Résumé:

Cette génération est celle des années 10 à 30 après JC.

Suivant notre comptage, cette génération est la génération 48 associée au psaume 48. C’est dans ce psaume 48 que nous retrouvons donc une illustration des faits de cette génération.

La Judée étant devenue province romaine depuis que Archélaüs a été déposé par Auguste, c’est à Rome plus que jamais que la destinée de la province Juive se joue. Ce n’est pas sur le plan politique que cette génération se distingue mais sur le plan religieux.

C’est à cette génération qu’éclot le Christianisme, elle est en effet le théâtre de la vie de Jésus. Cela sera le terreau du Christianisme primitif qui lui-même servira de base au Christianisme quelques générations plus tard. De fait la maturation de la religion chrétienne prendra quelques siècles.

Cette génération, l’avant dernière de la première garde de la nuit préfigure le second exil, celui qui suivra la seconde destruction de Jérusalem. Cet exil sera bien plus terrible encore pour les Juifs que ne fut le premier, celui de Babylone. Exil qui commence symboliquement déjà à Rome où la plupart des Juifs de Rome sont exilés en Sardaigne, Parmi les exilés, nombreux sont ceux qui auraient pu plaider pour leurs frères de Judée à Rome et éviter peut-être les événements tragiques qui atteindront Jérusalem dans les prochaines générations. Mais cela n’était vraisemblablement pas le sort décidé par Dieu.

Développement:

La Judée, province romaine

La Judée étant devenue province romaine depuis que Archélaüs a été déposé par Auguste, c’est à Rome plus que jamais que la destinée de la province Juive se joue.

Cette génération qui voit la fin de règne d’Auguste (14) sera marquée par celui de Tibère (14/37).

En ce qui concerne la Judée proprement dite, c’est le procurateur Valérius Gratus (15/26) qui représente le pouvoir romain en Judée avant de céder la place à Ponce Pilate (26/36).

Dans le même temps les deux autres fils d’Hérode qui s’étaient partagé le royaume d’Hérode avec Archélaüs continuent de régner sur leur territoire.

Hérode Antipas, frère (de père et de mère) d’Archélaüs, règne sur la Galilée et la Pérée (approximativement la Transjordanie actuelle) de 4 avant JC à 39, seul monarque Juif (en dehors d’Hérode le Grand) évoqué par les Évangiles en particulier pour l’exécution de Jean Baptiste.

C’est lui encore qui refuse de juger Jésus (originaire de Galilée, Jésus est sous sa juridiction) et le rend à Ponce Pilate toujours suivant les Évangiles, entre autres, le récit des évangiles de Luc[1].

Philippe, demi-frère d’Archélaüs (fils de Cléopâtre de Jérusalem) est tétrarque de 4 avant JC à 34, de territoires périphériques à la Judée dominés par des populations non juives : Syriens et Grecs. Son règne se passe dans le calme et les régions qu’il gère auront peu d’impact sur la génération qui nous intéresse.

Christianisme

Ce n’est donc pas sur le plan politique que cette génération se distingue mais sur le plan religieux.

C’est à cette génération qu’éclot le Christianisme. Ou, tout au moins, elle est le théâtre de la vie de Jésus, qui sera le terreau du Christianisme primitif qui lui-même servira de base au Christianisme que l’on connaîtra quelques générations plus tard.

De fait la maturation de la religion chrétienne prendra quelques siècles.

Jérusalem qui n’avait alors de valeur que pour le peuple Juif deviendra une ville vénérée par de nouveaux peuples adhérents au Christianisme ou plus tard à l’Islam.

Ainsi l’Éternel, qui n’était alors que le Dieu des Juifs, sera vénéré par des populations de plus en plus nombreuses jusqu’à approximativement la moitié de la population de la terre de nos Jours.

Cette contagion se fera à travers Rome, la puissance de l’époque, à travers le Nord par rapport à Jérusalem.

Depuis près de mille ans, Jérusalem a survécu à toutes les invasions et les destructions. Les Rois de la terre qui l’avaient conquise comme un territoire anodin ont disparu sans laisser d’héritage alors que Jérusalem est encore là fièrement s’affichant encore une fois comme le nombril du monde.

