103/104)