C’est ce qui est évoqué dans le début du psaume de cette génération :

  1. Cantique. Psaume des fils de Coré.
  2. Grand est l’Éternel et justement glorifié, dans la ville de notre Dieu, sa sainte montagne.
  3. Comme elle se dresse magnifique, joie de toute la terre, la montagne de Sion, aux flancs dirigés vers le Nord, la cité d’un roi puissant !
  4. Dieu réside en ses palais, il s’est fait connaître comme leur vrai rempart.
  5. Car voici, les rois s’étaient ligués, mais ensemble ils ont disparu.

L’exil

Cette génération, l’avant dernière de la première garde de la nuit préfigure le second exil, celui qui suivra la seconde destruction de Jérusalem.

Cet exil sera bien plus terrible encore pour les Juifs que ne fut le premier, celui de Babylone.

Mais quelles que soient les épreuves subies elles sont globalement salutaires au peuple Juif, car à l’issue de celles-ci Dieu se souviendra de son peuple comme l’évoque les prophéties d’Isaïe:

  • En[2] ce jour-là, il y aura un rejeton de Jessé, qui se dressera comme la bannière des peuples, les nations se tourneront vers lui, et sa résidence sera entourée de gloire.
  • Et en ce jour-là, le Seigneur étendra une seconde fois la main pour reprendre possession du reste de son peuple, qui aura échappé à l’Assyrie, à l’Égypte, à Patros, à Couch, à Elam, à Senaar, à Hamat et aux îles de la mer, Il lèvera l’étendard vers les nations pour recueillir les exilés d’Israël et rassembler les débris épars de Juda des quatre coins de la terre. […].
  • Et tu diras en ce jour : « Je te remercie, ô Seigneur d’avoir fait éclater sur moi ta colère ! Car Ta colère s’apaise, et Tu me consoles. Oui, Dieu est mon salut, j’espère et ne crains point ; car ma force et ma gloire, c’est Dieu, l’Éternel ! C’est Lui qui m’a sauvé! » […]
  • Oracle contre Babylone (auteur du premier exil et symbole des peuples qui combattent Israël), que prononça Isaïe, fils d’Amos : « Sur une montagne dénudée élevez un étendard, appelez-les à grands cris, faites signe de la main, qu’ils franchissent les portes des triomphateurs ! J’ai commandé ma troupe sainte, j’ai appelé, pour servir ma colère, mes guerriers, champions enthousiastes de ma grandeur. Une bruyante rumeur éclate sur les montagnes, on dirait la rumeur d’un peuple immense. C’est le bruit tumultueux d’empires, de nations rassemblées : l’Éternel Cébaot passe en revue l’armée du combat. Ils arrivent d’une terre lointaine, des confins du ciel, l’Éternel et les instruments de sa fureur, pour ravager toute la terre. Lamentez-vous, car le jour du Seigneur est proche ; c’est comme un fléau déchaîné par le Tout-Puissant. Aussi toutes les mains sont défaillantes, tout cœur d’homme se liquéfie. Ils sont frappés d’épouvante, les maux, les douleurs s’emparent d’eux ; ils se tordent comme une femme au travail, ils se regardent l’un l’autre avec stupeur, leur visage est comme en feu. Oui, il arrive implacable, le jour du Seigneur, jour d’emportement et de violente colère, qui réduira la terre en solitude et en exterminera les criminels ».

C’est justement cette vision apocalyptique de la fin des temps ou Israël sera rétabli auprès de Dieu. Et où Les nations seront punies de la souffrance imposée au peuple de Dieu tout au long du second exil. Ce que Jésus, au cours de cette génération, rappelle dans ces prédications :

  • Vous[3] allez entendre parler de guerre et de rumeurs de guerre. Attention ! Ne vous alarmez pas : il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. Car on se dressera nation contre nation et royaume contre royaume ; il y a aura en divers endroits des famines et des tremblements de terre. Et tout cela sera le commencement des douleurs de l’enfantement.

Cette prédiction de Jésus relatif aux temps apocalyptiques, associée à l’oracle d’Isaïe, sont bien illustrés par la suite du psaume :

  1. C’est qu’ils ont vu : aussitôt ils furent frappés de stupeur, l’épouvante les saisit ; éperdus, ils s’enfuirent.
  2. Là un frisson s’empara d’eux, une angoisse comme d’une femme qui enfante.

Cette période apocalyptique clôturera le second exil du peuple d’Israël qui débutera lors de la destruction du second temple par les Romains.

La Sardaigne

Toutefois dans la génération qui nous intéresse l’exil a déjà commencé comme nous le raconte Flavius Josèphe :

  • Un[4] Juif qui était l’un des plus méchants hommes du monde, et qui s’était enfui de son pays pour éviter d’être puni de ses crimes, s’associa avec trois autres, qui ne valaient pas mieux que lui, et ils faisaient profession dans Rome d’interpréter la loi de Moïse. Une femme de condition, nommée Fulvie, qui avait embrassé notre religion, les prenant pour des gens de bien, s’était mise sous leur conduite. Ils lui persuadèrent de donner de l’or et de la pourpre pour envoyer à Jérusalem, et retinrent ce qu’elle leur mit entre les mains pour ce sujet. Saturnin, mari de Fulvie, en fit ses plaintes à Tibère, de qui il était fort aimé ; et ce prince ne l’eut pas plus tôt su qu’il commanda qu’on en chassât de Rome tous les Juifs. Les consuls, après une exacte recherche en firent enrôler quatre mille qui furent envoyés en l’île de Sardaigne, et châtièrent très sévèrement un grand nombre d’autres qui, pour ne point contrevenir aux lois de leur pays, refusèrent de prendre les armes. Ainsi la malice de quatre scélérats fut cause qu’il ne resta pas un seul Juif dans Rome.

Il est vraisemblable que cet exil des Juifs de Rome jouera en défaveur de Jérusalem.

Parmi les exilés, nombreux sont ceux qui auraient pu plaider pour leurs frères de Judée à Rome et éviter peut-être les événements tragiques qui atteindront Jérusalem dans les prochaines générations.

Mais cela n’était vraisemblablement pas le sort décidé par Dieu. Ces premiers exilés Juifs sont en fait le symbole de l’exil Juif. La Sardaigne est évoquée dans le Bible: 

  • Et[5] les enfants de Yavan : Elicha, Tharsis, Kittim et Dodanim.

Et également :

  • Enfants[6] de Yavan, Elicha, Tharsis, Kittim et Rodanim.

Ces peuples sont généralement interprétés comme suit :

  • Yavan représente vraisemblablement l’Ionie,
  • Elicha représente vraisemblablement Chypre,
  • Kittim représente vraisemblablement Rome (au sens de la puissance méditerranéenne, d’autres y voient Chypre),
  • Dodanim et Rodanim représentent vraisemblablement Rhodes,
  • Tharsis représente vraisemblablement la Sardaigne (d’autres y voient Carthage ou une région d’Espagne, voire un symbole des îles lointaines).

Ainsi, venant confirmer les prédictions d’Isaïe, David, dans son psaume, confirme que le peuple d’Israël sera rassemblé des extrémités de la terre :

  1. Par le vent d’Est, Tu briseras les vaisseaux de Tharsis.

Les vaisseaux de Tharsis symbolisent l’exil du peuple d’Israël. Dieu en les brisant, brise l’exil du peuple d’Israël. Toutefois, cette prophétie n’est valable que pour la fin des temps.

Forger la mémoire

Dans la génération qu’il nous intéresse, le temple est encore debout, Jérusalem est encore la capitale de la Judée, même si celle-ci n’est plus qu’une province romaine. Jérusalem et le Temple sont vraisemblablement à l’apogée de leur splendeur et de leur rayonnement.

Il est donc important que son souvenir soit ancré dans la mémoire juive.

C’est à ce travail de mémoire que la suite du psaume invite :

  1. Ce que nous avions entendu, nous l’avons vu dans la ville de l’Éternel Cébaot, la ville de notre Dieu : Dieu l’a affermie pour l’éternité. Sélah !
  2. Nous nous représentons, ô Dieu, ta bonté, dans l’enceinte de Ton sanctuaire.
  3. Comme ta renommée, ô Dieu, ainsi éclatent tes louanges jusqu’aux confins de la terre ; ta droite est pleine de justice.
  4. Qu’elle se réjouisse, la montagne de Sion, qu’elles se livrent à l’allégresse, les filles de Juda, en raison de tes jugements !
  5. Faites le tour de Sion, parcourez-la à la ronde, comptez ses tourelles.

Cette fidélité à Jérusalem ne quittera jamais le peuple Juif à travers les générations de l’exil respectant ainsi les vœux de David. Dans le même temps où la mémoire juive est en train de se forger pour être prête à traverser près de deux mille ans d’exil, Jésus est au cœur de ses prédications.

Pendant que le peuple Juif s’apprête à sommeiller jusqu’à sa résurrection, Jésus sème dans la même ville de Jérusalem ce qui donnera naissance au Christianisme et par suite à l’Islam. Jésus sème ce qui éveillera les peuples païens de la terre à la reconnaissance de l’Éternel:

  • Comme[7] une grande foule se réunissait et que de toutes les villes on venait à lui, il dit en parabole : Le semeur est sorti pour semer sa semence. Comme il semait, du grain est tombé au bord du chemin ; on l’a piétiné et les oiseaux du ciel ont tout mangé. D’autre grain est tombé sur la pierre ; il a poussé et séché, faute d’humidité. D’autre grain est tombé au milieu des épines ; en poussant avec lui, les épines l’ont étouffé. D’autre grain est tombé dans la bonne terre ; il a poussé et produit du fruit au centuple.

Ainsi les disciples de Jésus sèmeront à travers le monde la parole chrétienne. Chaque grain est assimilable à une génération puisqu’il permet d’obtenir à nouveau des grains. Le grain tombé dans la bonne terre produit au centuple : le Christianisme durera cent générations. Soit de la génération actuelle qui marque son début jusqu’à la génération cent quarante-sept qui est la dernière de la nuit du peuple d’Israël.

La fin du psaume évoque cette patience du peuple d’Israël qui pendant les cent dernières générations de la nuit ne devra survivre que sur le récit de sa gloire passée en attendant sa résurrection finale qui correspond à la fin du monde actuel. Chaque Juif de la génération de la nuit n’aura bien souvent, jusqu’à sa mort que sa foi en Dieu et le souvenir de l’alliance pour réussir à survivre, c’est ce qu’exprime la fin du psaume :

  1. Fixez votre attention sur ses remparts, admirez ses palais, pour que vous puissiez raconter aux générations futures
  2. que ce Dieu est notre Dieu pour l’éternité ! C’est lui qui nous dirigera jusqu’à l’heure de la mort.

Cette génération fait partie de la 1ère garde de la nuit (générations 1 à 49).
Elle est donc associée à une malédiction du Lévitique (malédictions 1 à 49).

Par l’exil des Juifs de Rome vers la Sardaigne, apparaissent les prémices de la dispersion des Juifs à travers les nations qui suivra la destruction du second temple.

La génération 48 de la nuit est sous l’emprise de la malédiction 35 du Lévitique :

  1. Je vous disperserai parmi les peuples.

Paul David


[1] Evangile de Luc, Chapitre 23, versets 6 à 12

[2] ISAIE Chapitre 11, verset 10 à Chapitre 13, verset 9 (extraits)

[3] Evangile selon Matthieu, Chapitre 24, versets 6 à 8 (voir également Evangile selon Marc, Chapitre 13 et Evangile selon Luc, Chapitre 21)

[4] Flavius Josèphe/Antiquités Juives/Livre Dix-huitième/chapitre 5

[5] GENESE Chapitre 10, verset 4

[6] I CHRONIQUES Chapitre 1, verset 7

[7] Evangile selon Luc, Chapitre 8, versets 4 à 8 (Voir aussi Evangile selon Matthieu, chapitre 13 et Evangile selon Marc, Chapitre 4)